Face au rejet du Projet de modification constitutionnelle par le Parlement
La semaine écoulée est intervenu le vote de rejet au Parlement du Projet de
modification constitutionnelle, introduit par le Gouvernement du Président
Patrice Talon. Et, le samedi 8 avril, le Chef de l'Etat est intervenu sur les
chaînes béninoises de télévision pour s'adresser à ses compatriotes, une
opportunité que le premier des Béninois a choisi pour montrer toute sa
déception de l'action des députés, sans oublier une interview de désolation que
Patrice Talon a accordée à Radio France internationale (Rfi), le lundi 10 avril
2017. Ce sont autant de situations ayant fondé le chroniqueur Jérôme Carlos à
produire une réflexion visant à proposer trois situations de porte de
sortie au Président de la République.
Jérôme Carlos |
Chronique de Jérôme Carlos : "Si la graine ne meurt pas ..."
Déçu. Le
Chef de l'Etat, Patrice Talon l'est. Il n'aura pas réussi à faire passer l'un
de ses projets phare : la révision de la Constitution. Découragé ? Il n'en a
pas le droit. Le chantier Bénin ne se réduit pas à la révision d'une
Constitution. Il y a tant à faire sur ce chantier que si le présent est
brumeux, on n'a pas de raison de ne pas engager l'avenir. A la nuit la plus
ténébreuse succède toujours une aube radieuse.
Que va faire
le Chef de l'Etat ? Il pourrait aller dans trois directions où le devoir
l'appelle. Ce serait la manière la plus constructive de donner la réplique à
l'adversité. Ce serait la manière la plus positive de tirer le meilleur de
l'épreuve. "Nul, a-t-on dit, ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert".
Ce à quoi répondent les Ecritures saintes : "Si la graine ne meurt pas,
elle reste seule, si elle meurt, elle porte beaucoup de fruits"Jean
12. 24
Le Chef de
l'Etat doit davantage se rendre présent au pays, se rendre présent à son
peuple. En l'an I de la gouvernance Patrice Talon, les Béninois ont eu davantage
affaire avec un Président distant, à la limite secret. C'est vrai, le Président
n'est pas un copain. C'est vrai, la loi en fait une institution. Mais tout de
même. C'est aux mains d'un humain que le peuple souverain a confié les rênes du
pays. Les relations du peuple à son chef, malgré tout et en dépit de tout, ne peuvent
être de l'ordre de celles du berger à son troupeau. Le chef doit se rendre plus
visible et plus lisible. Le chef doit bouger tant à l'intérieur de son pays
qu'à l'extérieur. Il lui faut découvrir le peuple du Bénin profond. Il doit
sentir battre le cœur collectif des Béninois. Qu'ils soient dans les villes ou
dans les campagnes, en entreprise ou au champ, dans les quartiers résidentiels ou
dans les ghettos. Le chef doit souvent rencontrer la presse de son pays,
donnant ainsi une prime à la proximité. On n'est jamais si bien servi que par
soi-même.
La deuxième
direction que devrait prendre le Chef de l'Etat : revoir
sa communication. Qu'on ne nous dise pas que c'est lui qui a édicté les règles
de ce qui a pris le nom barbare de "Normo-communication". Disons-le
sans détour : c'est un échec. On a isolé dans une bulle le chef et ses premiers
collaborateurs que sont ses ministres. Aussi ne sait-on plus comment va le
pays. Aussi ignore-t-on les initiatives qui se prennent au nom et pour le
bonheur du peuple. Les décisions tombent du ciel comme des ordres impératifs.
Les réseaux sociaux sont devenus le tableau d'affichage du gouvernement. On ne
prend plus la peine d'expliquer les choses, de les soumettre à débats, de
susciter autour le consensus le plus large pour une participation effective du
plus grand nombre. On ne sait même plus rédiger un communiqué de presse pour
informer de l'absence du chef de l'Etat du territoire national. Au cas où on
l'ignorerait, c'est sur le terrain de la communication que tout se gagne ou que
tout se perd. C'est clair comme de l'eau de roche. Nous ne réinventerons pas la
roue.
La troisième
et dernière direction à prendre, c'est celle du social. Car il est impérieux de
soulager le fardeau quotidien de la majorité des Béninois. Ceux-ci ploient sous
le poids d'une misère galopante qu'ils ne savent plus dissimuler. Attention : des
concitoyens plus qu'honorables sont désormais obligés et contraints de mendier
à visage découvert. C'est une alerte. Elle n'est pas à minorer. Elle n'est pas
à ignorer. Et ce n'est là que le côté jardin de la nécessité. Que dire de la
misère côté cour ? Ce qu'on ne voit pas n'est pas forcément invisible. Ce qu'on
n'entend pas parle et signifie souvent plus que ce qui se fait parfaitement
audible. Quand sur les ondes de nos radios, des Béninois, en chœur, disent
"Nous avons faim" "Nous voulons manger trois fois par jour",
évitons d'y voir une plaisanterie, une farce.
Voilà notre
part de vérité. Nous sommes et demeurons résolument optimiste. Peut-il en être
autrement? Le Bénin n'est pas un désert d'espérance. La pensée positive nous l'a enseigné : "l'espoir
est la matière première du succès".
Jérôme
Carlos
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