Dans le cadre d’une
interview qu’il a bien voulu nous accorder
Kim Azas est une star
béninoise du reggae qui, bien que vivant en Allemagne, suit de près l’actualité
au Bénin. Fidèle de la Très sainte église de Jésus-Christ relevant de la
Mission de Banamè, il adresse une mise au point à l’artiste Sabbat Nazaire qui
a toujours critiqué cette confession religieuse. Kim Azas n’oublie pas de lever
un coin de voile sur son nouvel album, ’’Fifa’’.
Kim Azas |
Journal
Le Mutateur :
Bonjour Kim Azas. Vous êtes un artiste reggaeman béninois très connu qui,
depuis quelques années, évolue en Allemagne. Vous avez eu vent des propos de
votre confrère et collègue, Sabbat Nazaire, sur la Mission de Banamè et, c’est
dans ce contexte que vous avez senti le besoin de réagir. Que vous suggère
alors le combat que mène Sabbat Nazaire contre la Mission de Banamè, contre
Dieu Esprit-Saint Qui a pris chair ?
Kim
Azas :
Avant de s’engager dans ce genre de combat, Sabbat Nazaire a dû longuement
réfléchir ou il a dû être blessé quelque part. Je ne connais pas les raisons de
son comportement. Le rasta prône souvent la paix. Je crois que ce combat
n’engage que lui, pour avoir choisi ce camp de critiqueur perpétuel, parce
qu’il ne faut pas se réveiller d’un jour à un autre pour dire : « Je
combats une idéologie, une religion ou des propos bibliques, quelque part ».
Nous, la chance que
nous avons, c’est que nous avons la possibilité d’aller vers la presse, nous
avons la possibilité de parler, sur le plan international, pour que les gens
nous écoutent. Et, nous éveillons les consciences, nous sommes les leaders des
sans-voix ; certains propos ne doivent pas être vraiment des propos qu’on
doit tenir, en tant que musiciens, parce que Bob Marley n’a jamais parlé de
christianisme céleste ou bien de vaudou, de prendre position par rapport à la
religion, il a toujours parlé de choses qu’aujourd’hui, nous retrouvons sur
notre route tout le temps. Donc, il a toujours donné des leçons aux gens, il a
toujours parlé de tout ce qui se passe dans la vie, mais il n’est jamais entré
dans une religion pour dire que telle est fausse et que telle autre n’est pas
bonne.
Ce que j’ai écouté de Sabbat
Nazaire, c’est comme s’il a le pouvoir de la religion sur les autres, on a
l’impression de le voir détenteur de la vérité absolue, et que personne ne doit
le contredire. Et, moi, je dis : ce que j’ai écouté de Sabbat Nazaire, il
a été très vite en besogne, il n’a pas réfléchi, parce que c’est des milliers
de fidèles qui vont à Banamè et, c’est pas des bêtes, c’est des juristes, des
professeurs, des policiers, tous ceux qui y vont ont choisi d’adorer leur Dieu
Qui est l’esprit incarné en Parfaite, qui est Daagbo. Pour moi, ces fidèles, y
compris moi, c’est toute la classe sociale qui va là-bas, et chacun a choisi sa
voie.
Notre cité est composée
de beaucoup de religions. Si, moi, en tant qu’artiste qui ai la chance de pouvoir
parler dans les télés, que je me lève pour dire que telle religion n’est bonne,
c’est comme si je suis en train de mettre du feu dans la cité ; je ne
trouve pas ça normal. En tant que reggaeman ou en tant que musicien, il faut
faire sa musique et on peut y parler de choses, mais pas atteindre la religion
des gens, parce que c’est très sensible ; ce côté-là, il ne faut pas aller
très vite sur ce plan, parce que c’est des trucs que Sabbat Nazaire ne connaît
pas, puisqu’il ne maîtrise pas ce qui se passe à Banamè.
