Face au débat ambiant
sur la modification constitutionnelle
Un peu plus d'une semaine après l'envoi par le Gouvernement à l'Assemblée nationale du Projet de loi portant modification de la Constitution du 11 décembre 1990, un grand débat s'est instauré, laissant des constitutionnalistes s'exprimer sur les propositions de l'Exécutif, sans compter que des citoyens de tous ordres ont vu déchaîner leur ardeur à opiner sur la question. Dans ces conditions, le Chef de l'Etat, Patrice Talon, s'est adressé à la nation, dans la soirée du jeudi 23 mars 2017.
Le Président Patrice Talon s'adressant aux Béninois |
Discours du Président
de la République à la Nation
Béninoises, Béninois,
Mes chers compatriotes,
Il y a un an, lors de
la campagne électorale et à mon entrée en fonction, je me suis engagé
publiquement à opérer les réformes politiques et institutionnelles sans
lesquelles, l’aspiration légitime de notre peuple à la prospérité, serait
indéfiniment compromise.
Ces engagements, je les
ai pris devant chacune et chacun d’entre vous, et je suis persuadé qu’ils ont
contribué, pour une grande part, à la confiance que vous m’avez accordée.
L’éthique de la parole
donnée, le respect des engagements pris devant le peuple, font partie
intégrante des valeurs démocratiques et de la bonne gouvernance.
Respecter les
engagements solennellement pris devant le peuple, c’est respecter le peuple.
Mes chers compatriotes,
C’est pourquoi, dès la
formation de mon Gouvernement, j’ai mis en place une commission nationale
chargée d’examiner la pertinence et la faisabilité des orientations et
propositions contenues dans mon projet de société.
La composition de cette
commission, où ont siégé les diverses sensibilités politiques, les sommités
universitaires, les forces sociales et morales de notre pays, témoigne de la
volonté de mon Gouvernement d’associer à la réflexion, l’éventail le plus large
des courants d’opinion.
Je tiens ici à rendre
un hommage mérité à tous les membres de ladite commission ainsi qu’à toutes les
forces morales, politiques, sociales et culturelles que j’ai consultées de
diverses manières, et qui ont, en groupes larges ou restreints, participé à des
échanges, écouté nos motivations et nos justifications et enrichi le débat de
leurs précieuses appréciations et contributions.
C’est donc un processus
inclusif qui a conduit à l’élaboration du projet.
Mes chers compatriotes,
Le débat sur les
mérites ou les défauts d’une Constitution, sur la nécessité de l’abolir ou pas,
de réviser ou pas telle ou telle de ses dispositions, est un débat sans fin,
chaque jour enrichi de nouveaux arguments, chaque jour relancé par des franges
d’opinions nouvelles.
Il en est ainsi dans
notre pays, comme dans toutes les démocraties du monde et cela doit être perçu
comme un signe de vitalité, un signe de bonne santé démocratique. Je m’en
réjouis et je nous en félicite.
Arrive, cependant, un
moment où il faut arbitrer, opérer des choix en ayant à l’esprit que ce moment
doit être une période de sérénité, d’accalmie politique et donc éloigné des
échéances électorales, pour que la réforme n’encoure pas la critique d’une
révision opportuniste.
A ce propos, le projet
que j’ai soumis au Parlement, n’est constitué que de deux articles, et suggère
sans ambiguïté en son article 2 ce qui suit :
« La présente loi
constitutionnelle ne constitue pas l’établissement d’une nouvelle Constitution
et n’emporte pas l’entrée en vigueur d’une nouvelle République. Elle entre en
vigueur dès sa promulgation et sera exécutée comme loi de l’Etat. »
Cette clarification
vise à rassurer de la portée objective du projet et de son dessein de ne servir
que la cause de notre Patrie.
Mes chers compatriotes,
C’est tout cela qui me
fonde à proposer un mandat présidentiel unique, à proposer le couplage des
élections législatives avec les élections des collectivités territoriales,
notamment communales.
Ce sont aussi les avis
émis par les uns et les autres et cette expérience partagée avec vous, qui me
fondent à proposer la restructuration de notre Cour constitutionnelle et de
notre Haute Cour de Justice, pour asseoir dans notre pays, une véritable culture
de la responsabilité et de la reddition de comptes par les dirigeants
politiques.
Ce sont encore ces avis
et cette expérience partagée avec vous, qui me fondent à vouloir le
regroupement et la réduction du nombre des partis politiques, grâce en particulier
au financement public de leurs activités, toute chose qui permettrait par
ailleurs de mettre un frein à leur dépendance vis-à-vis des puissances
d’argent.
Ce sont enfin ces avis
et l’expérience partagée avec vous, qui me fondent à proposer une discrimination
positive en faveur des femmes, pour promouvoir leur accès aux instances de
décision, à l’échelle nationale comme à l’échelle locale, où nous savons
qu’elles jouent un rôle déterminant.
Mes chers compatriotes,
Aussi ambitieux qu’il
soit, le projet de révision de la Constitution reste perfectible. C’est animé
de cette conviction, et m’appuyant sur les dispositions des articles 154, 155
et156 de la Constitution, que j’ai saisi l’Assemblée nationale pour son examen
en session extraordinaire.
L’Assemblée nationale a
fait droit à ma demande et a décidé de se réunir à compter de demain, vendredi
24 mars.
Durant cette session,
elle étudiera le projet, débattra et délibérera, conformément à ses
prérogatives constitutionnelles et dans le respect de son Règlement intérieur.
Je veux ainsi dire qu’elle étudiera le projet en toute liberté et en toute
souveraineté.
Ainsi, de même que mon
rôle fut d’opérer des choix, de même le sien sera d’apprécier ces choix, de
répondre aux questions que chacun d’entre nous est fondé à se poser : les
modifications proposées renforcent-elles la démocratie ? Préservent-elles nos
libertés ? Permettent-elles une meilleure reddition de comptes ?
Organisent-elles mieux la vie politique ? Favorisent-elles le développement
économique et social ainsi que l’épanouissement individuel et collectif ?
Chaque fois que la
réponse à l’une de ces questions sera négative, pour l’une quelconque des
propositions de modification, celle-ci pourra être rejetée.
Béninoises, Béninois,
Mes chers compatriotes,
L’histoire du monde
enseigne que les nations qui surmontent les défis du développement et de la
modernité, sont celles dont les leaders recherchent constamment les solutions
qui dépassent les conservatismes et les clivages habituels, qui se projettent
dans le temps et créent de meilleures conditions d’existence pour les
générations à venir.
Les débats actuels font
monter à l’entendement de tous, les appréhensions et les inquiétudes de chacun.
Je les entends et les comprends parfaitement.
Pour autant, faut-il se
satisfaire de l’apparente stabilité du moment et renoncer à une consolidation
durable de nos institutions et de notre Etat ?
Pour ma part, j’ai
inscrit mon mandat dans une perspective de transition qualitative qui donne à
construire davantage la Nation, davantage l’Etat, davantage la démocratie, et
davantage la bonne gouvernance.
Tout ceci, pour engager
réellement la transformation pertinente de notre modèle politique.
Ce sont, dans le fond,
les objectifs du projet que j’ai transmis à l’Assemblée nationale, et pour
lequel je souhaite une réponse favorable. Ceci, dans l’espoir que les réformes
promises et dont le Peuple m’a chargé depuis le 6 avril 2016, continueront de se
mettre en place en respect du choix souverain de ce même peuple.
Vive le Bénin !
Je vous remercie.
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