mercredi 19 août 2009

Universitaires béninois

Compromission du niveau des apprenants en Français par l’Approche par compétences

Le silence inquiétant des universitaires béninois
(Roger Gbégnonvi et Félix Iroko ont prêché dans un grand désert)

Dix ans après l’introduction de l’Approche par compétences, anciennement appelée ’’Nouveaux programmes’’, dans le système éducatif béninois, beaucoup d’encre et de salive a coulé pour dénoncer ses ravages sur le niveau des apprenants en Français. Si la stigmatisation a été surtout le fait des syndicalistes de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) et de quelques rares enseignants du primaire ou du secondaire, les universitaires, eux, semblent maintenir un mutisme absurde face à une situation qui, tôt ou tard, finira par les atteindre.


A part les professeurs Roger Gbégnonvi du Département des sciences du langage et de la communication et Félix Iroko de celui d’Histoire et d’archéologie, de la Faculté des lettres, arts et sciences humaines (Flash) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), aucun universitaire n’a émis un quelconque son de cloche visant à orienter les populations sur les tenants et les aboutissants de l’Approche par compétences, depuis son instauration dans le système éducatif béninois. Pourtant, ce ne sont pas les situations scandaleuses qui ont manqué et les plaintes y afférant, surtout, avec la proclamation des résultats du premier Certificat d’études primaires (Cep) de l’Approche par compétences, en 2005 où, dans plusieurs écoles du pays, des taux de 100% de réussite ont été atteints, et que plusieurs enfants lauréats pouvaient à peine lire et écrire moyennement. Quand on sait que l’intelligentsia d’un pays est, entre autres, remarquable à travers son éminence grise que sont les professeurs d’université, les chercheurs, il est crucial de se poser la question de savoir ce qui sous-tend cette indifférence des universitaires face au fait pour l’Approche par compétences de compromettre un niveau acceptable, à l’oral et à l’écrit, dans la langue française, chez les apprenants libérés par le système éducatif béninois. N’avons-nous pas droit à des Jean-Paul Sartre, à nos André Gide, véritables ’’inquiéteurs’’ de la société française, empêcheurs de tourner en rond, qui, à leur époque, ont pesé de tout leur poids pour imposer, à leurs compatriotes, des normes acceptables de vie ?

Le fond de la question

Dans le cas d’espèce, il s’agit d’une affaire de sauvegarde de la langue de travail sans la maîtrise de laquelle un citoyen béninois quelconque ne saurait faire valoir sa qualité de personne bien instruite, ses potentialités d’intellectuel capable de communiquer, soit en parlant, soit en écrivant, au plan national ou à celui international. Par ailleurs, il est question de méthodes de transmission de la connaissance intellectuelle qui, dans l’enseignement primaire et au secondaire, sont en train d’épuiser tout leur souffle, de créer des dégâts d’ordre pédagogique sans pareille. En effet, on demande à l’enseignant de se fonder sur l’apprenant pour capitaliser les connaissances à vulgariser, - cet apprenant d’aujourd’hui que toute la société actuelle travaille à transformer en un mercenaire de l’école -, on exige à l’enseignant de tout écrire au tableau pour l’apprenant et d’éviter de dicter les cours, on impose une disposition particulière des apprenants dans les salles de classe, celle-ci dont le premier des avantages est de favoriser un bavardage sournois.

Le danger est à l’horizon

Dans ces conditions, que va-t-il se passer lorsque l’Approche par compétences va atteindre le monde du supérieur, surtout que les apprenants à avoir subi le nouveau système pédagogique depuis le Cours d’initiation (Ci) font, en 2009-2010, la classe de seconde, et qu’ils ne sont qu’à deux pas d’années de l’université ? D’ailleurs, ils franchissent les classes et les années, avec le schéma d’acquisition des connaissances qui leur a été inculqué depuis la première classe du primaire. Ainsi, ils ne comprendront pas que dans le supérieur, on ne puisse pas leur réitérer le même système. Pour éviter un problème de confrontation des systèmes d’enseignement, il faudra penser à former les enseignants de l’université à celui de l’Approche par compétences, avec tout ce qu’il comporte comme éléments indicatifs sus-évoqués et comme principes docimologiques. En considérant le débat dans un autre sens, les formés de l’Approche par compétences, qui, le Cep et le Bepc en poche, ne peuvent ni bien lire ni bien écrire ni bien parler la langue française, n’auront-ils pas des problèmes à affronter l’université ? Les enseignants qui s’y plaignent, à longueur de journée, du bas niveau des étudiants et qui, par conséquent, avalisent, chaque année académique, des échecs massifs, supporteront-ils leurs futurs clients, dans au plus trois années, et qui relèvent de l’Approche par compétences ? Attendent-ils que l’Etat les mettent en face de ceux-ci avant qu’ils ne commencent à se sentir concernés par les profonds dégâts créés dans le niveau en Français des jeunes apprenants ? Vont-ils accepter un recadrage total de leur mode d’enseignement afin que celui-ci soit adapté aux règles de l’Approche par compétences ? Les enseignants du supérieur feraient mieux d’emboîter, dès aujourd’hui, le pas à Roger Gbégnonvi et à Félix Iroko, afin de combattre, avec succès, les résultats catastrophiques de l’Approche par compétences, en matière de manipulation, par les apprenants initiés, de la langue de travail qu’est le français, langue officielle et langue internationale de communication, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Il en va, désormais, de leur facilité à réussir leur mission académique.
Marcel Kpogodo

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