Pour moi, ce qui se
passe à Banamè, c’est que c’est Dieu Qui a pris chair. Et, Dieu a pris chair
pour ce petit pays qui n’est rien du tout. Si, demain, ce Sabbat Nazaire qui
dit que Dieu l’Esprit-Saint est une sirène, et s’il se retrouve devant ce même
Dieu Qu’il dit ne jamais voir, et qu’il se révèle que c’est ce Dieu Qui a pris
chair au Bénin, qu’est-ce qu’il va faire ? Donc, cela veut dire qu’il va
perdre sa crédibilité si tant est qu’il en a … Ce n’est pas bon ; il ne
faut pas tout de suite aller vers les religions ; toute personne dans la
cité a sa religion et, c’est ça qui forme le Bénin. Donc, comme on le dit, c’est un pays laïc, chacun est
libre de faire sa religion, mais quelqu’un ne va pas se lever pour dire :
« Ah là, c’est du démon, ici, c’est la sirène … ». Je trouve que ce
n’est pas bien. Si on travaille comme ça ou bien, si on évolue dans ce sens, ça
veut dire qu’on est en train de détruire notre propre Bénin que nous tous, nous
aimons.
Parlons
un peu de votre expérience personnelle de la Mission de Banamè. Comment cette
mission s’est-elle révélé à vous, de manière concrète ?
Moi, à l’époque, depuis
que je suis né, mon père et ma mère m’ont amené à l’église. Donc, j’étais un
catholique fervent. Et, à côté de cela, j’avais des amis qui étaient des
adeptes du vodoun, des magiciens, des musulmans, des marabouts, … Ce sont des
gens que j’ai rencontrés sur mon chemin de vie et, quelque part, il y a des
moments où nous tous, on a déraillé, on est partis vers le vodoun, … Chacun
avec son histoire.
Moi, ce que j’ai vu à
Banamè, c’est qu’on n’y fait plus de sacrifices, et que j’arrive dans un coin
saint, sur une colline sainte, que je prie et que tout ce que je demande, je le
reçois. A Banamè, j’ai retrouvé une église où l’amour est partagé entre les
fidèles. En cas de persécution occulte, Dieu l’Esprit-Saint nous a appris à
nous défendre, à nous protéger. Je trouve que Banamè est dans une simplicité
qui dérange, parce que je ne peux pas comprendre qu’un prêtre qui me donne la
communion, que ce même prêtre a un pratiquant de vodoun derrière ; je ne
peux pas comprendre ça. Ou bien, un prêtre qui me donne la communion est un
franc-maçon. Qu’ils nous disent que l’église catholique est franc-maçon, je
serai prêt, je vais m’adapter. Je vais me dire : « Bon, ok, on est
francs-maçons … » et, ça passe quoi ! Il ne faut pas mélanger les
choses et, c’est ça que j’ai vu de ce qui se passe dans mon église. Je trouve
que la Mission de Banamè interdit tout ça là ; elle dit quoi ?
« Aimez-vous les uns les autres, ne pratiquez plus tout ce qui ne conjugue
pas Jésus-Christ, le fils bien-aimé de Dieu Qu’il a envoyé ici, ce même fils
qui était venu et qu’on a tué ; on ne l’a jamais cru. Donc, si son père
est arrivé aujourd’hui, n’allez pas très vite en besogne, attendez et dites une
chose : « On ne sait pas ce qui se passe là-bas ».
Je connais des amis qui
sont des intellectuels, et qui ont entendu parler de Banamè mais qui se sont
tus. Je connais des artistes comme Stan Tohon, comme Danialou, comme Nel
Oliver, qui ne sont jamais partis à la télé pour parler de quoi que ce soit,
parce qu’ils sont chacun, dans leur coin, font leur musique pour plaire au
peuple.
Moi, avec mon
expérience, je n’ai pas peur de le dire : je sais que c’est Dieu Qui a
pris chair et je me sens à l’aise quand je vais à Banamè. Que les gens aiment
ma musique ou qu’ils ne l’aiment pas parce que je vais à Banamè, rien ne me
dérange ; ma musique se vend ailleurs et, je ne me plains pas.
