Par le compte-rendu du Journaliste Wilfried Léandre Houngbédji
La 3ème
journée du procès de l’Affaire ’’Dangnivo’’, celle du mercredi 11 novembre 2015, qui se déroule à la Cour d’appel
de Cotonou, a tenu ses promesses en matière de nouveaux déballages. Nous
suivons son évolution à travers le compte-rendu impartial et détaillé du
Journaliste, Wilfried Léandre Houngbédji, pour son journal, le Quotidien ’’La
Nation’’.
Codjo Cossi Alofa |
Un témoignage compromettant pour les accusés, Grégoire
Akoffodji et Prince Alédji déposent
Devant la même cour que la veille, avec un nouveau greffier
d’audience, Me Théogène Zountchékon, un même public massif tant dans le
prétoire qu’en dehors, l’audience de la session spéciale de la cour d’assises
de la cour d’appel de Cotonou a repris hier mercredi 11 novembre. Marquée par
des passes d’armes entre avocats, et quelques fois entre avocats et ministère
public, l’audience a également enregistré la présence des principaux mis en
cause de la veille : Lani Bernard Davo, Théophile N’Dah, Grégoire Akoffodji,
Mohamed Mouftaou D.Prince Alédji. De même que la main courante et le registre
d’écrou du commissariat de Godomey ont été présentés à la cour. Entre-temps, à
8h20, les accusés arrivent sur les lieux. Une arrivée entourée des mêmes
mesures sécuritaires que celles indiquées précédemment. L’affaire intéresse
tellement que ceux qui ont pu avoir une place dans le prétoire, au moment de la
pause déjeuner, n’osent pas sortir, pour éviter que ceux, nombreux, qui se
bousculent à la porte malgré les amplificateurs de voix installés, ne s’y
engouffrent pour s’installer à leur place… A la fin de la journée, la
déposition du témoin Priso s’annonce comme un tournant décisif du procès, en
attendant peut-être de nouveaux développements.
D’entrée et avant même que la cour n’introduise les débats,
Me Joseph Djogbénou a voulu s’assurer qu’il n’y a eu aucune pression sur les
accusés depuis la veille. Puis il se lancera dans une tirade contre ces « chars
» et contre les conditions particulières de sécurité qui entourent ce procès.
Et demande que M. Prince Alédji soit invité à venir expliquer certaines
situations. Tout comme Bernard Lani Davo, Théophile N’Dah ou Jean Aladé dont il
dit ne pas savoir si c’est un pseudonyme, devront passer témoigner. Face à ces
exigences, le procureur général, Gilles Sodonon, informe que les diligences ont
été accomplies dès mardi soir et que les anciens ministres, comme les
régisseurs entrant et sortant de Missérété ont été convoqués à l’audience.
Quant à M. Prince Alédji, il serait en mission des Nations Unies depuis sa
retraite. Me Djogbénou se dit partiellement satisfait car, à son avis, le sieur
Prince Alédji est une pièce essentielle au regard des dépositions de la veille.
Quand le président essaye de relancer les débats, Me Djogbénou repart à
l’assaut des … « chars au palais de justice» pour dénoncer le dispositif
sécuritaire mis en place dans le cadre de ce procès. « Ce n’est pas normal que
des militaires en armes soient dans le palais de justice, en nombre. Ils
peuvent garder les alentours… Je suis désolé, je suis désolé. Notre toge est
incompatible avec les armes… », enrage l’avocat de la partie civile. Ses
associés Nicolin Assogba, Olga Anassidé et leur stagiaire Brice Houssou
embrayent dans le même sens, mettant surtout l’accent sur la nécessité de la
comparution du sieur Prince Alédji. Ile ne croient pas qu’il soit vraiment en
mission et suggèrent à la cour qu’elle peut, sur la base de l’article 329 du
code de procédure pénale, ordonner, au besoin par la force, sa comparution.
Félix Dossa rassure et promet que toutes dispositions ont été prises et le
seront encore pour que la procédure se mène sereinement.
Me Ayodélé Ahounou, conseil assistant du commandant Enock
Laourou, attire l’attention de la cour sur le sort des témoins qui sont restés
isolés toute la journée de mardi sans avoir peut-être mangé, et martèle que
pendant les débats, lorsque des noms sont énoncés, c’est la cour qui a le
pouvoir souverain d’accuser s’il le faut tel ou tel en cas de faits nouveaux.
