Dans une interview très décapante accordée à notre Rédaction
La marche vers
l’élection présidentielle se précise, ce qui amène plusieurs secteurs de
personnalités à se prononcer sur leur option pour un présidentiable ou pour un
autre. Brice Toffoun, Président du Groupe africain de réflexion et
d’orientation pour le développement (Garod), manifestant le choix de sa
structure pour le richissime homme d’affaires, Patrice Talon, démontre, à
travers le présent entretien, l’envergure nationale de l’homme, comme le
fondement de la sélection opérée.
Brice Toffoun |
Journal
’’Le Mutateur’’ :
Bonjour M. Brice Toffoun. Vous êtes opérateur économique, mais vous êtes aussi
le Président du Groupe africain de réflexion et d’orientation pour le
développement (Garod). Cela est connu désormais de tous, vous soutenez Patrice
Talon, pour l’élection présidentielle du 28 février prochain et, vous aviez
d’ailleurs appelé à ce qu’il soit candidat, ce qui est chose faite, depuis le
mardi 12 janvier dernier. Question classique : quelles sont les
motivations de ce choix ?
Brice
Toffoun :
Merci ; c’est un plaisir pour moi d’être votre invité. Pour commencer, je
vous dirai que le Garod existe depuis 2009 ; on a fait beaucoup d’actions,
au plan ouest-africain. Cette fois-ci, depuis plus de 12 mois, on est en train
de réfléchir sur l’actualité politique et à tout ce qui se passe dans le pays.
Et, c’est eu égard à tout cela que le Bureau directeur du Garod a retenu M.
Patrice Talon qui, à notre humble avis, est
un opérateur économique, un homme d’affaires de haut rang, un homme d’affaires
qui a côtoyé le milieu politique béninois depuis plus de 25 ans, il l’a
pratiqué, il l’a assisté et, dire de lui qu’il ne le connaît pas, c’est un peu
une idiotie. Cependant, l’homme a fait preuve d’humilité, il a fait preuve de
rétention, il s’est fait très effacé mais très actif dans chacune des activités
de développement de ce pays. Et, pour l’opérateur économique que je suis, je ne
peux que saluer celui qui a la capacité d’employer 7 mille Béninois, dans
plusieurs activités, qui a au moins 100 mille Béninois qui mangent par ses
mains. C’est un capital assez impressionnant !
Comme
nous le savons tous, Patrice Talon appartient au monde des affaires mais, il y
a une partie de l’opinion publique qui pense que les hommes d’affaires ne sont
pas qualifiés pour faire de la politique, qu’ils sont plutôt là pour financer
les hommes politiques, pour financer l’action d’accession des hommes politiques
au pouvoir. Qu’est-ce que vous pensez de cela ?
Ceux qui pensent que la
politique, c’est pour une frange de la population, et que les affaires sont
pour une autre frange de la population, je crois qu’ils ont leurs raisons,
mais, je pense aussi que, pour être véridique par rapport à ce qui se passe sur
le terrain, combien de Drfm (Directeur des ressources financières et du matériel,
Ndlr), combien de ministres n’ont pas de sociétés, dans ce pays ? On a
connu des chefs d’Etat qui sont intégrés dans des sociétés anonymes ! Vous
allez me dire aujourd’hui que ceux-là qui trichent avec l’opinion
nationale mais qui se trompent, parce que le peuple ne sait pas alors
qu’une partie du peuple, avertie, est au courant qu’ils sont impliqués dans un
certain nombre de sociétés qu’ils aont lancées ! Un ministre est un homme
politique mais, il fait quoi à avoir une société ? En ces 10 dernières
années, il y a une floraison de sociétés dont sont propriétaires ces
politiciens qui pensent qu’un homme d’affaires ne peut pas faire de la
politique. Eux sont-ils des affairistes pour faire des affaires ? Ils ne
sont pas des opérateurs économiques, mais ils font quoi dans le monde des
affaires ? Qui a pu critiquer ça ? Et, c’est eux qui arrachent les
marchés à nous, opérateurs économiques ! Ils sont juge et partie, ils ont
conduit le pays économiquement au chaos ! Et, je pense, aujourd’hui, que
nous devons devenir plus matures et cesser de faire de la politique
politicienne, cette politique qui, depuis 1960, a empêché le développement du
pays : « Quand ça ne m’arrange pas, niet, quand ça m’arrange, ça
avance … ». On a vu des gens militer pour des entreprises alors qu’ils
étaient membres du Conseil des ministres ! Je vous demande, M. le
journaliste, d’aller vers ceux-là pour qu’ils nous donnent leur part de
réponse.