Pouvons-nous
connaître votre dernier album qui est intitulé ’’Fifa’’ ?
’’Fifa’’ veut dire ’’La
paix’’. Pourquoi ’’Fifa’’ ? Parce que j’ai vu que nous traversons une
période où on a eu un nouveau Président qui est sur une démarche de faire
changer les choses ; des choses qu’on vivait à une certaine époque, il a
envie de les faire changer. C’est pour cela que je me suis dit qu’il fallait
que j’écrive une chanson qui parle de la paix dans mon pays et qui dit :
« Soyons ensemble avec le Gouvernement pour que les choses puissent aller
de l’avant ». Dans cette chanson, je chante ’’fifa’’, la paix pour mon
pays. Les élections sont finies et, la main dans la main, nous allons conduire
le Bénin vers un avenir meilleur.
Vous
aviez l’impression que le Bénin n’était plus en paix, vous qui vivez en
Allemagne ?
Oui, parce qu’à
l’époque, j’ai senti que ce n’était pas ce que je voulais ; cela avait
très bien commencé, j’avais même écrit une chanson pour Yayi Boni ... Donc,
avec le temps, j’ai constaté que mes frères et mes sœurs n’étaient plus en
sécurité et, les choses n’allaient pas comme on le voulait, tout le monde se
plaignait, dans ce pays ; on l’a suivi sur le net. Je savais qu’il y avait
une instabilité qui est en train de se résorber ; je vois qu’il y a un grand
changement dans le pays et que les choses vont d’une autre manière. Je suis sûr
que, d’ici peu de temps, le Bénin va changer. J’y crois beaucoup.
’’Fifa’’
comporte combien de titres ?
’’Fifa’’ comporte six
titres dont deux chansons en anglais, qui touchent un peu le Nigeria ; les
quatre autres chansons sont, notamment, en fon : ’’Fifa’’, ’’Gbèto’’. Il
faut écouter l’album pour les apprécier.
Avez-vous,
sur cet album, une chanson dédiée à la Mission de Banamè ?
Bien sûr. ’’Gbèto’’
parle un peu de comment on est, nous, hommes et, dans la deuxième partie de la
chanson, j’évoque la manière dont le monde est en train de changer, dont la
lumière est venue dans notre pays et qu’un jour, elle va l’éclairer et que les
choses vont changer d’une autre manière. Donc, je ne parle pas directement de
Banamè, mais d’une lumière.
Où
pouvons-nous trouver cet album, aujourd’hui ?
J’ai laissé cet album
aux Etablissements ’’Bon berger’’, sis quartier Ganhi, hangar n°21, en face de
la Société ’’Delmas’’. Le contact de cette boutique, c’est le 97162794.
Avez-vous
des vœux pour la population béninoise, en général, et pour les fidèles de
Banamè, en particulier ?
Pour les frères du
Bénin, j’envoie toujours un message de ’’One love’’ ; nous, en tant que
rastas, c’est dans ça qu’on est, on prône l’amour ; je demande à tous les
Béninois de se solidifier, en ce moment très dur qui les dérange un peu, là où
on casse les choses ; on est en train d’arranger le pays, il est vraiment
en chantier et, il ne faudrait pas qu’à travers ces moments-là, on se sépare.
La main dans la main, on peut conduire ce Bénin ; qu’ils aient du courage
et qu’ils aient confiance au nouveau Gouvernement et, tout ira bien.
Pour les fidèles de
Banamè, qui sont mes frères spirituels, je leur dis d’avoir toujours du courage
et de prôner l’amour, pour que, même si on les embête, même si on les regarde
d’un mauvais œil, qu’ils aient du courage et qu’ils donnent de l’amour à tous
ceux qui auront, envers eux, ces mauvais comportements.
Propos
recueillis par Marcel Kpogodo
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