Coalition à Abomey-Bohicon des G4, G13 et Force Clé les 28 et 29 novembre 2008
Le Front Commun du Bénin, une force à ne pas sous-estimer
A Abomey et à Bohicon les 28 et 29 novembre 2008, c’était la grande messe des forces politiques tournant en dérision l’action au pouvoir du Docteur Boni Yayi. A l’issue des assises, il s’est constitué un Front Commun des G4 (Renaissance du Bénin, Parti du renouveau démocratique, Parti social démocrate et Mouvement africain pour le démocratie et le progrès), G13 et Force Clé, qui ont lancé leur rentrée politique. Ce Front constitue un bloc à prendre complètement au sérieux.
Ce sont de grands noms de la politique au Bénin qu’on retrouve dans ce Front : Nicéphore Soglo, ancien Président de la République, actuel Maire de la ville-capitale économique, Cotonou, et, Président d’honneur du Parti La Renaissance du Bénin (RB), assurant de main de maître la relève de son épouse, Rosine Soglo, toute-puissante Présidente du Parti, absente du territoire national pour raison de santé, Adrien Houngbédji, deux fois Président de l’Assemblée Nationale (1991 et 1999), quatre fois candidat malheureux aux élections présidentielles (1991, 1996, 2001 et 2006), Ministre d’Etat sous le régime Kérékou II (1996-2001), d’avril 1996 à juin 1998, Député à l’Assemblée Nationale et Président du Parti du renouveau démocratique (Prd), Bruno Amoussou, Ancien Président de l’Assemblée Nationale, de 1995 à 1999, Ministre d’Etat sous Kérékou II et III (2001-2006), de 1998 à 2005, quatre fois aussi candidat malheureux aux élections présidentielles, Député à l’Assemblée Nationale et Président du Parti social démocrate (Psd).
La liste se poursuit avec Séfou Fagbohoun, homme d’affaires béninois, Député à l’Assemblée Nationale et Président du Mouvement africain pour le développement et le progrès (Madep), Lazare Sèhouéto, ancien Porte-parole de campagne du Candidat Mathieu Kérékou en 2001, ancien Ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep) et du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, sous Kérékou III, Député à l’Assemblée Nationale et Président de l’alliance Force Clé, l’ensemble des Députés du bloc G13, deuxième force politique du Bénin, à l’issue des élections municipales, communales et locales d’avril 2008, avec une batterie de personnalités : Issa Salifou, Rachidi Gbadamassi et Nassirou Arifari Bako de l’Union pour la Relève (Upr), Léon Comlan Ahossi et Joachim Dahissiho de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) de l’ancien Président de la République, Emile Derlin Zinsou, Cyriaque Domingo et Sacca Fikara de l’Alliance du renouveau (Ar), Antoine Dayori et Antoine N’da N’da du Parti Force Espoir, Edmond Agoua, Président du Parti pour le développement et le progrès social (Pdps), Valentin Aditi Houdé, Président de l’Alliance des forces du progrès (Afp), Venance Lubin Gnigla, Président de la Coalition pour un Bénin émergent (Cbe), Guéné Orousé du Parti Restaurer l’espoir de l’ancien tonitruant Député Candide Azannaï, Wallis Zoumarou, frais transfuge du Parti Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe)du Président Boni Yayi.
Aux G4, G13 et Force Clé s’ajoute Séverin Adjovi, ancien Député à l’Assemblée Nationale, Ministres respectifs de la Défense et du Commerce, sous Kérékou II, Président du Rassemblement des démocrates libéraux (Rdl-Vivoten) et actuel Maire de la ville de Ouidah. On annonce appartenir à ce Front un grand nombre d’autres partis et de mouvements politiques.
Au sortir du Séminaire d’Abomey-Bohicon, c’est donc une armada d’hommes politiques à la carte de visite impressionnante et au charisme à soulever de nombreuses foules, portant derrière eux une proportion non négligeable de l’électorat béninois. Ce conglomérat rappelle quelque peu la coalition qui s’était liguée contre l’un de ses membres, en 1996 : Nicéphore Soglo, et qui avait réussi à lui ravir le pouvoir au profit de Mathieu Kérékou.
C’est cela le premier atout de ce Front, avoir à son actif ce haut fait d’armes qui a consisté à faire chuter un leader politique qui n’avait pas un bilan économique si vide ; la chose était si impressionnante que les pays voisins du Bénin, la sous-région ouest-africaine, l’Occident et, en général, les observateurs admirateurs du modèle démocratique béninois, ont été surpris qu’on ait fait sauter un développeur au profit d’un ancien putschiste marxiste-léniniste. C’était ne rien comprendre aux réalités politiciennes béninoises.
Le deuxième atout dans la manche du Front Commun de Bohicon, c’est que, les têtes de pont qui le constituent ont une expérience politique avérée ; celle-ci s’est créée, développée, consolidée et affermie par la participation régulière, cyclique des leaders concernés, à des joutes électorales, qu’elles soient présidentielles, législatives, municipales et locales. Ceci induit un contact huilé avec les foules et la culture d’un magnétisme, d’un charisme qui fait qu’à l’évocation du nom de tel chef de parti ou de tel autre, les masses votantes se soulèvent et deviennent inconditionnelles, catégoriques ; le phénomène est si frappant que, Nicéphore Soglo, Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Séfou Fagbohoun, Lazare Sèhouéto, Rachidi Gbadamassi, Issa Salifou, notamment, peuvent, par l’évocation de leur simple nom, mobiliser une énergie populaire prête à tout pour les propulser à quelque niveau que ce soit de l’appareil électif et de les protéger contre toutes les intrigues visant à les faire perdre. C’est ainsi que Nicéphore Soglo et certains députés phares du G13 ont échappé aux assauts du camp yayiste visant à les déstabiliser de leur poste électoral au niveau municipal. Dans le cas de Lazare Sèhouèto, une assise politique au développement exponentiel et aux tentacules incommensurables lui permet d’avoir la main-mise sur un bon nombre de petits et stratégiques fiefs du Département du Zou, qu’il a méticuleusement arrachés à Nicéphore Dieudonné Soglo.