Patrice Talon, lui, est
un homme d’affaires de haut rang, respecté au-delà de nos frontières, en
Afrique de l’ouest et en Europe ! Même dans son exil, il a encore créé une
société … Cela veut dire que, celui-là, qu’il soit mort ou vivant, pense au
bien-être des Béninois ! Et, une entreprise, au Bénin, c’est de la
fiscalité, c’est de l’argent qu’elle verse dans les caisses de l’Etat. Dans un
pays essentiellement fiscal, vous pensez qu’on ne peut pas féliciter cet
opérateur économique qui se bat pour que l’Etat puisse trouver des ressources,
même si, entre temps, celles-ci sont volées et que ceux qui les volent vont se
légaliser au Parlement, ou bien qu’ils ont la protection des grands monarques
que vous connaissez dans ce pays ? Je n’ai pas envie de nommer les
personnes concernées ; vous êtes journaliste et, vous savez de quoi je
parle …
Donc, aujourd’hui, il
n’y a pas de mal à ce que les opérateurs économiques se retrouvent politiciens,
encore qu’il faut savoir de quel opérateur économique on parle : Patrice
Talon. Patrice Talon, il connaît … Qui peut me dire qu’il n’a pas côtoyé le
Président Soglo ? Talon a côtoyé le Président Mathieu Kérékou, il a côtoyé
le Président Yayi Boni ; ce ne sont pas non moins Bruno Amoussou ni Adrien
Houngbédji qui diront qu’ils ne connaissent pas Patrice Talon. Tous ceux-là
vont le voir, l’ont côtoyé dans la nuit, sous la pluie, sous l’harmattan comme
sous la neige et, dès aujourd’hui, ils disent qu’ils sont plus des politiciens
que lui … Je vois le Président Yayi Boni qui disait que la candidature de cet
homme n’était pas opportune. En principe, c’est plutôt lui qui devait apprécier
cette candidature. En effet, la classe politique a échoué, elle a échoué !
En 50 ans, cette génération a échoué !
En parlant de
programme, le 10 points que Talon a annoncés, ce sont 10 points qui viennent
sauver ce drame de 50 ans, un pillage organisé : aujourd’hui, le
régionalisme est assis, le tribalisme … Tout cela, c’est parce que les
politiciens qui sont devant nous ont échoué, ils ont installé le proxénétisme
politique : on insulte Y aujourd’hui, 72 heures après, on va l’épouser, on
est ensemble avec des schémas totalement immoraux, la jeunesse est déboussolée !
Il n’y a plus de repères … Donc, je ne pense pas qu’X ou Y soit mieux loti,
selon sa profession, pour parler des questions de développement de ce
pays ; c’est un droit constitutionnel pour Talon d’être candidat, il l’est
depuis le 12 janvier dernier et, nous, nous le portons. C’est seulement les
jeunes qui avaient à peine 5 ans, à la Conférence nationale, qui ne comprennent
pas l’enjeu, l’importance de la candidature de Patrice Talon.
Talon, aujourd’hui, on
peut le prendre comme une nouvelle Conférence nationale pour sauver le
développement du Bénin. Du moment où l’on ne peut plus avoir une nouvelle
Conférence nationale, celle-ci peut être incarnée en une seule personne. C’est
parce qu’à la Conférence nationale, on a su dégager un consensus, que nous
sommes partis à la Transition. Mais, lui, il incarne le consensus ; que
voulez-vous encore ? Je voudrais demander gentiment que les uns et les
autres se calment …
Vos
propos dégagent un regard assez acerbe sur le comportement politique au Bénin …
Certains disent qu’ils
ont un parti politique, d’autres affirment être les ténors de la classe
politique … Ils sont où, ces ténors-là ? A quelques petits jours des
élections, certains mouvements sont encore en train de réfléchir à qui prendre.