Cela provoque une passe d’armes entre son confrère Djogbénou et lui. Pour
autant, Me Zinflou ne résiste pas au besoin de suggérer à la cour, non sans
dénoncer le dispositif sécuritaire,
compte tenu des témoins convoqués et des déclarations faites, de renvoyer le dossier pour que les témoins soient écoutés ailleurs qu’en audience publique parce que la parole à l’audience est une parole libre sur des faits dont on veut découvrir la vérité. Ce n’est pas l’avis de Me Elie Vlavonou. « Depuis hier, clame-t-il, les personnes convoquées pour témoigner ont été clouées au pilori. On accorde du crédit aux propos de vils individus pour vilipender d’honnêtes personnes. Nous n’avons aucune inquiétude ni gêne mais respectons les normes. On peut poursuivre le débat sans polémiquer. Ce qui a été dit et entendu hier ne suffit pas pour dire que le procès est fini.» S’ensuit une séquence de tiraillements entre avocats des témoins, ceux de la défense et ceux de la partie civile. Ceux des témoins se disent sereins comme le fait savoir Me Gilbert Atindéhou assurant que les témoins attendent leur tour de parole. Mais qu’on veut continuer d’entretenir la confusion à laquelle certains ont intérêt. Et qui fait qu’on prend déjà les déclarations des accusés comme vérité dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Me Djogbénou ne démord pas. Il invite à ne pas s’éloigner des règles essentielles car le procès pénal doit être équitable entre les parties. A son avis, les témoins ne sont entendus que lorsqu’ils sont invités à la barre. Le code de procédure pénale suggère qu’ils puissent être assistés et c’est leur droit. Mais si 24h d’attente sont extraordinairement longues, éprouvantes pour « ces hommes bons », il semble lire chez ses confrères que, pour eux, cinq ans ne le sont pas pour la famille, pour les accusés. Il s’étonne, par ailleurs, que « les assistants de témoins, dont les clients n’ont même pas encore déposé devant la cour, déclarent que les accusés ont menti. Puis il garantit sa collaboration à la cour tant que les règles sont respectées car la famille veut connaître la vérité. Me Théodore Zinflou est sur la même longueur d’onde et renchérit qu’il est préférable que les témoins soient entendus hors audience publique. Etonnement du ministère public. Gilles Sodonon, rappelant à l’occasion que toutes les demandes formulées par la défense ont été satisfaites, enseigne que l’article 332 du code de procédure pénale fait obligation que les témoins soient entendus dans le débat même s’ils n’ont pas déposé à l’instruction. Pendant qu’il parle, M. Prince Alédji fait son entrée dans le prétoire et salue gaiement les uns et les autres. Remous dans la salle. Quelques avocats annoncent leur constitution à sa cause. Puis c’est Grégoire Arsène Akoffodji, ancien garde des Sceaux (2010-2011) qui est à la barre. Il commence littéralement à déposer. Soutient n’avoir vu Alofa pour la première fois que le 26 septembre 2010 dans l’après-midi après avoir été avisé par le parquet, que la commission d’enquête judiciaire est bien avancée puisque tenant le suspect. Il dit n’avoir jamais vu Donatien Amoussou. Le ministère public signale à la cour qu’il devrait être d’abord isolé comme les autres témoins. La défense est d’accord et moque : « Vous voyez que nous sommes parfois d’accord avec le ministère public.» « Sur la procédure », nuance Gilles Sodonon. « Si nous sommes trop d’accord, on va le relever de ses fonctions », moque Me Djogbénou. En tout cas, les avocats des témoins demandent que leurs clients soient entendus publiquement car ils n’ont rien à cacher au public.
