Chronique politique
Elections présidentielles au Bénin
Le nerf de la guerre
Toute campagne électorale ne saurait être menée sans un bon magot financier. Au Bénin, comme dans tous les pays du monde, c’est le cas. Mais, si dans un pays qui se respecte, l’origine des fonds servant à la campagne électorale doit être facilement vérifiable, au Bénin, pour procéder à une telle vérification, il faudrait parcourir un chemin de croix. Officiellement et, ce, jusqu’à la dernière élection présidentielle de 2006, les fonds dépensés par tout candidat ne doivent pas dépasser la barre des 500 millions de FCFA. Une disposition régulièrement battue en brèche lors de toutes les campagnes présidentielles, depuis l’avènement du renouveau démocratique, étant donné toutes les sommes qui sont dépensées durant la longue période de précampagne, qui précède la campagne officielle. Aujourd’hui, avec la nouvelle Loi relative aux règles générales pour les élections en République du Bénin, les candidats sont autorisés à dépenser jusqu’à 2.5 milliards de F Cfa. L’origine de ces fonds n’étant pas connue, leur utilisation lors des élections est la porte ouverte au blanchiment d’argent. Il est donc facile de donner une “blancheur immaculée“ à des fonds ayant une origine fort douteuse. Dans le même ordre d’idées, il est difficile pour un candidat de mobiliser spontanément ces supposés sympathisants. Ceux qui font acte de présence lors des meetings politiques et autres manifestations du même acabit, espèrent forcément être gratifiés en espèces sonnantes et trébuchantes. Personne ne parle sérieusement de la provenance de ces fonds ou bien chacun de nous fait fi d’en parler ouvertement. C’est un jeu de poker menteur où le citoyen fait l’impasse sur un droit fondamental, celui qu’il a d’exiger du candidat, à telle ou telle élection, une clarté sur toute la ligne. Parvenu au pouvoir, celui-ci aura tôt fait de jouer des pieds et des mains afin que ses soutiens financiers, lors de la campagne électorale, puissent entrer en possession de leurs fonds. Et, pour la circonstance, il lui faut un haut vol de magouilles et de pratiques pas très orthodoxes pour le décaissement de ces fonds. Au-delà de cela, nous sommes dans un cercle vicieux où il n’existe pas au Bénin une loi qui soit destinée à permettre un financement public des partis politiques. Mais, elle servira à clarifier également les conditions dans lesquelles un particulier ou une entreprise privée peuvent soutenir le candidat de leur choix. Les fonds à allouer par l’Etat aux partis politiques régulièrement enregistrés peuvent être déterminés en fonction du nombre de suffrages qu’ils ont obtenus lors de chaque scrutin. Autre avantage, cela pourrait dynamiser la vie des partis politiques qui, on ne le dira jamais assez, ne sont que des clubs électoraux réunissant des personnes, juste pour des intérêts personnels et qui sont au service du principal bailleur de fonds du parti. Malheureusement, aucun des candidats lors de la prochaine élection présidentielle n’a évoqué concrètement cette question ô combien importante ! pour le pays tout entier. Et, en revenant, une fois de plus, à l’origine de ces fonds, s’ils proviennent de trafics illicites, cela mettrait l’Etat au service de mafieux qui, dans l’ombre, tireront les ficelles et, ce, au mépris de la volonté du peuple. Néanmoins, on peut croire que le fait de disposer du nerf de la guerre ne suffit pas à s’assurer une victoire à quelque élection que ce soit au Bénin. Mais, le rôle qu’il joue est un terreau fertile au travestissement des valeurs les plus élémentaires, dans le cadre d’une démocratie. Et, l’une des plaies de la démocratie au Bénin est l’achat de conscience lors des élections.
Bernado Houenoussi
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