vendredi 23 janvier 2015

Le début du calvaire des enseignants vacataires au Bénin



A cause du recrutement de volontaires dans l’enseignement secondaire
(Bon nombre d’enseignants vacataires se sont déjà vus retirer leurs classes)

Les enseignants vacataires des collèges publics vivent plus que jamais une instabilité professionnelle et sociale. Dans certains établissements, plusieurs d’entre eux sont déjà en train de recevoir leur lettre de remerciement pour loyaux services rendus à l’enseignement. Le service des volontaires semble mal loger ces enseignants qui ont pourtant ‘’dépanné’’, pendant de longs moments, le système éducatif béninois. Ils sont obligés de reprendre leur recherche d’emploi.

Soumanou Djemba, Ministre béninois de l'Enseignement secondaire
Initialement prévu pour combler le manque d’enseignants, l’initiative du Service de volontariat, loin d’offrir des emplois aux jeunes, dans leur grande majorité, a créé plus de problèmes qu’il n’y en avait. En effet, c’est la débandade totale dans le rang des enseignants vacataires qui se sont vus retirer, aussi simplement que cela, leur emploi du temps, laissant, du coup, les enfants à la charge d’un volontaire. Il s’agit de remarquer qu’un volontaire vaut le remerciement de 3 à 4 vacataires, à raison de dix-heures (18), selon la discipline.
Au collège d’enseignement général Océan, ils sont 4 enseignants à avoir commencé effectivement les cours sur les 21 volontaires attendus, plus précisément, 3 enseignants en Sciences de la vie et de la terre (Svt) et 1 en Géographie. Avec leur arrivée, rapporte l’enseignant vacataire, Ferdinand Dotchamou, 9 enseignants vacataires ont été remerciés. La raison, selon la première autorité de ce Collège, en est que le volontaire a un statut de titulaire et est autorisé à faire 18 heures de cours, alors que le vacataire n’en a qu’à peine 9.
Une fois entrés dans le système, ces volontaires, argumente-t-il, bousculent tous les vacataires existant en ramassant toutes les heures à eux confiées. Paradoxe. Donc, au lieu de combler le vide en enseignants, l’arrivée des volontaires élargit le fossé. « Ce qui se passe est quand même dramatique. L’Etat a choisi de trouver de l’emploi à 3 Béninois et en met à la porte 9. C’est le moins qu’on puisse dire, au regard des faits cités ci-haut. La situation, pour ces amis vacataires est difficile à vivre. Nous leur avons dit de ne pas encore partir. Mais, si les choses restent en l’état, nous allons nous mobiliser », a-t-il fait savoir.
Dans certains collèges comme Gbégamey, Houéyiho et Océan, pour ne citer que ceux-ci, la situation est la même. Même si, par endroits, la loi de l’omerta règne en maître, l’amertume et la colère sont parlantes. Des volontaires qui, à la quête d’emploi, se retrouvent, par la force des choses et, peut-être, contre leur gré, obligés de déranger la sécurité de leurs collègues vacataires (qui, à voir de près, sont leurs amis). On est tenté de dire que la formule du volontariat est une machine pour réduire les vacataires au silence.
Si, sous certains cieux, la pilule est passée comme une lettre à la poste, dans d’autres, on ne lâche pas l’affaire. En effet, certains collèges ont vu leurs activités paralysées et, pour cause, les élèves sont descendus massivement dans les rues, abandonnant les volontaires aux tables et bancs. C’est le cas du Ceg Zogbo où les apprenants ont battu le macadam pour exiger le retour de leurs enseignants vacataires remerciés. 

Les avis partagés sur le niveau des volontaires

Qu’en-est-il du niveau des volontaires envoyés ? Sur cette question, les avis des enseignants sont partagés. Dans le groupe des volontaires, on dénombre deux catégories. Il y a, d’un côté, d’anciens vacataires reconvertis en volontaires et, de l’autre, les volontaires vraiment novices. Par rapport au premier cas, commente Gilbert Goudémè, enseignant en sciences physiques, le problème ne se pose pas tellement, car ils ont l’expérience requise. Le gros du travail, commente-t-il, ce sont les enseignants diplômés qui n’ont pas les mêmes aptitudes. Pour la plupart des enseignants titulaires interrogés, il faudra du temps pour que cette catégorie d’enseignants se mette au pas. « L’Approche par compétence est complexe. Il faut du temps pour s’y adapter. Ils devront se chercher pendant un moment avant de retrouver le rythme. Aussi faut-il qu’ils soient formés », a-t-il déclaré.
Toutefois, certains vacataires, pour l’instant, sont encore à l’abri de toute menace, en raison de la désertion des volontaires après que les chefs d’établissements ont demandé les originaux des diplômes signalés. Dans la plupart des collèges, la moyenne des volontaires ayant effectivement pris service varie entre 4 et 7 sur la vingtaine ou la trentaine annoncée. « Il y a certains volontaires qui ne peuvent pas revenir, parce qu’ils n’ont pas les diplômes qu’ils ont annoncés. Il y a quelqu’un qui a la Maîtrise en Géographie mais, on a mis Capes en Spct. Il y a d’autres à qui on a mis Capes en droit, alors qu’on ne fait pas le droit dans l’enseignement général », râle un enseignant vacataire.
Dans certains collèges, les enseignants et l’administration ont identifié des approches pour limiter les conséquences fâcheuses. Elles consistent à remercier d’abord les nouveaux vacataires et à conserver les plus expérimentés. Ceci permettra de jeter à l’eau les volontaires non expérimentés pour un temps d’observation. Et, comme l’effectif est encore réduit, ces anciens vacataires peuvent être encore maintenus en attendant le déluge. « Nous avons fait un travail depuis décembre. On a décidé de commencer par remercier ceux qui sont recrutés fraîchement. Ceux-là, on estime qu’on ne connaît pas encore leur méthode de travail. L’objectif est de conserver les plus expérimentés, parce qu’on a eu le temps de les observer et d’apprécier leur compétence », a fait savoir un enseignant qui a requis l’anonymat.


Abel Dako



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