compte tenu des témoins convoqués et des déclarations faites, de renvoyer le dossier pour que les témoins soient écoutés ailleurs qu’en audience publique parce que la parole à l’audience est une parole libre sur des faits dont on veut découvrir la vérité. Ce n’est pas l’avis de Me Elie Vlavonou. « Depuis hier, clame-t-il, les personnes convoquées pour témoigner ont été clouées au pilori. On accorde du crédit aux propos de vils individus pour vilipender d’honnêtes personnes. Nous n’avons aucune inquiétude ni gêne mais respectons les normes. On peut poursuivre le débat sans polémiquer. Ce qui a été dit et entendu hier ne suffit pas pour dire que le procès est fini.» S’ensuit une séquence de tiraillements entre avocats des témoins, ceux de la défense et ceux de la partie civile. Ceux des témoins se disent sereins comme le fait savoir Me Gilbert Atindéhou assurant que les témoins attendent leur tour de parole. Mais qu’on veut continuer d’entretenir la confusion à laquelle certains ont intérêt. Et qui fait qu’on prend déjà les déclarations des accusés comme vérité dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Me Djogbénou ne démord pas. Il invite à ne pas s’éloigner des règles essentielles car le procès pénal doit être équitable entre les parties. A son avis, les témoins ne sont entendus que lorsqu’ils sont invités à la barre. Le code de procédure pénale suggère qu’ils puissent être assistés et c’est leur droit. Mais si 24h d’attente sont extraordinairement longues, éprouvantes pour « ces hommes bons », il semble lire chez ses confrères que, pour eux, cinq ans ne le sont pas pour la famille, pour les accusés. Il s’étonne, par ailleurs, que « les assistants de témoins, dont les clients n’ont même pas encore déposé devant la cour, déclarent que les accusés ont menti. Puis il garantit sa collaboration à la cour tant que les règles sont respectées car la famille veut connaître la vérité. Me Théodore Zinflou est sur la même longueur d’onde et renchérit qu’il est préférable que les témoins soient entendus hors audience publique. Etonnement du ministère public. Gilles Sodonon, rappelant à l’occasion que toutes les demandes formulées par la défense ont été satisfaites, enseigne que l’article 332 du code de procédure pénale fait obligation que les témoins soient entendus dans le débat même s’ils n’ont pas déposé à l’instruction. Pendant qu’il parle, M. Prince Alédji fait son entrée dans le prétoire et salue gaiement les uns et les autres. Remous dans la salle. Quelques avocats annoncent leur constitution à sa cause. Puis c’est Grégoire Arsène Akoffodji, ancien garde des Sceaux (2010-2011) qui est à la barre. Il commence littéralement à déposer. Soutient n’avoir vu Alofa pour la première fois que le 26 septembre 2010 dans l’après-midi après avoir été avisé par le parquet, que la commission d’enquête judiciaire est bien avancée puisque tenant le suspect. Il dit n’avoir jamais vu Donatien Amoussou. Le ministère public signale à la cour qu’il devrait être d’abord isolé comme les autres témoins. La défense est d’accord et moque : « Vous voyez que nous sommes parfois d’accord avec le ministère public.» « Sur la procédure », nuance Gilles Sodonon. « Si nous sommes trop d’accord, on va le relever de ses fonctions », moque Me Djogbénou. En tout cas, les avocats des témoins demandent que leurs clients soient entendus publiquement car ils n’ont rien à cacher au public.
Grégoire Akoffodji : « L’honneur a un sens »
Premier témoin à passer à la barre, l’ancien ministre de
la Justice, Grégoire Akoffodji, expose que l’affaire est arrivée en Conseil des
ministres parce que les syndicalistes s’y accrochaient et qu’elle préoccupait
l’opinion. « J’ai demandé au Conseil que cela reste une affaire judiciaire.
