A partir du compte-rendu du Journaliste Wilfried Léandre Houngbédji
Le vendredi 13 novembre 2015, cinquième journée du
jugement de l’Affaire ’’Dangnivo’’, a permis de faire ressortir un certain
nombre de problèmes d’ordre juridique, ce qui ne laisse pas attendre la
poursuite du procès, selon le compte-rendu de Wilfried Léandre Houngbédji, du
Quotidien ’’La Nation’’.
Codjo Cossi Alofa |
Des exceptions d’inconstitutionnalité paralysent le
procès
Pour gagner une place dans le prétoire, vendredi 13
novembre dernier, il fallait montrer patte blanche… exhiber sa pièce d’identité
dès le portail de la cour d’appel. Il faut s’assurer de qui sont les
spectateurs de ce procès qui voit jugés Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou,
pour les crimes d’assassinat et de complicité d’assassinat dont la victime
serait Pierre Urbain Dangnivo. Cela, les avocats de la partie civile et de la
défense avaient demandé à l’accusation, dès jeudi 12 novembre, de l’établir
formellement. Faute de quoi le procès, selon eux, ne pourrait se poursuivre. Le
ministère public, quoique comprenant la justesse de l’exception, soutient
qu’elle peut faire l’objet d’une décision commune avec le fond du dossier. Que
va décider la cour ? C’était la préoccupation des uns et des autres en entrant
dans le prétoire…
Contrairement aux jours précédents, c’est à 9h55 que
l’audience s’est ouverte. Le président de la cour de céans, Félix Dossa,
annonce que la cour réserve la suite à donner aux demandes de la défense et de
la partie civile, et fera savoir sa position à la fin de l’audition des
témoins. Il ordonne de faire venir le témoin Laurent Mètongnon à la barre.
Réaction immédiate de la partie civile. Me Joseph Djogbénou annonce que la
réponse attendue sur une question préjudicielle étant renvoyée à la fin de
l’audition des témoins, la partie civile ne saurait s’associer à la poursuite
des débats. Il soulève, par suite, une exception d’inconstitutionnalité sur le
fondement des dispositions de la Constitution et du code de procédure pénale.
Et développe que c’est une obligation pour la cour, lorsque les demandes de
renvoi pour supplément ou complément d’informations sont exposées, de surseoir
les débats. Or, relève-t-il, le code de procédure pénal, en ses articles 290 et
292, en fait une faculté. Cela, déduit-il, est contraire à la Constitution. A
l’appui, il invoque l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme.
Et martèle que l’exception d’inconstitutionnalité vise à imposer le renvoi à la
cour. C’est alors qu’il développe, dénonçant des pressions et faisant allusion
à une dimension politique du dossier : « Nous autres n’avons pas de colonels,
de généraux, d’inspecteurs… Nous n’avons pas eu de missions, de commissions, de
préoccupations sur notre état de santé… Nous n’avons pas d’agents de
renseignement, nous n’avons que la force du droit et nous allons y puiser
toutes les ressources. Ce procès est organisé dans le sens de délivrer un
permis de tuer. Les débats ont révélé que dans ce procès tout vient de la
présidence et tout y revient. Si Dangnivo est vraiment mort, son cadavre est
peut-être à la présidence de la République… Je sais les pressions qui
s’exercent… Ce 12 octobre 2010 à la présidence, on nous a suppliés de
convaincre la famille de donner son sang… Ce procès ne peut pas se tenir. On se
réunit au palais de la République pour savoir pourquoi tel avocat peut
intervenir aux côtés de la partie civile… Je sais que la Cour constitutionnelle
est mobilisée et peut rendre sa décision dans deux heures… Mais lorsque
l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée, l’audience est levée et la
conséquence, c’est un renvoi à une session ultérieure et non une suspension …
Si nous acceptons que la décision intervienne après les auditions de témoins, on
nous dira après qu’il faut passer à la lecture des pièces puis aux
plaidoiries…»
Garantir le procès équitable
Me Nicolin Assogba renchérit que le sursis à statuer, en
pareille occurrence est immédiat, imposé par le code de procédure pénale. Puis
fait observer que dans ce dossier, les droits de la défense sont violés, ceux
de la partie civile, gravement violés. A son tour, il déniche un motif
d’inconstitutionnalité et révèle que les dispositions du décret relatif aux
frais de justice criminelle (articles 2 et 3) offrent au ministère public
d’avoir tous les dossiers aux frais de l’Etat alors que la partie civile doit
acheter le dossier. Cela est contraire à l’esprit du procès équitable. « Les
choses se passent comme si on veut un arrêt plutôt que la vérité. Le temps des
facultés est passé, nous sommes à l’heure des obligations », enfonce-t-il. Les
supports de ces exceptions d’inconstitutionnalité sont diligemment déposés à la
cour.
Par ailleurs Me Djogbénou annonce qu’une plainte avec
constitution de partie civile a été déposée contre le nommé Priso afin qu’il
change de statut, puisque le ministère public ne veut pas s’y résoudre.
Me Baparapé s’invite dans la partie. Exprime la crainte
que, dès le début de la procédure, les magistrats ne soient instrumentalisés. «
Parce qu’au-delà du théâtre que nous sommes en train de faire, nous savons tous
que ce procès ne devrait pas se tenir, en tout cas pas en ce moment. Mais
puisqu’on a voulu d’un procès, on y a mis les moyens et les acteurs pour jouer
au théâtre. C’est, contraints et forcés, que nous, avocats de la partie civile,
nous y sommes associés, pour porter la voix et la douleur, devant l’opinion, de
la famille Dangnivo. Nous assistons à une parodie de justice… Ils savent très
bien que Dangnivo n’est pas mort. Sur quel fondement se tient alors ce procès ?
Dans l’histoire des disparitions, on sait que des gens réapparaissent de
longues années après. En l’espèce, qu’est-ce qui prouve donc que le disparu est
mort ? Nous de la partie civile, c’est comme si nous sommes venus à ce procès
par effraction puisque personne ne nous a invités… », développe-t-il.
Côté défense, Mes Magloire Yansunnu et Théodore Zinflou
disent attendre la décision de la Cour constitutionnelle.
L’exceptionnelle d’inconstitutionnalité soulevée semble imparable. Le ministère public considère que « la loi est dure, mais c’est la loi », se dit respectueux de la loi, et invite la cour à faire ce que de droit face à ce moyen. La suspension de l’audience intervenue aussitôt après, durera 2h. Le temps pour la cour de décider si elle continue les débats ou si elle y met fin momentanément en attendant la décision de la Cour constitutionnelle. Félix Dossa annonce le sursis à statuer. Joie du public et de la famille du disparu. Avocats de la défense et de la partie civile ne cachent pas leur satisfaction.
Wilfried Léandre Houngbédji (Publié dans ’’La Nation’’ du
lundi 16 novembre 2015)
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