Femme marocaine
d'engagement et d’opinion, Manal Cherki est une artiste plasticienne et une
chanteuse ayant participé à la cinquième édition du Festival, ’’Visa for
music’’, qui s’est déroulé à Rabat, dans la capitale marocaine, du 21 au 25
novembre 2018. Quintessence d’échanges fructueux avec notre Rédaction, le signe
du grand sérieux qu’accorde cette jeune personnalité d’envergure, notamment, au
rôle de l’artiste dans la société, sans oublier que la femme africaine qu'elle
encourage, qu'elle motive, est l'un de ses centres d'intérêt …
Manal Cherki |
Le Mutateur : Bonjour
Manal Cherki. Vous êtes artiste plasticienne ; vous vous faites connaître comme
une artiste de cœur et vous êtes chanteuse. Vous êtes aussi Ambassadrice de
Paix et d’intégration. Nous chercherons à comprendre ce que cela veut dire. En
attendant, pouvez-vous nous dire ce que vous retenez du déroulement de la 5ème
édition du ’’Visa for music’’, de l’année 2018 ?
Manal Cherki : Le Salon
international, ’’Visa for music’’, pour les métiers de la musique, est une idée
vraiment extraordinaire. Je suis très heureuse que cela se déroule dans mon
pays, le Maroc, ici, à Rabat, la capitale, pour de nombreuses raisons, parce
que c’est une opportunité, d’abord, de promouvoir le Maroc en tant que pays
d’intégration et, ensuite, en tant qu’un pays d’amour, qui cultive en son sein
plusieurs activités culturelles, artistiques, diplomatiques et associatives.
Le Salon ’’Visa for
music’’, de cette année 2018, a été vraiment très réussi ; nous avons eu
l’occasion de rencontrer pas mal de
personnes qui sont venues de partout dans le monde, qui travaillent dans le
Festival, des managers, des personnes qui font de la post-production, … Aussi,
ce qui m’a beaucoup touché, c’est la participation de nouveaux groupes qui
étaient, pour moi, encore méconnus, ici, au Maroc, et qui se sont produits, des
talents hors normes, des talents extraordinaires qui honorent le pays qu’ils
représentent, la Russie, l’Algérie, l’Espagne, l’Italie, qui ont eu pas mal de
participations dans les ’’showcases’’ ; cela a fait bel écho cette année.
’’Ambassadrice de Paix
et d’intégration’’. Qu’est-ce que cela veut dire ?
’’Ambassadrice de
Paix’’. Je parlerai seulement de la paix, parce que je ne pense pas que
quelqu’un d’entre nous ne voudrait pas que sa famille vive dans l’amour, dans
l’osmose, dans l’harmonie. Je parle de la famille parce qu’ici, en Afrique, de
par le monde entier, nous faisons tous partie de la même famille, nous sommes
humains et, nous devons honorer notre humanité, notre sensibilité.
Malheureusement,
aujourd’hui, je vois qu’il y a beaucoup de guerres, beaucoup trop de guerres,
beaucoup trop de conflits, beaucoup trop de douleurs, beaucoup trop de
souffrances. En tant qu’artiste, en tant qu’humaine, en tant que femme, j’ai
décidé, j’ai choisi de porter cette voix, d’utiliser ma voix et mon travail,
mon art et de passer ce message de paix et d’intégration à travers les peuples
partout où je vais, dans mes conférences, dans mes travaux artistiques. Quand
je représente mon pays partout où je vais, je parle de la paix et de
l’intégration. Voilà ce que cela veut dire et, j’espère que mon message passera
à travers votre beau journal, que le message de paix et d’intégration salue le
Bénin ; j’envoie un grand salut du Maroc pour le Bénin. Nous vous apprécions,
vous êtes nos frères et nos sœurs de cœur, nous vous aimons.
Vous êtes connue au
Maroc comme une personnalité qui prend régulièrement position sur les questions
d’actualité, sur les faits de société. Aujourd’hui, quel est le message fort
qu’il vous tient à cœur de faire passer vis-à-vis des Marocains, vis-à-vis des
Africains et vis-à-vis des citoyens du monde entier ?
