mardi 15 mai 2012

L’entrepreneuriat au Bénin (2)


Auto-emploi au Bénin


Judes Fagbémi, une expérience édifiante


Le milieu entrepreneurial, dans notre pays, suscite aussi bien un grand engouement que la crainte de ne pas y réussir. Mais, Judes Fagbémi, Directeur général de la Société Nora Services International, témoigne humblement d’une expérience pleine d’enseignements, dans le secteur de la prise en charge de soi.


Le Mutateur : M. Judes Fagbémi, vous êtes le jeune Directeur Général de la Société Nora Services International. Pouvez-vous nous parler des domaines d’intervention par excellence de votre Entreprise ?

Judes Fagbémi : Nora Services International est une Société Commissionnaire agréée en Douane, donc chargée de l’enlèvement des marchandises au Port de Cotonou et au niveau des frontières. C’est aussi une Société de transport de marchandises et de personnes. Nous intervenons aussi dans le Btp : nous fabriquons et nous vendons des matériaux de construction, en l’occurrence, des briques, et toutes sortes de préfabriqués pour la construction des bâtiments.


Qui sont donc principalement vos clients ?

Comme vous le savez, nous sommes à côté du géant Nigeria. Donc, nos clients, en matière d’enlèvement des marchandises, sont principalement les Nigérians mais, aussi, quelques importateurs et des opérateurs économiques nationaux. En outre, notre Service ’’Transport’’ se charge de livrer les marchandises aux magasins des importateurs au Bénin et au Nigeria.
Dans le volet ’’Btp’’, nous avons affaire très souvent à des entrepreneurs, et même à des privés, pour la réalisation de leurs ouvrages, de leur maison, notamment. Nous fournissons aussi des matériaux de construction, pour la réalisation des bordures de voies ; nous fournissons aussi des pavés et des briques pour les grands chantiers.


Vous avez donc réussi à ériger une entreprise très importante ! Combien d’années cela vous a-t-il pris pour construire une société avec autant d’activités stratégiques ?

Nous l’avons érigée en peu de temps. C’est une entreprise née en 2006 ; nous avons un peu plus de cinq ans d’expériences maintenant et nous sommes en train de faire notre petit bonhomme de chemin ; nous ne sommes pas encore satisfaits de nos performances. C’est pourquoi, nous travaillons tous les jours pour que nos clients soient beaucoup plus satisfaits.


Il n’est pas aussi facile de réaliser un tel parcours en près de six ans. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confronté durant votre évolution ?

L’expérience dont je disposais avant de créer l’entreprise m’a beaucoup aidé ; j’avais une certaine expérience professionnelle en matière d’enlèvement des marchandises et aussi en Btp, puisqu’il fut un temps où j’ai suivi beaucoup de chantiers. Donc, toutes ces expériences m’ont aidé à ériger cette entreprise.
En termes de difficultés, je crois que la plus grande que j’aie connue concerne le financement des activités.
Celle qu’on ne devrait pas avoir mais que j’ai aussi eue, et que je continue même d’avoir, c’est la déception de certaines attentes placées en des collaborateurs ; j’ai été sérieusement touché, blessé dans mon amour-propre, des fois, face à la déception que m’ont infligée certains collaborateurs, des gens en qui j’ai placé toute ma confiance, qui étaient très compétents pour le travail mais qui n’ont pas pu honorer la confiance placée en eux.


Comment réussissez-vous à surmonter ce genre de difficultés ?

Un entrepreneur doit se mettre dans la tête qu’il pourrait être confronté à des difficultés et, que, lorsqu’elles surviennent, elles ne seront certainement pas assez énormes pour empêcher de continuer le combat.
Donc, ces difficultés, je leur fais face de façon quotidienne ; je les règle au jour le jour et je continue mon chemin. Mais, ceci étant dit, cela ne leur met pas fin. Une fois qu’un problème est réglé, c’est un autre qui apparaît à l’horizon ; nous avons compris, avec le temps, que chaque jour a son défi auquel il faut faire face et qu’il faut régler. « La vie est un combat », comme on le dit. Nous continuons le nôtre et, par la grâce de Dieu, nous arriverons à nous en sortir.


