Dans une confrontation
politique inédite
Dans le milieu de la
soirée du jeudi 17 mars 2016, s’est déroulé l’innovant et tant attendu duel
télévisé entre les deux présidentiables arrivés en tête, suite au 1er
tour de la présidentielle, Lionel Zinsou et Patrice Talon. Il ressort des
expositions respectives des pans de leur projet de société que le premier vise
une action instantanée dans le secteur social pendant le second s’accroche à la
thérapie par les réformes, ce qui laisse Lionel Zinsou le réel gagnant de cet
échange.
Le plateau du débat |
Légèrement plus de 2h de
débat entre, d’une part, Lionel Zinsou engagé pour une intervention sociale
urgente de réduction de la pauvreté endémique et du chômage et, d’autre part, Patrice
Talon déterminé à conduire des réformes politiques de fond afin de produire des
solutions aux problèmes des Béninois. Le déroulement de l’affrontement, dans la
soirée du jeudi 17 mars 2016, sur la télévision nationale, notamment, entre ces
2 présidentiables arrivés en tête suite au 1er tour de l’élection
présidentielle, qui a eu lieu le 6 mars 2016. Un duel qui s’est caractérisé par
des échanges vifs arbitrés par Georges Amlon et Benjamin Agon, deux
journalistes, dans un réel professionnalisme.
L’évolution dans les
débats a permis aux téléspectateurs de se rendre compte des profonds points de
divergence entre les 2 présidentiables. D’abord, dans une analyse absolument
noire de la situation actuelle du Bénin, dans tous les secteurs de sa vie,
Patrice Talon a fait partager l’existence d’une administration aux ordres, le clientélisme
qui y règne, le manque de confiance du Béninois dans ses institutions, la
mauvaise gestion politique, le mauvais fonctionnement judiciaire, la
défaillance de l’Etat à tous les niveaux, autant de problèmes auxquels il faut
trouver des solutions pour le redémarrage de l’économie.
Contrairement à lui,
Lionel Zinsou, dans une vue plus positive sur le Bénin, a reproché à son
challenger de bâtir sa popularité sur sa capacité à faire peur, ce qui l’a
amené à plutôt rendre hommage à la Cour constitutionnelle dans la manière dont
elle a réussi la proclamation des résultats du 1er tour de la
présidentielle, garantissant la paix dans le pays. Ensuite, il a complètement relativisé
la vision négative de Patrice Talon sur les Béninois avant de témoigner son
respect à ses compatriotes que l’actuel Premier ministre a perçus comme des
gens qui se battent au quotidien dans leur travail et, entre autres, dans la
valorisation de plusieurs filières à part celle du coton : le soja, la
maïs, l’ananas et le cajou, ce dernier élément dont Patrice Talon a contesté la
marche satisfaisante au Bénin, dans une comparaison avec la Côte d’Ivoire, un
rapprochement très tôt rejeté par Lionel Zinsou évoquant une superficie et une
population plus fortes, dans le pays des éléphants.
Patrice Talon, au cours d'une de ses interventions |
Par ailleurs, le
promoteur du ’’Nouveau départ’’ a continué dans son diagnostic de la situation
au Bénin, dénonçant les concours frauduleux, la politisation de l’administration,
ce qui l’a conduit a réaffirmé que la dépolitisation de l’administration ferait
intervenir la répartition équitable des services de l’Etat, le développement
équilibré des infrastructures du pays. Et, parlant de santé, ce candidat a
démontré une réelle maîtrise de la manière dont les Béninois se soignent et a
parlé du renforcement de la gratuité de la césarienne, de l’opérationnalisation
du Régime d’assurance-maladie universel (Ramu).