Pire, vous voyez, en 5 ans, des partis politiques qui n’ont même pas pu avoir
un seul député. Ils déclarent qu’ils sont forts, mais ils ne pèsent rien, parce
que si vous organisez un meeting et que vous invitez 5 mille personnes à qui
vous donnez 2 mille francs chacune, vous n’avez pas un électorat, vous n’êtes
qu’un corrompu politique. De même, lorsque vous voulez faire un meeting
politique et que vous invitez 10 à 20 mille personnes et vous remettez à
chacune d’elles 2 mille francs sans compter que vous louez des bus pour aller
les chercher ; vous avez fait un effet de télé, les gens sont venus vous
écouter mais, ce n’est pas la réalité.
Donc, aujourd’hui, tout
est en décrépitude, il n’y a plus de classe politique et, ça, c’est l’héritage
que le Président Yayi est en train de laisser, c’est le chaos. Comme il est
venu par un ko, il a créé un autre chaos, politique. Tout est gelé : cela
va très mal économiquement et politiquement. Concernant les cadres politiques,
plus personne ne se retrouve, on va d’arbre en arbre, on papillonne, il n’y a
plus d’idéologie. Ceux qui sont devenus, on ne sait comment, des leaders de
groupes politiques, pensent qu’ils peuvent diriger le Bénin, parce que le
pouvoir a été rendu ordinaire, il a été ridiculisé ; on voit des gens qui
ne savent même pas écrire leur nom, à qui on écrit un discours qu’ils ne
peuvent même pas lire, et c’est eux qui disent qu’ils veulent diriger notre
pays.
Par ailleurs, le
Président Chirac est venu faire un grand forum ici, avec beaucoup de Chefs
d’Etats, on a parlé des faux médicaments, on a parlé de beaucoup de choses, ce
sont des réalités qui sont là … Qui sont les metteurs en scène de ces
histoires-là et qui viennent juger notre pays ? En réalité, par vos
actions, par vos actes, vous tuez la communauté, vous tuez le peuple ;
vous déversez des produits impropres sur le marché, parce que, par absence de
laboratoire pour évaluer ces produits, on les importe. Et, c’est tous ceux-là
qui, aujourd’hui, disent qu’ils ont pitié de ce peuple, le peuple qu’ils avilissent,
le peuple qu’ils violent ! Donc, on est dans un chaos, le chaos de 1989 !
Aujourd’hui,
politiquement, le pays est en agonie ; on a développé l’apatridie, la
haine, la calomnie, le non respect de la Constitution et des lois de notre
République et, vous voulez vous attendre à quoi ? On n’a plus de
symboles : on a laissé Bolloré acheter la résidence du Président Maga,
toutes les zones historiques de ce pays sont en destruction, on a laissé le symbole
de la Conférence nationale pourrir et, vous parlez de quelle politique ? L’état
de ces sites historiques n’est qu’à l’image de la politique dans notre pays.
Par rapport au feu Président
Mathieu Kérékou, quel héritage pensez-vous qu’on puisse exploiter des 29 années
de pouvoir de cette personnalité à la tête de notre pays ?
Pour
certains, Mathieu Kérékou est une figure emblématique. Pour d’autres Béninois, ce
Président n’est pas une histoire à revivre. Et, nous avons cette souplesse, au
Bénin, d’arroser nos défunts d’éloges et, je crois que le moment que nous avons
traversé, avec le départ de cette grande personnalité de ce pays, n’est pas à
cette analyse devant amener à se demander ce que ce Président a été ou ce qu’il
a fait, ce qu’il est ou ce qui s’est passé. Le Président Mathieu Kérékou a posé
un acte en 1990, qui en a effacé
beaucoup d’autres. En dépit de tous les concepts qui ont été développés sous la
gouvernance de ce digne fils béninois, ils ne nous ont pas conduits très loin à
cause des cadres béninois qui ont été inconséquents et vendus.