C’est ainsi qu’une commission d’enquête judiciaire a été mise en place »
informe-t-il. Avant d’indiquer comme Alofa la veille, que c’est en tenue de
sport qu’il s’est rendu à la brigade de recherche, après avoir eu au téléphone
le procureur général et le procureur de la République, qui avaient cherché
vainement à le joindre alors qu’il était au sport. « Je me suis porté vers la
commission qui m’a informé que des individus sont passés aux aveux. C’est là, à
la brigade, que j’ai aperçu le nommé Alofa, puis le lendemain sur les lieux de
l’exhumation. Nous n’avons eu aucune conversation… Le rôle du ministère de la
Justice a été limité à mettre les moyens à la disposition de la commission
d’enquête » précise l’ancien Garde des Sceaux. Le ministère public n’ayant
aucune question à poser, la partie civile y va de gré. Grégoire Akoffodji
développe que le gouvernement a fait les diligences pour faciliter les analyses
scientifiques aux fins d’expertise. Son souci, dit-il, était de tout mettre en
œuvre pour la manifestation de la vérité. Me Djogbénou insinue que les experts
étrangers sollicités sont arrivés au Bénin avant l’exhumation du corps de
Womey, soit dès le dimanche 26 septembre. Le ministre Akoffodji pique une
sainte colère, récuse cette thèse et lui demande d’en fournir la preuve. Me
Djogbénou lui souffle que l’ordonnance du juge d’instruction date du 5 octobre
2010, une séance ayant eu lieu à la présidence de la République ce jour-là et
qu’en tout cas, les experts étrangers étaient déjà à Cotonou. Puis l’avocat
exhibe un document de l’expert allemand, qui établit que le 30 septembre 2010,
il était déjà sollicité par le gouvernement béninois. Le prétoire vibre. Quand
s’éternisent les tiraillements entre avocats autour du témoin, la défense et la
partie civile s’accrochant régulièrement avec son conseil Me Ayodélé Ahounou,
le président Félix Dossa leur rappelle qu’il y en a beaucoup d’autres. Les
questions pleuvent toujours sur Grégoire Akoffodji, pour savoir notamment pourquoi
le gouvernement s’était tant impliqué dans ce dossier au point de poser des
actes qui auraient dû relever de l’instruction judiciaire. Parfois, elles sont
jugées « tendancieuses » par son conseil, mais le ministre, impassible, répond
autant qu’il peut, laissant comprendre qu’à la vue du corps en état de
putréfaction, il était déjà convaincu qu’il faudrait des expertises pour
confirmer les appréhensions. Pourquoi avoir alors reçu la famille, lui avoir
présenté des condoléances avant de l’inviter à se joindre à la formalité
d’exhumation ? Grégoire Akoffodji répond que sur la base des informations
reçues, il a pensé de bonne foi qu’on retrouverait sur les lieux, un corps
reconnaissable. De même, d’après la relation des faits à lui servie, puisque le
coupable auto proclamé disait avoir prélevé des organes du corps (le meurtre
étant déjà quelque choses de lourd à porter), le ministre s’est laissé
convaincre qu’il était certainement sincère. Son conseil fait observer à la
cour que « le témoin est d’une cohérence inouïe ». Ce qui a l’art de déclencher
une émeute de rires dans le prétoire. Les escarmouches entre avocats
s’intensifient plus tard, et Me Djogbénou, qui croit avoir vu un assesseur
manifester son agacement ou sa colère, s’en étonne et désapprouve. Une
confrontation entre Alofa et le ministre permet à ce dernier de préciser qu’il
n’a jamais assisté à une conversation entre l’accusé et qui que ce soit, ni
participé à quelque montage, quelque scénario tendant à faire porter la
responsabilité du crime à cet « enfant de 25 ans au moment des faits ». Il
affirme avoir bien accompli son travail et que, pour lui, l’honneur a encore un
sens. Alofa confirme bien que ce n’est pas le ministre qui lui a fait des
promesses, mais les nommés Dègbo et Aladé Jean.
Que dit la main courante de Godomey ?
Suspension de l’audience à 11h55. A la reprise à 12h30,
le commissaire de Godomey, Codjo Hadonou, qui y a pris service en novembre
2014, se porte à la barre avec la main courante sollicitée par la défense la
veille ainsi qu’avec le registre d’écrou. Le prétoire retient son souffle. La
lecture de ces documents révèle qu’il y a bien eu un compte rendu au
commissaire en date du 23 août relativement au vol de moto commis par Alofa. Le
ministère public fait constater que le juge a bien visé dans le dispositif de
l’arrêt de renvoi, la date du 23 août comme étant celle de commission du vol.