De son côté, Lionel
Zinsou a fait comprendre la vacuité de la question des réformes
institutionnelles puisque celles-ci mettraient en attente les Béninois en ce
qui concerne les solutions sociales d’urgence qui se sont rien d’autre que la
lutte contre la pauvreté et le chômage qui ne sauraient plus attendre d’être
vaincus. C’est ainsi que le candidat du ’’Bénin gagnant’’ a apprécié que
Patrice Talon reconnaisse implicitement les avancées en matière de la
césarienne et du Ramu pour fustiger l’absence de solidarité envers les Béninois
les plus démunis, ce qui l’a conduit à proposer des mesures immédiates, dès sa
prise de pouvoir, le 6 avril, s’il était élu, à l’issue du scrutin du 20 mars
prochain : prendre en charge 100 mille familles à raison d’au moins 100
mille Francs Cfa par an, les amenant ainsi à vaincre la sous-nutrition et l’extrême
pauvreté. En outre, il a considéré nécessaire de doter les familles de lumière
pour faciliter les études des enfants et pour procurer aux parents une plus
grande économie à investir dans d’autres rubriques, sans oublier que le
candidat a parlé de faire intervenir les crédits de la Banque mondiale,
toujours pour aider ces familles. Intervenant concernant la santé au Bénin, il
s’est montré fier du personnel intervenant dans ce secteur et a convaincu que
le relèvement du plateau technique dans les hôpitaux ne peut se faire sans la
stabilisation de l’électricité. Une même question face à laquelle Patrice Talon
a proposé une panoplie de mesures sociales : prise en charge des démunis,
mise en place d’un système de cotisations, de crédits, d’une couverture
sanitaire en faveur des pauvres, ce que Lionel Zinsou vient renforcer en
indiquant un peu comme de mettre la lépi au service de l’assurance sanitaire.
Ainsi, ce dernier candidat s’est une fois de plus réjoui de voir Patrice Talon
s’appesantir sur les acquis du yayisme, ce qui a produit comme conséquence son
déni du ’’Nouveau départ’’. Ce fut alors la transition vers la question de l’énergie
avec des propositions précises de Lionel Zinsou : triplement de la
fourniture de l’énergie électrique, dès 2016, exploitation des énergies
renouvelables, répartition de celles-ci au niveau des artisans, l’électrification
rurale, le développement du système de la biomasse, l’électrification solaire, notamment,
porteur de nombreux emplois. Prenant la parole sur le sujet, Patrice Talon en a
profité pour dénoncer un nombre élevé de mauvais comportements de gestion du
secteur par l’actuel pouvoir : approximation, corruption dans la signature
des contrats, échec de Maria-Gléta. Lionel Zinsou a, entre autres, reconnu ce
dernier point. De plus, concernant le partenariat public-privé, le candidat du ’’Nouveau
départ’’ a réalisé une excellente extension, montrant ce que le privé est
capable d’apporter en matière d’efficacité, d’expertise et en management dans
un système où l’Etat accompagne et régule, dénonçant par là le monopole d’action
du pouvoir, sous le régime de Boni Yayi.
Lionel Zinsou, au cours du débat, habillé en Béninois |
Au niveau de ce sujet,
communauté de vue entre les 2 candidats. Enfin, les 2 derniers secteurs abordés
étant ceux de l’éducation et de la sécurité, Patrice Talon a proposé, dans un
premier temps, l’amplification des prérogatives du Conseil national de l’éductation
(Cne), trouvant, dans un second, l’armée pléthorique et la mise des services de
renseignements au profit du pouvoir pour la persécution des citoyens. Se rapportant
à ces 2 domaines, Lionel Zinsou a proposé la modernisation du système de
transmission des savoirs par l’informatisation des processus et la formation
des enseignants, finissant, concernant le secteur sécuritaire, en rendant
hommage aux forces de sécurité ayant déjoué un braquage à Sèmè-podji, ce qu’il
a reproché à Patrice Talon de n’avoir pas fait. Enfin, le candidat du ’’Bénin
gagnant’’, qui devait clore le débat n’a pu le faire, vu qu’il se trouvait en
dépassement du temps imparti.
