mardi 15 mai 2012

L’entrepreneuriat au Bénin (1)


Profession 

 
Le métier de Transitaire


A un moment où le Programme de vérification des importations (Pvi) bat son plein et que le métier de Transitaire semble voué à la déconfiture, Judes Fagbémi, qui émane de cette profession, révèle, à travers cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, des stratégies utiles pour s’y intégrer et gagner sa vie … 


Le Mutateur : M. Fagbémi, votre profession de base est celle de Transitaire. En quoi consiste ce métier ? Où l’exerce-t-on ? Dans quel secteur a-t-on besoin de ce type de professionnel ?

Judes Fagbémi : Le métier de Transitaire regroupe beaucoup d’acteurs. Il consiste à aider les importateurs de marchandises ou les propriétaires de n’importe quel type de marchandises (des effets personnels comme des marchandises à commercialiser), à payer les droits et taxes concernant celles-ci, pour les enlever, soit du port, soit au niveau des frontières terrestres ou aériennes, pour leurs magasins ou leur domicile.
Donc, c’est un métier qui regroupe les mandataires des propriétaires de marchandises ; ils peuvent être agréés ou non. Comme c’est le propriétaire des marchandises, qui leur donne mandat de suivre celles-ci, on peut déjà appeler ces mandataires des transitaires.
Dans le groupe des transitaires, on peut rencontrer aussi des commissionnaires de transport, ceux-là qui négocient le transport des marchandises ; eux aussi peuvent être agréés ou non. Dans le second cas, ils sont obligés de travailler avec des commissionnaires agréés et, là, ils négocient les contrats de transport. Ces commissionnaires agréés en Douane sont comptés parmi les transitaires ; ce sont les commissionnaires agréés en Douane qui sont vraiment au cœur de l’activité, puisque ceux-ci sont reconnus par l’Administration douanière. Et, c’est eux seuls qui sont habilités à déposer la déclaration en détails des marchandises, au niveau des postes de Douane, pour l’acquittement des droits et taxes, la rupture des charges, au vu de l’enlèvement.
En bref, le mot ’’transitaire’’ regroupe un ensemble d’acteurs exerçant, soit au niveau des ports, soit au niveau des frontières terrestres, aériennes et maritimes.


Comment arrive-t-on au métier de Transitaire ? Quelles sont les formations académiques ou professionnelles qu’il faut suivre ? Et, cela doit durer combien d’années ?

Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, le métier de Transitaire n’est pas accessible à tous ; si vous voulez être professionnel dans le Transit, vous êtes obligé de suivre des formations professionnelles. Mais, ce qui se constate, c’est que, les enseignements professionnels, dans ce domaine, n’étaient pas développés dans notre pays, alors que le besoin était présent, vu la position de notre pays par rapport au Nigeria, ce qui justifie le grand nombre d’acteurs non professionnels qu’on voit aujourd’hui dans le domaine.
En effet, dans les années 1990, les Nigérians avaient envoyé leurs marchandises et, face aux difficultés qu’ils avaient à rencontrer des professionnels, ils ont confié ces marchandises à des gens qu’ils ont rencontrés sur le terrain, c’est-à-dire à des Béninois qu’ils rencontraient aux abords du Port. C’est ainsi que plusieurs personnes sont entrées dans le secteur, sans être professionnels, sans formation.       
Mais, il n’en demeure pas moins vrai que le métier de Transitaire est noble. Et, avant de l’exercer, on devait suivre une formation professionnelle.
Aujourd’hui, nous avons constaté qu’il y a assez d’écoles de formation ; elles acceptent des gens des niveaux Cep et Bepc. Au bout de leur formation, il leur est délivré des diplômes d’enleveurs, de secrétaires de Transit, d’opérateurs ou opératrices de saisie, de commis et de collaborateurs de toutes sortes, dans la profession de Transit.
Mais, le métier de Transitaire s’apprend aussi à l’université. Au niveau supérieur, il y a la filière ’’Transport et logistique’’ dans laquelle il y a une unité d’enseignement qu’on appelle ’’Le Transit’’. A ce niveau, on est formé par rapport à tout ce qui concerne l’enlèvement des marchandises, les formalités douanières, le droit commercial, les incoterms et tout ce qui concerne le commerce international, la rupture des charges, les activités d’enlèvement des marchandises, entre autres.
Ce que je voudrais dire par là est que, le Transitaire peut se faire former dans les écoles professionnelles. Dans ce cas, il n’est pas d’un grand niveau et ne peut pas accéder aux hautes fonctions du métier.
Mais, il peut aussi se faire former dans les écoles supérieures, c’est-à-dire, après le Bac. Là, il a un niveau beaucoup plus élevé et peut occuper des fonctions relatives à des postes de responsabilités en matière d’enlèvement des marchandises.