Cette année a été une
année très très émotionnelle pour moi, d’un point de vue de créations féminines
; nous avons vu, cette année, particulièrement, la montée pharaonique de la
femme africaine. La femme africaine, aujourd’hui, a un statut international,
dans son caractère militant, dans son humanité, dans sa persévérance, dans son
professionnalisme et, ce, dans tous les métiers, sans exception. Dans la
médecine, des chercheuses africaines ont permis de créer des traitements. Dans
la politique ainsi que dans la présidence à l’Onu, elles ont lutté pour des
causes nobles. Plusieurs artistes ont fait des films, des réalisations, ont
chanté et, aujourd’hui, ce sont des étoiles internationales.
Donc, mon message, ce
jour, pour vous, les femmes d’Afrique : nous sommes votre voix et, n’ayez plus
peur, soyez vous-mêmes ; vous êtes notre fierté, vous êtes notre force et, vous
êtes le pilier de l’Afrique. Alors, relevez-vous et soyez fières d’être
Africaines, soyez fières d’être femmes et soyez fières d’être des personnes
dignes de ce nom. Relevez-vous, soyez courageuses ; le meilleur reste à venir,
ce n’est que le début. Cette année, nous avons gagné plusieurs batailles pour
tout ce qui est droit des femmes, militance, droits de l’Homme également. Je
suis fière de celles qui ont permis que cela arrive, je suis fière de celles
qui travaillent, aujourd’hui, dans le silence, qui ne sont pas encore connues
mais qui militent et qui sont maltraitées, qui sont déchues du titre de leur
famille, à cause de leur courage et de leur persévérance. Donc, mes amitiés
pour vous et, restez fortes : stay strong really !
Nos informations nous
permettent de comprendre que Manal Cherki a aussi une mission qu’elle assigne à
l’artiste et que vous voulez le voir exercer. Quelle est-elle ?
Je vais commencer par
le tout début : la création ! La création et, la beauté de cette création !
Tout ce que vous voyez autour de moi vient d’un créateur, de quelque chose de
grandiose, de magnifique. Et, nous, les artistes, nous avons été désignés par
ce créateur pas pour reproduire, mais nous avons eu le souffle de la création ;
la création, c’est le début de tout. Donc, si nous avons été choisis, de par ce
don qui nous a été donné, par le chant, la musique, l’art, le dessin, la
calligraphie, la danse, par, absolument, tous les métiers de création, si nous
avons été choisis, c’est que c’est pour
une bonne raison ; nous devons être à la hauteur de ce choix qui a été porté
sur nous, de ce don qu’on nous a transmis, que le créateur nous a légué. Donc,
nous sommes une part de lui et il est une part de nous, dans la création qu’il
nous a donné et dans ce don qu’il nous a octroyé. Nous avons alors l’obligation
de porter un message noble, un message qui n’est pas forcément le même, mais
qui soit noble, qui puisse militer, qui puisse lutter, qui puisse faire
entendre la voix de ceux qui ne sont pas entendus. C’est une grande
responsabilité que d’être un artiste, c’est une grande responsabilité que de ne
pas pouvoir dormir la nuit pour créer quelque chose de beau, de magnifique et,
quand vous voyez cela, vous vous dites : « Oh ! C’est beau ! », et que cela
mette la joie dans le cœur de quelqu’un. C’est une grande responsabilité, c’est
un poids que seuls les artistes connaissent ; je l’appelle le poids de la
création.
Manal Cherki, matérialisant une de ses inspirations ... |
Moi, par exemple, je ne
dors que trois heures par jour, à force de réfléchir à ce que je vais vous
donner, vous, à comment je vais créer une œuvre qui puisse vous plaire, quelque
chose qui puisse toucher votre âme, qui puisse faire passer ce message
’’Paix-Intégration-Amour’’. Et, je sais qu’il y en a beaucoup en moi. Donc, un
artiste a une mission très difficile et, il ne doit pas passer à côté de cela
parce qu’on lui a donné une voix qui est entendue pour parler à la place de
ceux qui n’ont pas de voix pour être entendus et qui n’ont pas de voix pour
parler. Ceci n’est pas ma mission mais celle de l’artiste à qui le créateur a
donné le don de la création.
Quelle cause noble
devrait défendre l’artiste ?
Pour moi, la cause
noble, c’est de parler des droits de l’homme, de parler des droits de la
nature, de parler des maladies qui ravagent des milliers, des centaines
d’animaux, de personnes, de plantes, de parler de la nature, de l’état de notre
planète, de la santé, de ces personnes qui sont malades et qui n’ont pas
d’argent pour se faire soigner, de parler de ces maladies auxquelles l’on n’a
pas encore trouvé de traitement, de parler de l’état de notre univers, c’est de
parler de la foi et de l’amour, de parler de beaucoup de choses. Chacun peut
être inspiré comme il le souhaite ; je suis sûr que chacun a sa propre
expérience.