Analyses
Les 2 présidentiables
que sont Lionel Zinsou et Patrice Talon ont le mérite d’avoir participé à ce débat
télévisé des élections présidentielles, le tout 1er qui s’est tenu, depuis
l’instauration du renouveau démocratique, un peu plus de 25 ans auparavant. Et,
la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) peut s’enorgueillir
d’avoir réussi l’organisation de tels échanges ayant l’avantage de montrer la
capacité du traitement oral des questions de notre pays par les aspirants au
fauteuil de la Marina.
Au cours de ce débat,
aucun des 2 protagonistes n’a fait économie de stratégies pour dominer, pour
imposer une certaine influence de leur personne sur son challenger. Patrice
Talon l’a réussi, de manière directe, en évoquant, en permanence, une formule
devenue une rengaine perpétuelle, comme s’il s’agissait d’un élément de pression
obsessionnelle, préparé pour déstabiliser son vis-à-vis : « Vous ne
connaissez pas le Bénin ». Ce candidat a fait de cette phrase un leitmotiv,
vu que c’est elle qui sert à démotiver des potentiels votants en faveur de
Lionel Zinsou. Ceci a voulu déconcentrer le très calme Premier ministre qui,
perdant parfois les pédales, répétait à l’envi : « La répétition du
mensonge ne crée pas la vérité ». A un moment donné, il a même dû retracer
l’ascendance plus que française de Patrice Talon, descendant de négriers. Et,
très fin aussi, Lionel Zinsou, opportunément vêtu d'une tenue locale béninoise, a tenté, à plusieurs reprises, d’endormir son
adversaire en lui donnant raison sur plusieurs points. De son côté, Patrice
Talon, non moins élégant, dans son costume occidental, cachant mal sa difficulté à se sortir d’un niveau corsé du débat, se
transformait en journaliste et posait directement des questions à Lionel Zinsou.
Fine parade ; il donnait l’impression d’être dépassé par les événements.
Mais, son ton magistral, sa posture droite, la dureté de son visage, la fermeté
de son propos donnaient de l’envergure à sa personnalité et travaillaient à
diffuser de lui l’image d’un homme de pouvoir, d’un commandeur, d’un homme d’Etat
et, pourquoi pas d’un Président de la République ? D’où, il sort comme
celui ayant dominé le duel présidentiel. Tout aurait été parfait, si on savait
avec précision ce qu’il ferait prioritairement dès que, si le 20 mars lui
donnait les faveurs des suffrages des Béninois, il se voyait remettre les clés
de la magistrature suprême. Son choix de la patience des réformes laisse le
peuple béninois plus perplexe que jamais.
Contrairement à lui,
Lionel Zinsou a toujours gardé son calme, était très posé, même s’il a souvent
commis l’erreur d’interférer verbalement dans le propos de Patrice Talon,
énervé qu’on lui martèle de ne pas connaître le Bénin ; il ne le laissait
pas parler, ce qui laisse entrevoir un manque de maîtrise de lui-même, vu qu’il
aurait pu contredire les accusations incessantes de Patrice Talon à son endroit
s’il s’exprimait, comme il l’a fait, sur les dossiers du pays. Et, tout
Béninois de bonne foi, ayant suivi le débat de bout en bout, peut conclure qu’il
s’agit d’une véritable intoxication lorsqu’on dit que le candidat du ’’Bénin
gagnant’’ ne connaît pas son second pays. Par ailleurs, un autre avantage de la
force des propositions de Lionel Zinsou pour le Bénin concerne un ancrage clair
sur ses priorités s’il était élu, le 20 mars prochain : la pauvreté, la
sous-nutrition, le chômage des jeunes, l’électricité ; il s’inscrit donc
dans une logique d’urgence sociale. Il ne louvoiera donc pas, s’enfonçant dans
des réformes politiques, au risque de s’attaquer à des moulins à vent. Il est
donc le vainqueur de ce débat télévisé. Chacun, dans le peuple, selon ses
besoins, saura choisir celui qu’il pense pouvoir être son Président, pendant
les 5 prochaines années.
Marcel Kpogodo
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