Dans l’environnement où vous travaillez, on sent beaucoup la présence de l’aigle ; on a l’impression que c’est un oiseau qui vous inspire beaucoup, qui représente quelque chose de très important pour vous …

L’aigle, ce n’est un secret pour personne, est, dans le monde des oiseaux, ce que le lion est dans la jungle ; l’aigle est le roi des airs ! Il est un oiseau très puissant, très persévérant, qui a une vue très perçante.
Nous voyons que si nous avons les qualités dont le Créateur a su faire bénéficier cet oiseau, nous pourrons faire des choses merveilleuses. C’est pourquoi, nous avons choisi, comme symbole, cet oiseau.
Ces images que vous voyez dans mon bureau, c’est juste pour me rappeler ce à quoi je dois ressembler. Chaque fois que, face à un problème, je tourne mes yeux et que je retrouve ces symboles dans mon bureau, je me dis que je dois tenir ferme, que je dois avoir de la vision, et que je suis assez fort pour régler le problème. Ce n’est pas moi qui le dis ; je me suis inspiré de la Parole de Dieu, dans Esaïe 40 au verset 31, qui affirme que, « ceux qui comptent sur l’Eternel renouvellent leur force », qu’ « ils prennent leur envol comme les aigles » et qu’« ils marchent en avant et ne se lassent pas ».
Donc, il faut dire que, l’aigle, pour moi, n’est qu’un symbole, sinon, c’est en l’Eternel, Dieu d’Israël que, moi, j’ai placé ma confiance et, jusqu’à présent, je suis convaincu que Dieu ne déçoit jamais, car il ne m’a jamais déçu.


Nous notons en vous les avantages de six années d’exercice dans l’entrepreneuriat. Quelles sont les leçons fondamentales que vous tirez de votre expérience de jeune homme d’affaires et que vous pouvez partager avec nos lecteurs ?

Nous savons, à la suite de ces six années passées dans l’entrepreneuriat, que      l’homme est capable de beaucoup d’exploits. Quand certaines difficultés apparaissent, on se trouve parfois trop petit face à elles, mais, quand on persévère et qu’on a confiance en soi, on arrive à prendre de la hauteur face à ces difficultés. Donc, les grandes leçons que, moi, j’ai tirées, c’est qu’il n’y a pas d’impossible dans la vie, l’homme a un pouvoir vraiment inqualifiable, très grand. Je voudrais dire aux chers lecteurs que rien ne leur est impossible avec Dieu.


A travers vos développements, on constate que Dieu a une grande place dans la bonne marche de vos activités …

Je disais tantôt que l’homme est capable de beaucoup de choses. Rien n’est d’ailleurs impossible à l’homme parce que, justement, à mon entendement, c’est Dieu qui a placé ce pouvoir en l’homme ; c’est lui qui lui a accordé cette confiance. C’est pourquoi, je ne fais rien sans Dieu.
Nous savons que, le monde, ce n’est pas nous qui l’avons créé, c’est Dieu qui l’a créé et je crois fermement en Lui. Par ailleurs, beaucoup de circonstances interviennent aussi dans la vie et, la parole de Dieu dit, dans Ecclésiastes 9 :11, que, dans la vie, la course n’est pas au plus agile et que la victoire n’est pas forcément à ceux qui sont vaillants ni la richesse aux plus intelligents mais, que, tout dépend, pour eux aussi, des circonstances et du temps.
Nous, nous comptons beaucoup sur Dieu pour que toute la créature  – le vent, les temps, les hommes - se mette en notre faveur. Cela, c’est Dieu qui peut le faire. Nous, nous devons jouer notre partition et, il y a des circonstances qui ne dépendent pas de nous forcément ; nous devons avoir confiance en Dieu, le consulter, l’appeler souvent pour qu’il puisse intimer l’ordre à toute la créature de nous accompagner dans notre lancée.


