Pius N’jawé : mon expérience personnelle
Pius N’jawé est mort. Telle est la nouvelle qui est tombée dans la journée du 12 juillet 2010. Il a trouvé la mort dans un accident de voiture dans l’Etat de Virginie aux Etats-Unis. Ainsi et à 53 ans s’achève le parcours terrestre de ce homme qui a été le pionnier de la presse privée indépendante au Cameroun, en créant le journal « Le Messager » en 1979. C’était au temps fort du régime du président Ahmadou Ahidjo. Durant ces trois dernières décennies, il s’est battu, en donnant de sa personne pour que la liberté d’expression devienne une réalité au Cameroun. J’ai entendu parler de Pius N’jawé pour la première fois à la fin de l’année 1997. Il venait d’être emprisonné juste pour avoir voulu faire son travail. Il passera 10 mois en prison et, en 30 ans de combat, il fut arrêté plus d’une centaine de fois. La seule rencontre que j’ai eue avec lui a été virtuelle. Le 27 avril dernier, sur les ondes d’Africa N°1 la radio africaine, nous avons débattu autour du bilan de la presse africaine après 50 ans d’indépendance de 17 pays d’Afrique francophone. Et, une fois encore, il est resté égal à lui-même, comme il l’a toujours été. Dans notre vie au quotidien, nous rencontrons plusieurs types de personnes ; ce constat se transpose également dans la corporation des journalistes. Il y a des brebis galeuses, mais également des personnes qui aiment véritablement le métier et qui l’exercent avec passion. De loin, il faisait partie de cette deuxième catégorie. Pius N’jawé était conscient du rôle d’une presse libre et indépendante dans le processus démocratique d’un pays. Pius était aussi un modèle de courage et d’abnégation. Son parcours en est un exemple. Lui qui a créé « Le Messager » alors qu’il n’avait que 22 ans. Il aura été lui-même le messager, celui de l’exemple à suivre. Les différentes distinctions qu’il a reçues témoignent de la reconnaissance de son travail. Même des caciques du pouvoir camerounais, qui l’ont combattu durant toutes ces années, ont salué sa mémoire. D’aucuns diront que c’est de bon ton de faire l’éloge d’une personne qui vient de mourir. Mais, les 30 ans de combat de Pius N’jawé justifient pleinement le déluge des hommages qui sont rendus à sa personne. Quelqu’un a dit que « la valeur d’une vie ne repose point dans le nombre de ces jours, mais dans l’usage qu’on en a fait ». Et, à Marcel Beliveau d’aller dans le même sens en disant : « Eh oui, vous êtes mort et on va vous enterrer. Que va-t-on retenir ? La façon dont vous êtes mort ou la façon dont vous avez vécu ? » J’opte pour la seconde possibilité et, c’est ce que je garde de mon doyen et confrère Pius N’jawé.
Bernado Houenoussi
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