Selon une analyse de notre Rédaction
Jusqu’en mars 2013 où
expirait son 2ème moratoire, le Bénin faisait partie, dans le monde,
des rares pays à en avoir pris un sur les Organismes génétiquement modifiés (Ogm).
Une position inédite dont la fin depuis plusieurs mois, ne l’empêche pas de
continuer sans pour autant se doter d’une loi sur la biosécurité.
Azizou Issa, Ministre béninois de l'Agriculture |
Matinée du mois de
juillet à Godomey, l’une des sorties de la ville de Cotonou (Bénin). Marc, la
trentaine environ, est sous la baraque qui lui sert d’atelier et qu’il a
aménagé avec du bois et quelques feuilles de tôles. En effet, il est un
mécanicien spécialisé dans la réparation des motocyclettes. A un pas de lui, se
trouve un panneau publicitaire. Il y a quelques semaines de cela, on pouvait
encore y lire le message suivant : « Organisme
génétiquement modifié (Ogm) : la solution qui devient problèmes.
Soyons vigilants. ». Interrogé quant au fait de savoir s’il
connaissait l’objet de cette affiche, il déclare n’en avoir aucune idée. Mais,
ajoute t-il, « ces dernières
semaines, beaucoup d’usagers de la route qui empruntent la voie pavée qui passe
devant mon atelier se sont arrêtés pour lire l’affiche ». Cette ignorance
de Marc concernant la situation des Organismes génétiquement modifiés (Ogm) au
Bénin, reflète-t-elle l’état de l’opinion publique ? Cette campagne
d’affiche pour laquelle plusieurs panneaux publicitaires de Cotonou
ont été mis à contribution, a été lancée par la Coalition de veille Ogm au
Bénin et Grain, qui militent contre les Ogm dans le pays.
Plus d’un an après la fin du second moratoire pris par le Bénin, c’est la plus
récente des actions menées par les anti-Ogm. Elle survient après le lancement,
l’année dernière, d’une page Facebook intitulée «Je veux ma
loi sur la biosécurité », qui n’a guère mobilisé
les internautes béninois, dans un pays où la ruée vers les téléphones portables
de dernière génération permettant d’accéder aisément à internet est pourtant
manifeste.
Une
loi toujours dans les tiroirs
Si le sujet laisse à
priori indifférents les Béninois, c’est parce qu’il a, depuis plusieurs années,
tous les traits d’une empoignade entre les associations, les Organisations non
gouvernementales (Ong) anti-Ogm et l’Etat béninois. Ces dernières lui
reprochent, notamment, de n’avoir pas mis en œuvre toutes les recommandations
figurant dans les deux moratoires de 2002 et 2008, dont l’une d’elles était « d’informer l’opinion publique sur la
présence des Ogm au Bénin et les conséquences qu’ils entrainent ».C’est
ce que martèle Patrice Sagbo, membre du réseau Jinukun, qui est le point
focal national de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain
(Copagen). Quoi qu’il en
soit, si le Bénin attend toujours une loi sur la biosécurité, Marcel Comlan
Kakpo, Point focal national du Protocole de
Cartagena, que le Bénin a ratifié
le 02 mars 2005, affirme « qu’il ne peut pas y avoir
d’importation sans loi » et, qu’à ce titre, « qu’il n’y avait pas des cultures Ogm au Bénin ». Aussi
poursuit-il, « ce sont entre autres
les opérateurs privés qui voudront faire des Ogm qui décideront des cultures
Ogm pour lesquelles ils opteront dès que le Bénin disposera d’une loi ».
Les
Ogm bientôt aux portes du Bénin ?
Selon le Service
international pour l’acquisition des applications de la biotechnologie agricole
(Isaaa), une organisation qui est
ouvertement pro-Ogm, 07 pays africains dont deux de l’Afrique de l’ouest, à
savoir le Ghana et le Nigéria, ont fait, en 2013, selon elle, des essais en
plein champ de nouvelles cultures transgéniques dont le coton, la banane et le
maïs. Ce dernier qui est au cœur de plusieurs plats prisés au Bénin, y est
disponible grâce à une production locale. Le marché Dantokpa, situé au cœur de
la ville de Cotonou, est le plus grand de l’Afrique de l’ouest. On y trouve
tous les produits, notamment, des produits vivriers en provenance de l’intérieur
du pays. Josiane, qui nous sert de guide dans cette partie du marché, qui
s’anime bruyamment, en cet après-midi, comme il l’est six jours sur sept, nous
explique que « des gens viennent
régulièrement du Nigéria pour acheter plusieurs tonnes de maïs ». « C’est notamment grâce à eux que
celles qui vendent ce produit vivrier réalisent d’excellentes ventes, et si
cette donne venait à changer, ce serait une très mauvaise augure »,
complète t-elle en Fongbé, l’une des
langues locales du Bénin. Bien qu’il ne soit pas encore produit et destiné à
une éventuelle exportation, le maïs transgénique nigérian pourrait-il se
retrouver, un de ces jours, dans les plats béninois ? Aussi, au-delà de
cela, avec les frontières poreuses qui sont les siennes, il est difficile de
certifier, sans faire une détection d’Ogm sur des produits saisis au préalable,
inopinément, à ses différentes frontières, si des produits Ogm n’auraient pas
éventuellement été déjà importés au Bénin. Une telle possibilité ahurit Patrice
Sagbo, alors que Marcel Comlan Kakpo précise « qu’une étude est prévue cette année » sur ce point.
…Et la détection d’Ogm
Implanté au cœur de
l’Université d’Abomey-Calavi (Uac),
le Laboratoire national de biosécurité (Lnb), une composante du laboratoire de
génétique et des biotechnologies de l’Uac, jouera indubitablement un rôle dans
cette étude annoncée par le Point focal du protocole de Cartagena. En effet,
Clément Agbangla, qui dirige cet ensemble, nous explique que le Lnb a été doté
d’équipements de détection d’Ogm, qui sont venus renforcés ceux dont il
disposait déjà. RT-PCR, centrifugeuse, PCR, hotte chimique sont, entre autres,
les appareils obtenus dans le cadre du Programme régional de biosécurité (Prb)
de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Pour la détection, poursuit-il, « nous faisons des tests rapides pour
détecter si le produit en question a été modifié. Nous pouvons faire aussi un
travail d’identification qui est plus long et qui nous permet d’identifier
clairement l’Adn qui a été ajouté au produit initial ». Si la
détection d’Ogm est possible depuis 2011, il ajouta « que l’Etat béninois devait faire preuve de bon sens en
encourageant, comme cela doit l’être, les recherches ». Un vœu qui rejoint celui de Toussaint
Hinvi, le Président du Parti des Verts du Bénin, qui estime qu’il faut donner
aux « chercheurs africains et,
notamment, à ceux du Bénin, les moyens nécessaires pour explorer ce nouveau
champ de recherche que constitue les Ogm ». Mais, une douzaine
d’années après le premier moratoire du Bénin, outre le cadre juridique à travers
la loi qui n’existe pas encore, le fonctionnement correct des institutions
prévues par le cadre national de biosécurité, adopté depuis 2005, est encore un
vœu pieux et, ce, après une décennie qui semble bien avoir été perdue.
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