Pour
ma part, pour ma petite expérience, vu que j’avais déjà une bonne vingtaine,
avant la Conférence nationale, étant déjà à l’université et pouvant avoir, à
l’époque, la capacité d’analyser les contours de ce que la Conférence nationale
a été et de là où Kérékou a surpris tout le monde, et de ce qui lui a valu le
mérite d’être le Père de la démocratie, ce que, en fait, ce Président a laissé
en héritage, je crois que, si on devait regarder l’homme, c’est à travers le
système démocratique qu’il a mis en place, qu’il a construit, un système autour
duquel il a travaillé à créer un consensus national, ce consensus national qui
a commencé à être violé de 2007 jusqu’à la date où l’on est aujourd’hui.
Kérékou,
s’il ya quelque chose à pérenniser, c’est de respecter sa mémoire en
pérennisant cette démocratie ; chaque Béninois, où qu’il se trouve, dans
le secteur d’activité où il est, doit travailler pour qu’il y ait le consensus
là où il vit, là où il travaille.
S’agissant
des responsables des institutions, des Béninois à qui l’on a confié la gestion
de nos institutions, ils doivent avoir comme repère ce « non » que
Kérékou a prononcé aux Azonhiho, en 1990, et faire référence à ce
« oui » que Kérékou a prononcé pour rendre souveraines les décisions
de la Conférence nationale. Donc, ils ne doivent pas voir leurs intérêts, ils
ne doivent pas voir les bouteilles de champagne qu’ils vont utiliser, les
ressources, les milliards qu’ils vont empocher pour faire profiter leur famille
et leurs descendants mais, plutôt, l’intérêt national, les enjeux de leurs
arrière-arrière petits-fils qui vont vivre, entre temps, dans le désordre et le
chaos qu’ils auront créés et qui seraient entrés dans le pays, par leurs mains.
En effet, je ne veux pas être vu comme un donneur de leçons, mais une petite
lecture ma permet de dire qu’il vaut mieux s’abstenir de faire une lecture des
10 de pouvoir de Kérékou pendant les 25 ans de démocratie, parce que c’est
aussi 10 ans de distraction, pendant lesquels on a vu des gens qui étaient
presque des piétons qui sont devenus, en moins de 2 ans, richissimes, propriétaires
des beaucoup de villas, de beaucoup de comptes, faisant beaucoup d’aller-retour
Cotonou-France-Europe-Etats-Unis-Cotonou, comme si c’était un trajet
Cotonou-Porto-Novo-Bohicon-Cotonou. Donc, tout ne peut être bon en un homme
mais, aujourd’hui, je crois fermement que si, entre temps, Kérékou devait être
ressuscité et qu’il devait reprendre la gestion de ce pays, qu’il connaîtra les
hommes à écarter de son pouvoir pour mieux le diriger, lesquels hommes se sont
très tôt emparés de Yayi Boni pour créer la monarchie Yayi, pour mettre en
place la machine Yayi qui broie et détruit tout sur son passage, au profit de
ses intérêts personnels. Il est inconcevable que, dans un gouvernement, on voie
un ministre qui s’accapare l’argent de l’eau, l’eau qui est source de vie,
l’eau qui est vital ; quand vous volez l’argent de l’eau, cela veut dire
que vous avez tué la vie dans ce peuple-là ! Des gens manquent
d’eau ; il faut voyager, aller loin, pour savoir ce qui se passe. Quand
vous manquez d’eau et que vous vous voyez obligés de boire de l’eau souillée.
Même le ’’Pure water’’, l’eau en sachet qui se vend à Cotonou et partout, les
gens le stocke sur six, sept mois parce que, pour eux, c’est potable, mais,
stocké avec de la chaleur, dans du plastique, sur six mois, vous voyez ce que
cela fait ? C’est dangereux ! Donc, aujourd’hui, il n’y a plus de cas
de conscience ! Et, c’est un cas de conscience que Kérékou a posé. Tout ce
qu’on a vu, au cours de ses obsèques, les parades, les tenues, les cérémonies,
c’est de l’illusion ! La vraie raison est là : chacun de ses dirigeants
d’institution doit se battre pour que ce « non » et ce
« oui » de Kérékou soient un repère et une boussole dans chacune des
décisions face auxquelles ils se retrouvent.