Que diriez-vous alors aux jeunes, porteurs de projets d’entreprise, qui attendent désespérément un capital et qui ne peuvent pas ainsi lancer leur affaire ? Quels conseils avez-vous à leur donner ? Quel est le secret pour partir de rien et aboutir à une affaire très sérieuse, très porteuse, très prospère ?

A tous les jeunes qui sont porteurs d’un projet, je dirai que le premier capital, c’est l’entrepreneur lui-même ; il faut que l’entrepreneur sache qu’il est le premier capital, il peut toujours faire quelque chose pour trouver de l’argent. On peut partir d’un rien du tout mais, l’essentiel, c’est de commencer par quelque chose, c’est de ne pas dire forcément qu’on doit d’abord avoir des millions avant d’entreprendre ou de monter quoi que ce soit.
Mais, avec très peu de choses que vous avez, c’est-à-dire un bagage intellectuel, vous-même, la force de vos mains, commencez par faire quelque chose, n’importe quoi pour gagner quelque chose, parce que Dieu a dit qu’il bénira l’ouvrage des mains ; si celles-ci ne font rien, vous n’aurez pas alors de bénédictions.
Si vous faites quelque chose, quel que soit ce que vous tirez de cette activité, si ce sont des cours de maison, par exemple, même un travail d’aide-maçon, même si vous êtes balayeur de rue, comme dans le message de Martin Luther King, l’essentiel, c’est que vous fassiez quelque chose et que vous invoquiez la bénédiction divine sur cela ; peu devient beaucoup quand Dieu s’en mêle : quand vous faites déjà quelque chose et que Dieu bénit cela, même si vous êtes vendeur d’eau, vous verrez qu’avec le peu que vous gagnez, Dieu peut vous aider et que vous pourrez faire de très grandes choses. Voilà ce que je peux dire à mes jeunes frères entrepreneurs, à tous ceux qui sont porteurs d’un projet.
Il ne faut donc pas dire qu’il faut d’abord mobiliser des millions ou qu’il faut forcément emprunter de l’argent avant de commencer son activité entrepreneuriale. Donc, à l’aide de ce que vous gagnez, vous pouvez commencer par ce qui est à votre portée et, petit-à-petit, évoluer !
Comme ça, si vous êtes ’’zémidjan’’ aujourd’hui, pensez à comment faire pour prendre votre permis et conduire un taxi ; si vous montez dans le taxi aujourd’hui, commencez à penser à comment faire pour peut-être acheter un bus, si vous montez dans le bus, commencez à penser à comment faire pour devenir entrepreneur de transport, et recruter des chauffeurs qui vont conduire désormais.
Je pense que, l’essentiel, c’est de commencer, c’est le premier pas qui est difficile mais, dès que vous le posez, ça suit, quand vous implorez la grâce divine.
Aujourd’hui, il y a aussi une structure qui fait un travail merveilleux à l’endroit des jeunes entrepreneurs ; il s’agit de la Fédération des jeunes chefs d’entreprise du Bénin (Fejec-Bénin).


Que diriez-vous aux entrepreneurs qui préfèrent rester dans l’informel, de peur de payer des impôts à l’Etat ?

A ce niveau, il revient à l’Etat d’accompagner les entrepreneurs. La mesure qui accordait un délai de grâce aux jeunes entreprises n’est plus appliquée, depuis un certain temps. L’impôt est le fantôme qui fait peur à tous les opérateurs économiques, actuellement. Certains ne réussissent pas parce qu’ils sont obligés de vendre leurs produits sous le manteau ; il y en a même qui arrivent à se faire prendre par les Impôts et qui subissent des redressements, ce qui les pousse à déposer le bilan : je ne souhaite pas cette fin tragique-là aux entrepreneurs. Il vaut mieux pour eux de payer que de fermer, même si cela est difficile. A l’Etat, je demanderais de revoir la politique fiscale, de manière à encourager les entreprises privées, car trop d’impôt tue l’impôt.