Combien d’années faut-il pour chacun de ces deux niveaux de formation ?

Concernant les écoles professionnelles, pour le Cep ou le Bepc, souvent, les apprenants font 9 mois, pour obtenir un diplôme. C’est une formation professionnelle comme en Secrétariat ou en Informatique.
Mais, au niveau supérieur, c’est plus important, parce que, si vous avez une Licence professionnelle en ’’Transport et Logistique’’, cela fait un Bac+3. Vous n’êtes pas au bout de votre formation : dans un système LMD, vous pouvez faire un Master dans la même filière, ce qui fait un Bac+5. Là, vous devenez un professionnel, spécialiste des questions d’enlèvement de marchandises au niveau de toutes les frontières, vous faites le Droit maritime, le Droit commercial, en bref, tous les Droits relatifs au Transport et à l’enlèvement des marchandises ; vous êtes vraiment un spécialiste dans le domaine. A ces niveaux-là, vous êtes un cadre supérieur de Transit.  


Dès que l’apprenant en formation acquiert son diplôme, qui doit-il voir ? Quelles structures doit-il contacter pour s’insérer dans le monde de l’emploi ? Lui faut-il des stages en entreprise, bénévoles ou payants ? Comment peut-i trouver un emploi, surtout s’il n’a pas des relations bien placées ?

Nous ne parlerons pas de relations bien placées. L’étudiant en fin de formation peut directement envoyer des demandes de stage, puisqu’après la formation théorique, il faut des stages pratiques sur le terrain. Donc, il peut envoyer des demandes de stage au niveau des sociétés de Transit, des sociétés de manutention, des agents maritimes, qui sont nombreux sur la place, à Cotonou. Il y a aussi toute société qui intervient dans le domaine portuaire, celles de Transport, de Logistique, et des sociétés particulières comme Bénin Control, la Ségub, etc.
Donc, celui qui finit une formation académique doit envoyer des demandes de stage au niveau de ces structures ; il y en a des centaines  qui peuvent recevoir des stagiaires. Si la personne en fin de formation envoie une demande de stage bénévole, c’est sûr qu’elle trouvera une entreprise où elle va approfondir ses connaissances ; le stage pratique est indispensable pour que celle-ci puisse accéder à un emploi rémunéré.
Ce que je peux ajouter, c’est que, si cette personne suit une formation au niveau supérieur, les stages pratiques sont souvent obligatoires avant la soutenance. Là, si le concerné fait son stage pratique et qu’après, il va déposer son Mémoire bien apprécié auprès des entreprises, rapidement, il est recruté.
A l’heure actuelle, il y a des écoles, des universités qui enseignent le Transit et, le constat est que, le besoin est très très important dans ce secteur d’activités ; les étudiants en fin de formation n’y chôment pas souvent. Ceux qui ont fait la filière ’’Transport et Logistique’’, au niveau supérieur, arrivent toujours à décrocher un emploi, parce que le besoin est très important ; c’est une filière qui n’existait pas dans notre pays. Depuis quelques années, la filière est là, de même que le besoin. Donc, le taux de chômage est quasi inexistant dans ce secteur.


Quel est le secret pour être un bon professionnel du Transit ?

Le secret pour être un bon professionnel du Transit est le même au niveau de tous les autres métiers : il faut avoir l’amour du travail bien fait, puisque, c’est un métier qui requiert beaucoup d’engagement ; vous n’avez pas une heure fixe de service, vous travaillez à tout moment, il arrive que les opérations se fassent au Port, 24 heures sur 24. Ainsi, lorsque vous avez l’amour du travail bien fait, vous vous engagez, vous faites un travail irréprochable. Là, vous avez des chances de réussir puisque le besoin existe : avec le Nigeria qui fait 200 millions d’habitants environ, la majeure partie de ceux qui sont actifs s’intéressent à l’industrie ; le secteur du service n’est pas celui qui intéresse la majeure partie de la population active au Nigeria. Nous, ici, nous bénéficions de ce déficit  là-bas. Ainsi, plusieurs Nigérians envoient leurs marchandises au Port de Cotonou et dans les ports de la sous-région.
Si le nouveau recruté peut donc s’adonner au travail et faire le maximum d’efforts pour que le client soit satisfait, il a beaucoup de chances de réussir. Au bout du rouleau, il constate de lui-même qu’il est déjà au-dessus de ses besoins.
Mais, s’il a la folie des grandeurs, l’ambition de s’enrichir vite, il risque d’échouer. Si, au contraire, il pense à comment faire pour que le client soit satisfait, qu’il s’adonne au travail et qu’il fait tout, qu’il se plie en quatre pour que son travail réussisse, il constatera qu’il est au-dessus de ses besoins, alors qu’au départ, ce n’est pas cela qui était son objectif premier ; c’était plutôt celui de réussir à satisfaire la clientèle.