Vous savez, j’ai vécu
dans une famille où nous sommes trois filles. J’ai l’une de mes sœurs, dont on
dit qu’elle a un retard mental ; je n’y crois pas trop. Et, depuis toujours, je
milite aussi pour les enfants trisomiques, les hommes et les femmes aux besoins
spécifiques, parce que j’ai toujours vécu avec cette sœur dont je suis vraiment
fière et qui est aujourd’hui autonome grâce à l’amour, grâce à l’attention
qu’on lui porte, grâce à la compréhension et à l’oreille qu’on lui a accordées.
Je parle de cela pour
justement sensibiliser les gens au fait que ces personnes soi-disant
trisomiques, qui ont un retard mental ou aux besoins spécifiques sont parfois
des génies. Ma sœur est un génie ; elle peut démonter un téléphone, une
télévision, les remettre en place après les avoir réparés, elle est aussi
artiste plasticienne, elle peint sur le verre, elle réalise des fresques, des
tableaux de peinture. Je ne l’ai jamais vue en tant qu’handicapée, bien sûr et,
cela, je crois aussi beaucoup à ce message qui est de ne pas voir la faiblesse,
de ne pas voir le défaut d’une personne, mais de considérer l’infime bonté et
l’infime bonne chose en cette personne, parce que si on ne voit que la mauvaise
chose chez quelqu’un, cela ne le changera pas s’il n’est pas sur le droit
chemin. Mais, si vous prenez cette personne et que vous voyez en elle la chose
que les autres ne voient pas, l’infime petite chose, le petit détail et que
vous lui dites : « Bravo ! Vous avez une qualité que d’autres n’ont pas ; je
vous encourage ». Alors, cela permettra à cette personne de changer si elle
n’est pas dans le droit chemin. Cela aussi, c’est un message que je porte. Je
vous ai parlé de tout cela parce que ce sont des choses qui me tiennent à cœur,
ce sont des expériences que j’ai vécues par moi-même. Et, j’estime que
lorsqu’on veut militer pour quelque chose, il faut le faire pour des actions
qu’on a vécues. Comme cela, lorsqu’on parle, on aborde quelque chose qu’on a
compris, qu’on a vécu, qu’on a ressenti. Nous, les artistes, nous ne sommes pas
Superman, nous ne sommes pas Ironman …
L’artiste dispose-t-il
des moyens pour porter ces causes nobles que vous avez définies tout à l’heure,
de façon à changer le cours de fonctionnement du monde ?
Excellente question !
Quand on attend d’avoir un moyen, d’avoir assez d’argent pour faire, quand on
attend d’avoir les personnes qu’il faut, quand on attend le bon moment, la
bonne heure, la bonne minute, la belle occasion, il se fait que toutes ces
conditions ne se rassemblent pas au bon moment. Moi, je suis une femme de
raison, avant tout, qui a une part de folie artistique et, je pense qu’il faut
toujours travailler avec ce que l’on a, optimiser la chose que l’on a, ne pas
voir ce que l’on n’a pas et, considérer, avec le peu que l’on a, comment faire
quelque chose, comment faire fleurir un jardin avec une petite graine. Faire
fleurir un jardin, c’est possible. Vous savez, c’est la nature ; je ne vous
apprends rien. La nature est là ; quand vous l’observez, vous voyez qu’avec une
semence, une graine, vous pouvez faire un jardin magnifique. Donc, cette
semence, c’est la persévérance, c’est de ne jamais abandonner, c’est de ne pas
attendre que le bon moyen, que la bonne personne arrive, il faut faire, il faut
commencer, il faut donner de soi.
Et, quand vous voyez
une personne qui travaille dur, qui n’a pas beaucoup de moyens, qui fait des
choses concrètes et que vous voyez son travail, vous ne pouvez pas passer à
côté d’elle, vous finirez, un jour ou l’autre, par être attendri par sa
situation, par le bien qu’elle fait aux autres et, vous finirez par lui prêter
main forte. Pourquoi attendre que les autres aident, attendre toujours que
l’autre fasse pour que moi, je fasse ? Il faut faire, commencer par faire ;
quand le résultat est là, c’est sûr qu’on vous entendra et qu’on vous aidera.