Chose confortée par les déclarations de l’accusé Alofa lui-même sur
interpellation-réponse. Qui déclarait que c’est le 23 août que Polo est allé le
voir pour l’opération. Cela ressort plutôt des déclarations sinon qu’on le lui
a fait dire, rectifie Me Magloire Yansunnu, rappelant que l’intéressé est un
illettré. Me Djogbénou souligne que du point de vue matériel l’acte dressé en
forme de procès-verbal n’est pas comparable au registre soumis à la cour et que
ce procès-verbal porte bien la date du 16 août. Ce dont, pour s’assurer, Me
Zinflou, demande au commissaire si le procès-verbal mentionne bien, à l’entame,
la date à laquelle il s’établit. Réponse affirmative. Autant que lorsqu’il
demande à l’officier si le procès-verbal se fait bien sur la base de la main
courante. Et au commissaire d’enseigner que « la procédure fait toujours
référence à la main courante ». Le ministère public veut intervenir, la défense
intervient pour l’en empêcher. Echanges vifs qui, pour le prétoire, sont à
l’avantage de l’avocat. Le public savoure. Gilles Sodonon, en sa qualité de «
directeur de la police judiciaire » intervient alors pour préciser que
techniquement la main courante n’est pas la procédure. Ce dont se saisit Me
Djogbénou, qui lit la main courante du 23 août, pour en déduire que ce n’est
pas une plainte qui y est retracée, mais qu’il s’agit d’un compte rendu au
commissaire, d’une opération menée « suite à un appel prétendu ». Cependant que
le procès-verbal de l’officier de police judiciaire, qui fait foi jusqu’à
inscription de faux, établit bien qu’à la date du 16 août, Alofa était aux
mains de la police. Me Zinflou renchérit que le procès-verbal produit à la suite
de diligences judiciaires l’emporte. Davantage, Me Djogbénou fait remarquer que
dans le registre d’écrou produit par le commissaire, il est mentionné que le
sieur Alofa a été écroué le 22 septembre pour des faits supposés commis le 23 !
Le commissaire évoque « une erreur » possible et précise que la chronologie des
heures atteste que c’est le 23 que le nommé Alofa a été écroué. Il sera prié de
produire la copie du procès-verbal disponible au commissariat. Ce à quoi il
s’engage…
Affabulations, mensonges…
C’est alors que la barre accueille le contrôleur général
de police à la retraite, actuellement fonctionnaire aux Nations Unies, Mohamed
Mouftaou D. Prince Alédji. Me Yansunnu va lui poser des questions. Il donne le
profil à la cour et se tourne vers l’avocat. Joseph Djogbénou lui indique qu’il
doit regarder la cour. Une remarque qui ne plaît pas au témoin, qui lui lance :
« Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. Un peu de politesse ». Incident pour
l’avocat qui relève que « ça commence » et lui fait observer : « Vous n’êtes
pas dans votre commissariat ici ». Suspension. Reprise une heure plus tard. Le
contrôleur général de Police, situe que c’est en sa qualité de chef service
central de la Police judiciaire de Cotonou au moment des faits, qu’il a été membre
de la commission d’enquête et à eu à faire aux accusés. Sur demande de son
avocat, Elie Vlavonou, le greffier de l’audience est invité par le président à
lui donner lecture de ce qui a été dit de lui la veille. Mais c’est Donatien
Amoussou qui va raconter comment, selon lui, l’officier de police a demandé à
Alofa de le doigter comme son associé. C’était à la brigade de recherche après
une première rencontre à la présidence de la République, dans le bureau du
colonel Koumasségbo. Et en présence d’autres personnes, jure-t-il avant
d’inviter le sieur Prince Alédji à « avoir le courage de dire la vérité à la
cour ». A ce moment, entre dans le prétoire son ami Priso (de son vrai nom
Evouna Priso Atangana). Invité à réagir aux propos formulés contre sa personne,
M. Prince Alédji se présente comme « un enquêteur professionnel », une «