Un autre atout de taille en ce qui concerne le Front Commun est que, les têtes de pont dont tout le monde voit la carrure ont exercé le pouvoir, que ce soit au niveau présidentiel avec Nicéphore Soglo, à l’échelle législative avec Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou et Idji Kolawolé, au niveau ministériel avec les trois précédemment évoqués et des Lazare Sèhouéto, des Séverin Adjovi et d’autres leaders de second plan à qui ceux-ci font de l’ombre ou dont la propulsion dépend du bon vouloir de ceux-ci. Donc, le Front Commun connaît les mécanismes du pouvoir d’Etat, les maillons de fonctionnement de la présidence de la République, des ministères, de l’Assemblée Nationale, les circuits de confection et de l’adoption, du vote par la Représentation nationale du Budget Général de l’Etat ; ils maîtrisent tout de la marche au quotidien de l’Etat, ce qui fait d’eux des experts capables de comprendre l’allure des structures du Bénin, dans les visions proposées, les décisions prises, les dépenses exécutées, les combines qu’on peut mettre en œuvre pour s’enrichir sur le dos du peuple sans laisser de traces, les stratégies pour s’établir en politique et y exercer une certaine longévité. N’oublions pas qu’eux tous, à des degrés divers, ont connu Mathieu Kérékou, l’animal des animaux politiques, ont subi son influence, ont travaillé sous ses ordres, ont appris à maîtriser ses méthodes d’une finesse non encore décryptée. Donc, ce sont des fins politiques pratiquement en achèvement de leur maîtrise de l’art de la chose.
Toutes ces considérations font qu’en réalité, Boni Yayi au pouvoir, cela ne les impressionne particulièrement pas surtout que, comme troisième atout, ils peuvent lever d’énormes quantités de fonds pour financer toutes leurs activités, des campagnes électorales à de simples réunions de militants ; les députés membres du G13 comportent en leur sein des opérateurs économiques prospères comme Issa Salifou, des gestionnaires de parcs de véhicules d’occasion comme Edmond Agoua, Rachidi Gbadamassi, Cyriaque Domingo, Issa Salifou. Ne parlons pas de Nicéphore Dieudonné Soglo qui a la haute main sur les finances de la Mairie de Cotonou, Bruno Amoussou qui a développé de grosses activités commerciales dans plusieurs pays à l’Extérieur, Adrien Houngbédji qui peut compter sur certains poids lourds de la politique africaine encore aux affaires pour les faire contribuer, à son profit, à des œuvres visant à son accession à la Marina, l’homme d’affaires Séfou Fagbohoun dont personne ne parle plus de la fortune d’un niveau impressionnant. Par ailleurs, le Front Commun porte en son sein de nombreux députés qui vivent du salaire que leur confèrent leurs fonctions, sans oublier ceux d’entre eux qui ont des avantages supplémentaires en tant que personnalités exerçant des responsabilités au Parlement, soit comme responsable de groupe parlementaire, soit comme patron d’une commission permanente. Le Front Commun voit, par conséquent, sa force de frappe centuplée, tout simplement parce qu’il n’a pas faim. C’est une Opposition dont il ne faudrait pas banaliser la force de nuisance, même si elle a des faiblesses profondes et que son adversaire n°1, Boni Yayi, – pourquoi ne pas carrément parler d’ennemi ? – a aussi ses atouts et ses insuffisances.
Cependant, un atout supplémentaire et, non des moindres, c'est le positionnement progressif de certaines tendances du Front Commun d'Abdoulaye Bio Tchané, actuel Président de la Banque ouest-africaine de développement (Boad), comme une alternative à Boni Yayi en 2011. En effet, ces derniers temps, les plus petites actions de l'homme sont médiatisées, surtout sur la Télévision Canal 3, chaîne proue du G13. La dernière action en date, transformée en un véritable événement, est la participation du successeur de Boni Yayi à la Boad à la séance de prière des vendredis, dans une mosquée de la ville de Cotonou. Voilà la mise en oeuvre, semble-t-il, d'une stratégie de peaufinement de l'image de l'homme comme d'un Béninois qui, en dépit de ses lourdes responsabilités professionnelles sur le plan international, n'a pas perdu les racines avec son pays et ses réalités. Reste à savoir si Boni Yayi, avec les atouts qui sont les siens, parviendra à fragiliser ses propres faiblesses et contrer les offensives du camp d'en face, celles-ci qui ne manqueront pas de s'inscrire dans une durée étroitement limitée.
Marcel Kpogodo
(Journal Le Mutateur, quotidien paraissant à Cotonou au Bénin.
Tél. : 00229.21.05.04.17 - E-mail : lemutateur@netcourrier.com)
Marcel Kpogodo
(Journal Le Mutateur, quotidien paraissant à Cotonou au Bénin.
Tél. : 00229.21.05.04.17 - E-mail : lemutateur@netcourrier.com)
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