Vous savez, pour le
moment, je travaille avec mes propres moyens ; mes déplacements, mes
communications téléphoniques, mes donations, je fais tout cela par moi-même, je
n’ai aucune aide. Mais, j’ai la foi parce qu’aujourd’hui, grâce au travail que
nous avons fait, moi et les équipes avec lesquelles je travaille, nous avons
permis à des personnes de trouver un foyer, nous avons permis à des personnes
de trouver un donateur pour se faire soigner, nous avons permis à certaines
personnes qui n’ont pas un métier d’en apprendre un, nous avons permis à
beaucoup de personnes d’avoir un foyer et de travailler, d’avoir les moyens de
s’offrir une vie meilleure, une vie honorable, une vie respectable.
Donc, je pense que le
fait que je lutte, pour moi, rien que de voir ces gens-là qui sont aujourd’hui
mieux, cela vaut tout l’or du monde. Peu importe si l’on ne m’aide pas, peu
importe ! I don’t care (Je ne m’en préoccupe pas, Ndlr) parce que je vois le résultat
: quelqu’un qui vivait dans la rue et qui, aujourd’hui, a sa maison, il a son
téléphone et, il me dit : « Bonjour madame … Je suis tellement heureux … Merci,
merci, merci ! ». Moi, c’est mon plus grand cadeau. Donc, pour répondre à votre
question, ce ne sont pas les moyens qui comptent, ce n’est pas attendre le bon
moment, mais c’est la persévérance qui compte, c’est de croire en ses
objectifs, en ses valeurs et en sa vision.
Quels sont vos projets
immédiats ?
L’un de mes projets
immédiats est ma participation au Festival mondial des Beaux-arts, qui aura
lieu au Caire, en Egypte, le 7 février 2019 (Evénement reporté à Antalia en Turquie, à la même date, Ndlr). Il rassemblera 170 artistes venus
du monde entier ; ils représenteront, à leur tour, leur patrie, leur esprit et,
moi, je représente mon pays en tant qu’artiste plasticienne et comme chanteuse,
je serai la seule à le faire dans ces deux disciplines. Je me produirai à
l’Opéra du Caire, si tout se passe bien, ce 7 février. Ma venue est attendue au
Moyen-Orient, c’est-à-dire par la presse du Moyen-Orient, par l’Egypte.
Je crois en
l’intégration des peuples, en la civilité de ce qu’a fait l’Egypte pour le
Maroc et, vice versa, en ce que le Maroc fait pour l’Egypte. Je souhaite
renouveler nos relations d’amitié, d’amour, de respects, d’échanges culturels
et artistiques et thématiques, d’échanges d’amour, tout simplement, avec le
peuple égyptien. J’espère que mon message arrivera dans son cœur et arrivera
dans le monde entier, parce qu’il y aura la presse du monde entier à cet
événement mondial, et que ma voix soit entendue, pour que la paix,
l’intégration et l’amour soient entendus.
Un mot, un message
fort, particulier pour clore cet entretien ?
Tout d’abord, je tiens
à vous remercier pour cette belle entrevue, pour ces questions pertinentes, de
même que la République du Bénin pour ce travail extraordinaire que vous faites,
pour ce qui consiste à envoyer des journalistes
compétents dans d’autres pays, dans d’autres horizons. Cela prouve votre
volonté d’intégration, votre ouverture d’esprit et votre amour pour le peuple
marocain. De mon côté, je vous remercie, peuple du Bénin, de même que toutes
ces personnes qui ont permis qu’aujourd’hui, je passe à travers cette honorable
rubrique de votre Journal pour faire connaître ce message d’amour et
d’intégration à travers les peuples : soyons unis, tendons-nous la main, parce
que si l’un de nous fait une belle chose et que l’un de nous réussit dans un domaine
respecté, alors, cela bénéficiera à l’humanité toute entière, qu’on le veuille
ou non. Quand il y a eu l’invention de la lumière, celui qui l’a réalisée a
illuminé le monde entier par sa création. Celui qui a trouvé le traitement de
la tuberculose a sauvé le monde entier. Donc, je dirai la même chose : nous
sommes une même famille, soutenons-nous, aidons-nous, aimons-nous et, ce n’est
qu’avec cela que nous pourrons peut-être dépasser ces moments difficiles. Je
vous aime.
Propos recueillis par
Marcel Kpogodo
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