victime du devoir » qui a eu « un parcours exemplaire et qui a dû recourir à la
justice pour une reconstitution de sa carrière». Ceci pour dire qu’aller à la
présidence de la République ne lui ressemble pas. En tout cas, il dit n’avoir
pas le souvenir d’avoir mis pied en ces lieux dans le cadre de ce dossier. «
Pour y recevoir des instructions », précise-t-il ensuite. Il a pu arriver, pour
les besoins de l’enquête, admet-il, que l’on ait procédé par comparaison pour
s’assurer de l’identité de Donatien. Qui, poursuit-il, est « un homme de
réseau, un militaire radié, spécialité de vol à main armée, un repris de
justice… » L’officier de police raconte ensuite que d’après ses informations,
c’est bien un coup que Donatien et Alofa ont bien préparé, que les recoupements
attestent qu’ils étaient bien en connivence, dans le but de déposséder Dangnivo
(qui serait un client d’Alofa) de sa voiture. Soit, au total, pour celui qui
revendique « 30 années de police, 30 années de police judiciaire » que son
travail a été propre. Donatien réagit vivement, soutient n’avoir jamais fait de
la prison avant ce dossier Dangnivo, « pas un seul jour », désapprouve-t-il. Et
engage-t-il, « si vous consultez les registres et que vous découvrez que j’ai
fait un seul jour de prison, considérez alors que tout ce qu’il dit à mon sujet
est vrai ». Admirations du public. Sur ce, M. Prince Alédji suggère qu’on
demande à Donatien de décliner son parcours dans l’armée. Ce qu’il fait,
raconte qu’il a dû partir de lui-même, après avoir dénoncé des gens qui
voulaient voler des armes, après avoir vu sa solde coupée et avoir subi des
pressions diverses. Il assure qu’à Parakou, il montait la garde avec plusieurs
armes et de nombreuses munitions, sans pourtant avoir jamais été mis en cause.
Mohamed Mouftaou D. Prince Alédji en déduit malicieusement que « pour un
soldat, ce qu’il vient de dire renseigne assez sur qui il est ». Le public
désapprouve. Invité à son tour, par Me Magloire Yansunnu, à expliquer comment
s’est passée la séance de reconnaissance de Donatien, l’officier affirme que «
le temps a fait son œuvre et des montages ont été faits » mais qu’il n’a jamais
été question d’aligner des personnes pour demander à Alofa d’identifier
Donatien parmi elles. Pourtant Alofa maintient sa version de la veille. Et
raconte que le commissaire Prince Alédji, arrivé sur les lieux le lendemain,
l’aurait menacé de le lester pour le larguer en mer parce qu’ayant appris qu’il
était imperméable aux balles… avant de lui dire plus tard qu’il lui
présenterait le nommé Donatien qu’il devrait affirmer connaître. Me Barnabé
Gbago relève qu’il a omis certains aspects de son récit de la veille. Alofa
valide et précise que ce qu’il venait de raconter concerne M. Prince Alédji et
que tous les faits ne se rapportent pas à tous les protagonistes. L’officier,
impassible, réitère avoir conduit son opération avec art. Que c’est Alofa qui a
raconté avoir pris de l’argent à Dangnivo pour lui concocté un savon. Que c’est
encore lui qui, durant les enquêtes, leur aurait doigté la maison d’une épouse
de Dangnivo. Qu’il aurait raconté que le plan initial était d’arracher la
voiture de la victime, mais qu’au jour dit il se serait présenté avec une moto.
D’où ils auraient réaménagé leur plan en trouvant le moyen de le faire revenir
le lendemain. Me Yansunnu relève que l’officier a pu oublier car, même dans la
version où Alofa acceptait les faits, Donatien Amoussou n’était nullement
présent. Ce témoin, qui s’agace parfois des questions à lui posées, n’a pas la
sympathie du public, qui réagit régulièrement à ses réponses, et approuve les
questions de Me Zinflou. Témoin qui considère comme affabulations, comme du «
précuit » les thèses des accusés tendant à l’incriminer, et assure être venu
pour éclairer la lanterne de la cour, après avoir appris que son nom avait été
cité.
Priso, un témoin décisif ?