Selon vous, quels sont les avantages, aujourd’hui, qu’il y a à se mettre à son propre compte, plutôt qu’à chercher un emploi salarié ?

Je pense que les deux se valent ; il faut remercier Dieu et prendre soin de son travail. Que nous soyons patron d’une entreprise ou employé, je pense que nous devons être conscients du rôle que nous avons à jouer ; un entrepreneur ne peut rien faire seul, il doit travailler avec des employés. De même, un employé ne peut rien faire seul, il doit travailler avec un gérant. Les deux parties se complètent et l’une n’a pas forcément plus d’avantages que l’autre, mais les deux ont des responsabilités ; quand on joue bien son rôle et qu’on respecte bien ses engagements, on arrive quand même à s’en sortir, que l’on soit employé ou employeur.


Aujourd’hui, beaucoup de jeunes, en quête du gain facile et immédiat, s’investissent dans la cybercriminalité. Quels conseils pouvez-vous leur prodiguer ?

La cybercriminalité est le mal du siècle ; nos jeunes frères et, même des personnes plus âgées, s’adonnent à cela, parce qu’ils gagnent de l’argent, sans transpirer. Il y a un vieux dicton qui dit que « le bien mal acquis ne profite jamais ». Et, si ce dicton existe depuis la nuit des temps et continue de l’être, c’est qu’il est vrai. Nous constatons que ces gens finissent mal ; une chose est sûre : si vous faites quelque chose d’illégal, tôt ou tard, cela finira par vous rattraper.
Donc, à ces jeunes, je demande de rapidement changer de chemin, de croire en leurs capacités physiques et intellectuelles, de commencer n’importe quelle autre activité, d’implorer la grâce de Dieu ; ils pourront faire leur chemin et même s’enrichir, de façon honnête, au lieu de chercher à s’enrichir sur le dos d’autres personnes ou bien de penser à exploiter la sueur des autres, puisque ceux qui sont escroqués ont travaillé dur pour gagner ce qu’ils leur prennent. S’ils pensent qu’ils peuvent les gruger impunément, c’est impossible, parce que, si vous échappez à la justice des hommes, vous ne pouvez pas échapper à celle de Dieu ; nous voyons d’ailleurs la fin de certains, tristement célèbres, qui ont excellé dans ce genre de business. Donc, les jeunes n’ont qu’à prendre exemple sur leurs aînés qui ont mal fini, et qu’ils sachent que, s’ils continuent sur cette voie, ce serait à leur ruine. Au lieu de chercher à persévérer sur cette mauvaise voie, plusieurs portes leur sont ouvertes pour qu’ils changent de chemin ; le seul fait de chercher à arrêter cette activité est déjà une victoire en eux et une prédisposition à la réussite. Qu’ils le comprennent comme cela et tout ira bien. Qu’ils se rapprochent de la Structure que j’ai évoquée plus haut – la Fejec-Bénin – qui les aidera certainement.


Avez-vous des Vœux à formuler à nos lecteurs ?

Je remercie les lecteurs pour leur soutien au Journal ’’Le Mutateur’’ et aux organes de presse de notre pays. Je remercie aussi les Béninois pour leur caractère pacifique, parce que ce n’est pas facile, dans cette atmosphère de crise économique et de laïcité religieuse. Je voudrais leur demander de beaucoup prier pour ce pays, parce que nous comptons beaucoup sur notre paix, alors qu’il y a d’autres maux qui minent le pays, notamment, la misère qui est grandissante ; nos autorités prennent des mesures qui, pour le moment, ne réussissent pas et, nous devons les soutenir.
Je vais demander à mes concitoyens de prier pour notre pays, afin que la main puissante du Tout-puissant puisse continuer à reposer sur lui, et de prier aussi pour que la crainte de Dieu anime les autorités, étant donné que, quand on a la responsabilité de gérer la chose de l’Etat, il faut avoir la crainte de Dieu. 
Que Dieu insère sa crainte dans leur cœur, que Dieu les soutienne. Je voudrais inviter tout le peuple béninois et tous vos lecteurs à la prière pour ce pays.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo           

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