 
Avec les réformes portuaires, avec le Pvi, les informations qui nous parviennent permettent de voir que le métier de Transitaire ne serait plus aussi rentable que par le passé …

Je pense que le Pvi ne diminue pas les intérêts des transitaires. Le transitaire qui est professionnel a ses honoraires sur chaque marchandise à lui confiée. Ces honoraires sont calculés par rapport à la valeur de la marchandise. Donc, le Pvi et les réformes n’hypothèquent en rien les intérêts des transitaires. Ce qui est remarqué, c’est qu’il y avait assez de possibilités de négociation et, au bout de ces négociations, il arrivait que certains transitaires gagnent beaucoup plus qu’ils ne devraient et, leur importateur aussi.
Mais, avec le Pvi et l’informatisation de tout le système, les possibilités de négociation sont moindres et cela justifie le fait que certains pensent que leurs intérêts ne soient plus ce qu’ils devraient être. Mais, si vous êtes professionnel et que vous calculez vos honoraires de façon normale, il n’y a pas d’hypothèque au niveau de vos intérêts.


Du simple transitaire au Directeur d’une Société commissionnaire agréée en Douane, quelles sont les qualités que vous pensez avoir développées pour devenir celui que vous êtes aujourd’hui ?

Je ne peux parler de moi-même ; je laisse le soin aux autres de me juger. Mais, je me connais aussi et je sais que je ne recherche pas, en premier lieu, le gain ou l’intérêt. Si j’ai, par exemple, une marchandise à livrer et que je n’arrive pas à le faire, je ne dors pas, je me bats de toutes mes forces pour que cette marchandise soit livrée à temps puisque, dans notre secteur d’activités, la réussite se mesure à la rapidité de la livraison et au coût réduit des charges.
Donc, si je n’arrive pas à livrer le plus rapidement possible les marchandises qui me sont confiées, je ne me laisse pas de répit ; je n’hésite pas à descendre sur le terrain pour booster mes collaborateurs, afin d’éviter les faux frais et de faire accélérer les formalités. Nous demeurons dans cette ligne de conduite et, quand le client n’est pas satisfait ou, quand nous avons des marchandises à enlever, nous oublions d’abord nos intérêts et nous donnons tout ce que nous avons pour que ces marchandises soient livrées à temps. C’est ce que je recommande à tous mes collègues et à tous ceux qui sont actifs, même dans d’autres secteurs d’activités. Que l’amour du travail bien fait soit leur credo et, je pense que tout le reste viendra. 


Avez-vous un mot de fin pour un jeune qui vient de finir ses études en Transit et qui va s’engager dans une vie professionnelle ? Avez-vous un conseil à lui donner ?

Celui qui vient de finir ses études en Transit, je lui recommande d’envoyer une demande de stage aux sociétés de la place ; il sera certainement appelé. Lors de ce stage, il doit faire preuve d’assiduité, de respect, d’amour du travail et, quand ces qualités sont réunies chez un stagiaire, il a beaucoup plus de chances d’être retenu par la Société ou d’être recommandé par celle-ci à une autre qui est dans le besoin.
Donc, que ceux qui ont suivi une formation professionnelle ne croisent pas les bras et qu’ils n’envoient pas directement des demandes d’emploi aux entreprises, qu’ils recherchent d’abord des stages. Je demanderais à ceux qui ont le Bac ou le niveau de la classe Terminale et qui ont suivi une formation professionnelle en Transit, dans les écoles, de chercher à faire des études supérieures dans ce domaine, puisque, aujourd’hui, le besoin pour ce genre de profil est énorme ; je pense que, dans notre secteur d’activités, si vous faites des études supérieures, vous avez beaucoup plus de chances d’être recruté.

Propos recueillis par Marcel Kpogodo      
  


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