Priso est à la barre. Sa version des faits stipule que
son ami nigérian Polo, par qui il a connu Donatien, l’a appelé une nuit autour
entre 1h et 2h du matin, pour dire d’aller le voir en urgence. Ayant hésité, il
s’est finalement déplacé pour voir l’ami. Qui lui a fait part de son projet de
voyage sur le Nigeria et lui a confié un sac contenant des effets. Lequel sac
il a déposé chez lui, enfermé dans l’armoire. Trois ou quatre jours après, par
curiosité, sa femme a ouvert ce sac pour en scruter le contenu. C’est elle qui
y aurait vu des vêtements et un téléphone Zékédé à antenne, ainsi que le livret
de bord d’une voiture qu’il dit avoir vu garée à l’hôtel où logeait Polo. Dans
la foulée, l’affaire Dangnivo défrayait la chronique et il se rend compte que
le livret de bord porte bien le numéro du véhicule qu’il a vu à l’hôtel, mais
remarque que le livret était plutôt au nom d’une femme et non d’un homme. Ce
qui l’a intrigué. Ayant allumé le portable Zékédé, une dame l’aurait aussitôt
appelé puis demandé de lui passer le propriétaire… Entre-temps, le véhicule
dans lequel il dit avoir vu le nommé Alofa (qu’il ne connaissait pas alors) de
blanc vêtu, avec un chauffeur, a disparu de l’hôtel où il est retourné après.
Somme toute, pris de panique après les appels de la femme, puis l’emballement
de l’actualité, il dit être allé déposer le portable Zékédé à Océan FM pour en
signaler la perte, puis en avoir informé son ami Donatien. C’est lui qui en
aurait parlé à son frère, lequel les a conduits à Julien Pierre Akpaki. Ce
dernier, à son tour, les aurait effectivement mis en contact avec d’autres
responsables dont le colonel Koumasségbo notamment… Bien plus tard, Priso qui
ne se sentait plus en sécurité et avait même dû crécher avec sa famille chez
Donatien, dit avoir été invité par le commissariat d’Agla pour identifier un
individu qui pourrait être celui qu’il avait aperçu dans la voiture. Il s’agissait
d’Alofa qui aurait été rattrapé grâce à sa carte SIM. C’est donc là qu’Alofa,
le prenant pour un « chef » de la police ou de la gendarmerie, lui déclare que
l’homme a qui appartient la voiture est mort. Ce qu’il aurait répété aux
agents, provoquant des pleurs chez eux… Priso, sur les lieux, croit avoir
entendu qu’Alofa a cité un ancien militaire. C’est dans la foulée que le nom de
Donatien est évoqué. Dès lors, il s’étonne que Donatien ne se rende pas souvent
disponible pour répondre aux convocations et s’en ouvre à lui. Celui-ci
banalise. Appelé plus tard par le colonel Koumasségbo à aller à la présidence
de la République avec Donatien, ce dernier alerte son ami Gildas et son frère
Auguste… « Au commissariat d’Agla, il fut un moment où on a présenté un certain
nombre de personnes à Alofa. Je n’étais pas dans la salle mais c’est
certainement là qu’il aurait identifié Donatien puisque celui-ci ressortira
menottes aux mains. » se remémore Priso Le prétoire est plongé dans un silence
studieux. Mme Dangnivo, pendant la déposition, suit religieusement et se tient
le menton ou porte la main à la bouche. Priso est formel, c’est lui et lui seul
qui est allé déposer le téléphone Zékédé à Océan FM et au moment de le retirer,
il est parti avec le colonel. Donatien n’était pas de la partie. Chez ce
Donatien, Priso assure, sur question du ministère public, n’avoir jamais vu le
véhicule retrouvé à l’hôtel. Mais après son arrestation, il dit s’être posé des
questions et a déserté sa maison où il le logeait. Depuis lors, ce n’est qu’à
l’audience d’hier qu’il le revoit. Le témoin n’omet pas de signaler à la cour
que depuis cinq ans, il vit des menaces de mort à n’en plus finir, est obligé
de changer de numéro régulièrement, et jure ne pas savoir comment Donatien a pu
être mêlé à cette affaire.
Il en était là de ses dépositions quand, à 17h07, le
président de la cour de céans, pour des raisons de sécurité de tous, prononce
la suspension de l’audience. Au même moment, Me Elie Vlavonou exprimait
justement des inquiétudes quant à la sécurité des uns et des autres, l’officier
de police Prince Alédji ayant été pris à partie, d’après certaines sources, à
sa sortie du prétoire après sa déposition…
L’audience reprend ce matin avec la poursuite de la
déposition du témoin Priso ainsi que d’autres qui attendent leur tour.
Wilfried
Léandre Houngbédji (Publié dans La Nation du jeudi 12 septembre 2015)
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