Donc,
Mathieu Kérékou, Père de la démocratie, oui et, je crois que c’est la seule
chose, assez positive par rapport à laquelle il faut regarder l’homme. Sinon,
la décrépitude, le marasme, l’agonie économique de ce pays n’est pas du fait que
des 10 ans de gestion hasardeuse de Yayi ; c’est un enchaînement des 20
dernières années. Ces apprentis-sorciers, qui nous ont sortis de la bonne voie
du développement que le Bénin avait enclenchée en 1992, doivent, prendre
conscience, regretter et arrêter le dilatoire qu’ils sont en train de faire,
aujourd’hui, et comprendre qu’ils ont failli, et que le peuple leur tend la
main, en miséricordieux, comme s’il était Jésus, pour leur dire :
« Maintenant, nous vous donnons l’occasion de vous rattraper, après 55 ans
de comportements dramatiques et dangereux. »
Une candidature qui continue de défrayer
la chronique est celle de Lionel Zinsou représentant l’Alliance républicaine
prenant en compte les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), le Parti du
renouveau démocratique (Prd) et la Renaissance du Bénin (Rb). Qu’est-ce qu’elle
vous suggère, personnellement ?
YayI
Boni a choisi Lionel Zinsou. C’est un choix dangereux, dramatique … Je ne veux
pas remuer le couteau dans la plaie. Je ne sais pas si vous avez souvenance du
16 janvier 1977, dans ce pays, la date de l’agression impérialiste … Le nom de
ce présidentiable va rappeler à la femme de Totoh Paulin et à sa descendance ce
drame qu’on a vécu. Bob Denard, dans sa déclaration, a cité des noms ! La
France gère la plupart des pays francophones par pression et par
chantage ! Aller mettre un agent français – moi, j’appelle Lionel Zinsou
un agent français, même s’il est un Béninois et qu’il porte un nom béninois,
qu’il porte l’identité béninoise mais qu’il n’a pas le label béninois – quelqu’un
qui a passé tout son temps à vénérer le drapeau français – parce que quand tu
es citoyen français, ce que tu vénères, c’est le drapeau français, les intérêts
de la France – qui a passé 30 ans au niveau du Parti socialiste (Ps), en
France, s’il était si compétent, et que la France trouvait qu’il l’était
autant, pourquoi ne l’a-t-on pas positionné à la place de Hollande ? Pourquoi
ce n’est pas lui qui a succédé à Sarkozy ? On a vu Obama, aux
Etats-Unis ! Lionel Zinsou a pu apporter quoi, concrètement, à la
communauté française, là-bas ? Qu’on nous donne des références ! Et,
soit dit, en passant, on traite Sébastien Ajavon d’un homme d’affaires qui ne
devait pas faire de la politique, on fait de même de Patrice Talon mais, Lionel
Zinsou aussi est un homme d’affaires ! Dans tout ce qu’on dit comme
patrimoine, richesses, fortune, ce monsieur n’a pas trouvé meilleur pour le
Bénin que de venir créer une société de gardiennage et d’entretien d’usine
! Un agent français, avoir une société de gardiennage, dans un pays, moi, je
vous laisse aller faire vos enquêtes ! Ce n’est, en réalité, que cela qui
se fait.
Moi,
je crois qu’aujourd’hui, on ne doit pas valider la montée en puissance de la
nouvelle version de la Françafrique, on ne va pas valider la montée en
puissance de la nouvelle formule de colonisation qui est celle consistant à
positionner les bi-nationaux, les Béninois qui ont la nationalité française et,
qui, de surcroît, ont, comme compagne, une Française. Ils ont réussi le cas, en
Côte d’Ivoire, avec beaucoup de comédie, et tout semble identique au schéma
ivoirien : au début, on avait dit que Ouattara n’était pas ivoirien. Ici,
on nous dit que Lionel Zinsou n’est pas un Béninois … Et, c’est comme cela que
ça va commencer.
Aujourd’hui,
Zinsou, Président de la République, ce n’est rien d’autre que la France ! Cet
homme, on le nomme Premier ministre ; on sait que dans un cabinet, les
collaborateurs immédiats d’un ministre sont ses hommes de confiance. Sur les 5
qu’il a nommés, on a déjà eu 3, venus de France. Trois Français, dans son
cabinet. Cela veut dire que si, de façon malencontreuse, il se retrouve
Président de la République, on aura 50% de Français dans un gouvernement !
Il a été Conseiller de Yayi ; il a conseillé quoi ? En tant que grand
financier, pourquoi il n’a pas pu arrêter les crises financières ?
Pourquoi il n’a pas pu dire : « Arrêtez ou bien je
démissionne ! », ce qui aurait amené la presse à nous dire que Lionel
Zinsou avait démissionné, en son temps, parce qu’il avait conseillé le
Président Yayi Boni et que celui-ci ne l’avait pas été écouté ? On veut
vendre quoi ? Et, c’est pour légaliser le non respect de nos textes que le
Chef de l’Etat a eu le courage de faire ses déballages à ’’Bénirails’’, parce
que quand ce sont les intérêts du Président de la République qui sont menacés, on
n’a pas de juridiction, les décisions de la justice sont sans effet. Etre
Premier magistrat ne veut pas dire être au-dessus de la loi béninoise. Et,
c’est en cela que, moi, en lisant les 10 points du Président Talon, j’ai dit
« oui » : un ministre qui commet un crime économique, on doit
pouvoir le juger, la justice doit pouvoir s’emparer du dossier … C’est
dangereux de dire que c’est le Parlement qui doit enlever l’immunité, que c’est
le Parlement qui doit faire ceci ou cela ; on en a le résultat ! C’est
cela qui permet à Kassa de se cacher au Parlement et d’être intouchable !
Et, des Kassa, il y en a plein au Parlement. Donc, aujourd’hui, on doit pouvoir
réformer les textes et permettre à quelqu’un qui commet des délits économiques de
faire face à la loi, que force reste à la loi et que ce qu’on a volé au
patrimoine de l’Etat puisse lui être restitué. Cela, au moins, va être un
premier pas vers la lutte contre la corruption. En effet, si les gens savent
que s’ils commettent des actes, ils seront jugés et, sans parti pris, alors là,
ils auront des rétentions ! Comme vous le savez, le peuple béninois, c’est un
peuple qui aime la pression, c’est un peuple qui aime la rigueur ; si vous
prenez une loi et qu’il n’y a pas une rigueur derrière, vous ne verrez personne ;
on a demandé aux gens d’utiliser le couloir secondaire pour aller à moto. Les
premiers jours, ils n’obtempéraient pas. Quand la police est descendue sur le
terrain avec la rigueur et la pression, les gens se soumettent,
aujourd’hui ; la circulation est plus ou moins fluide. Il est bien qu’il y
a encore quelques Béninois récidivistes qui ne sont pas en train de respecter
les couloirs de conduite. Nous sommes dans un pays où, sociologiquement parlant,
les gens ont besoin de la rigueur et, autour de cette rigueur-là, il faut
toiletter les textes, il ne faut pas permettre un autre hold-up de la France. Et,
c’est le sentimentalisme français du Président Yayi qui a laissé le
Gouvernement permettre que Bolloré achète la résidence historique du Président
Maga. Même si ce sont ses enfants qui avaient accepté de la vendre, le
Gouvernement devait s’y opposer ; il devait l’acheter, la faisant ainsi
entrer dans le patrimoine de l’Etat. Un peu comme le Président Kérékou, le
Président Maga n’est pas une figure ordinaire de ce pays. C’est un homme qui a
marqué ce pays, en matière de développement. Et, je me pose la question de
savoir quelle référence retenir de Yayi, si ce n’est pas seulement :
« Les femmes, je vous aime ! ». Dans les 10 ans de Yayi, tout
est négatif ! Il y a des points positifs, et c’est parce qu’ils n’ont pas
été bien mûris, bien élaborés qu’on n’en a pas vu l’impact sur le développement
économique du pays. Donc, je pense que la gestion du Bénin doit être mieux
repensée, en utilisant les données collectées par l’Insae (Institut national de
la statistique et de l’analyse économique, Ndlr), les statistiques, pour mener
à bien une politique de développement, ce qui nous permet de savoir, par
exemple, si, en 2015, nous avons eu 500 mille naissances, quel nombre de salles
de classes maternelles nous devons avoir, en 2018 et, dans quelle proportion,
au niveau de chaque école. Je crois qu’un pays, un Etat, c’est comme cela que
cela se gère ; cela ne se gère pas de manière à ce que chacun vienne
exécuter la politique qu’il veut. C’est cela qui nous a permis d’avoir tout ce
que vous avez vu : Maria Gléta, les groupes électrogènes loués, et tout cela
n’a rien apporté parce qu’on a tout fait au pifomètre, à la va-vite, sans
réflexion statistique. Même quand, votre maison, vous la gérez de cette façon,
un beau matin, vous serez obligé d’en fuir …
Que pouvez-vous nous dire du Garod,
l’institution que vous dirigez depuis sa naissance, en 2009 ?
Le
Garod est un ensemble composé de cadres béninois et africains, un creuset dans
lequel, quand on se retrouve, en congrès ordinaire ou extraordinaire, on évalue,
on étudie les situations en cours, dans chaque pays, dans chaque Etat et on
tire les conclusions des rapports à notre niveau. Tout cela nous permet,
aujourd’hui, d’affirmer haut et fort, quand nous prenons les projections des
candidats qui pensent qu’ils peuvent diriger notre pays, quand on voit les
propositions de développement qu’ils ont, qu’elles sont dénuées de tout
fondement, parce qu’au-delà de toutes les ambitions, personne ne dit d’où les
ressources doivent venir pour faire face aux projets. Certains disent qu’ils
vont lever des fonds à l’international. On ne se lève pas pour lever des
fonds ; on se lève pour lever des fonds par rapport à des projets concrets.
Même s’il s’agit d’un Etat, il a besoin de faire un business-plan, de préciser
comment le financement sera exploité, son impact et le planning de
remboursement du financement levé. Donc, on ne peut pas se lever pour dire
qu’on va diriger le pays parce qu’on a fait une institution internationale, parce
qu’on a accès au financement international ; je ne crois pas que quelqu’un
qui a fait une institution international ait le pouvoir de lever de l’argent
assez facilement.
Aujourd’hui,
le marché financier est, à plus de 80%, gouverné par les hommes d’affaires
internationaux. Donc, si nous avons la chance d’avoir un homme d’affaires de la
taille de Patrice Talon qui se porte garant de diriger notre pays et de le
conduire sur la voie du développement, en Jean-Baptiste, je crois qu’il n’y a
pas mieux, du moment où ; dans l’un des points de son programme, il a dit,
la main sur le cœur, qu’il se retirait des affaires, ce dont, à ma petite
information, le processus serait en achèvement. Donc, il ne sera plus
actionnaire dans aucune entreprise ; on aura alors affaire à un homme
nouveau, à un homme assez expérimenté, assez outillé et prêt, déterminé à
accompagner le Bénin dans sa politique et dans son ambition de développement pour
que, demain, on puisse avoir le rêve béninois, comme l’on a le rêve américain.
Donc,
le tout ne suffit pas de venir, comme le font certains, se réclamer l’héritier
politique du Président Kérékou. A part la démocratie, ce n’est pas un héritage
à pérenniser. Les seules choses qu’un Chef d’Etat peut tirer de Kérékou, c’est
son silence et son humilité. Je crois qu’un homme aussi silencieux et humble
que Patrice Talon a beaucoup influencé la classe politique. Aussi riche qu’il
soit, quand vous allez le rencontrer, il refuse les caméras. Pourtant, on a vu
quelqu’un qui s’annonce sur la scène politique passer, sur des chaînes de
télévision, de 9h à 18h, une cérémonie d’anniversaire de sa feue mère. Tout
cela, ce sont des signes de sentiment populiste ; si nous sommes prêts à
lutter contre le populisme mis en place par Yayi, je ne pense pas que ce soit
en validant un autre système de populisme.
Propos recueillis par Marcel
Kpogodo
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