Dans le cadre d’un
entretien avec le Directeur du Fitheb
En attendant la 14ème
édition du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), prévue pour
mars 2018, l’institution fonctionne. C’est ainsi que depuis le mardi 16 mai
2017, une programmation d’une durée de
deux semaines, est en exercice, ayant permis le déroulement d’un certain de représentations
théâtrales, sous le couvert de ''Tous au Fitheb''. Elles s’effectuent en milieu d’après-midi, les mardi, mercredi et
jeudi, jusqu’à la fin du mois de mai et, gratuitement, pour tout public. Erick-Hector
Hounkpê, Directeur du Fitheb, explique, à travers la présente interview, les contours d’une opération à la fois inédite et ambitieuse.
Erick-Hector Hounkpê, Directeur du Fitheb |
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour à vous, Erick-Hector Hounkpê. Vous êtes le Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb). A la clôture de la 13ème édition du Fitheb, qui a eu lieu du 23 au 31 mars 2016, vous avez initié trois activités : le Fitheb migratoire, le Fitheb des enfants et l’activité ’’Tous au Fitheb’’. Et, récemment, dans le cadre de cette dernière manifestation, vous avez rendu publique une programmation qui s’exerce depuis le mardi 16 mai 2017. Pouvez-vous en expliquer les tenants et les aboutissants à nos lecteurs ?
Erick-Hector
Hounkpê :
En fait, ’’Tous au Fitheb’’, c’est un des projets, un des programmes du Fitheb,
une des innovations dont les objectifs sont, entre autres, d’animer les salles
Fitheb, qui sont des salles qui existent. Il s’agit de les animer avec des
programmations théâtrales, d’offrir aux praticiens et aux professionnels du
théâtre, gracieusement, les salles pour qu’ils viennent faire des
programmations et qu’ils jouent, de mettre sur la place publique leurs
créations et, donc, de soulever, progressivement, un marché et de nouvelles
habitudes.
En effet, nous avons le
rêve de faire en sorte que cet espace soit, toute l’année, fréquenté, que nous
n’attendions pas le moment du Festival, les deux semaines que cela va durer,
pour déployer d’énormes efforts à mobiliser le public. Et, donc, ’’Tous au
Fitheb’’ fait partie des stratégies de médiation culturelle de mobilisation par
avance et, par nouvelles habitudes, d’un public qui fréquente les espaces
Fitheb, parce que, quand vous disposez d’un événement comme le Festival
international de théâtre du Bénin, vous avez une équation fondamentale à
résoudre, c’est le public.
Moi, j’ai décidé qu’il
n’y ait plus que le public saisonnier, mais qu’il y ait aussi un public
pérenne, comme cela se fait partout, dans des pays où des activités connexes se
déploient autour des espaces culturels et, après, ces espaces culturels qui ont
l’habitude de fédérer du monde, reçoivent des programmations du Festival et,
donc, ce sont là les divers objectifs que nous visions et que nous continuons
de viser, en mettant en mouvement ’’Tous au Fitheb’’, ce qui va, je l’espère,
au plan professionnel, remettre ou maintenir une activité théâtrale forte et
permettre à nos créateurs locaux d’être aguerris pour mieux affronter, pas la
compétition, mais le ’’marché Fitheb’’.
Pouvez-vous
nous décrire un peu la logistique de ’’Tous au Fitheb’’ ?
D’abord, je précise le
concept : c’est de déployer, mardi, mercredi et jeudi, dès les 17h, dans
les salles Fitheb, des programmations professionnelles adéquates ou
semi-professionnelles de théâtre. Nous l’avons expérimenté déjà, pendant les
vacances scolaires dernières, sur quelques semaines ; on en a tiré leçon. Nous
l’avons remis, dès avril de cette année et, cela a commencé avec la Semaine du
théâtre béninois (Stb), du 8 au 15. Et, maintenant, nous sommes entrés dans la
phase active et, du coup, cela signifie que ’’Tous au Fitheb’’ va être sur
toute l’année. Et, les entrées sont gratuites, pour le moment, parce que, je le
dis, c’est une démarche de médiation culturelle. Au-delà de tout, cela vise que
les gens viennent connaître nos salles, connaître qui nous sommes. Les entrées
étant gratuites, les spectacles sont gratuits et, nous en avons programmés pour
le mois de mai. Cela a démarré depuis le 16 pour une douzaine de spectacles :
’’Le kleenex qui tue’’, ’’Adjihouto’’, ’’Awa ba dé a’’, ’’Il faut jouir des
fruits de ses efforts’’, ’’Le virus de la haine’’, ’’Les intrépides’’, ainsi de
suite. Il y a beaucoup de spectacles que les publics, les personnes qui
fréquentent les environs du Fitheb et qui y viennent verront. En gros, c’est
cela : l’entrée est gratuite, dès 17h, mardi, mercredi et jeudi.
Quelqu’un m’a demandé :
« Pourquoi en semaine ? ». Je le confirme, c’est une démarche
pour changer, bousculer les habitudes et, je l’ai expliqué plusieurs fois :
nous sommes dans un milieu où il faut être très clair ; il y des types de
public qu’il faut aller séduire, il y a trois types de public, dans notre
environnement : il y a un bout de public administratif, il y a des parties
de l’administration publique et, il y a celui des sociétés privées. Il y a
également un public scolaire, celui du grand Lycée technique Coulibaly,
quelques bouts d’établissements d’enseignement supérieur privé, des écoles
primaires. Il y a, enfin, le public ’’Tout le monde’’ ; c’est une zone
commerciale, sans oublier qu’il ya des habitations : les gens vivent
encore ici ! Donc, c’est un melting pot de publics, qu’il faut essayer de
séduire et à qui donner des habitudes pour commencer par les fidéliser.
Je crois que ce sont là
des raisons qui nous ont poussés à comprendre qu’il faut rendre maintenant
permanent le ’’Tous au Fitheb’’.
D’ailleurs, des retours
sont venus de ces écoles, des gens et des artistes ; certains d’entre eux
nous gênaient déjà pour pouvoir obtenir la Salle gratuitement et faire des
générales, faire des premières, lancer leurs spectacles. Tout cela réuni, ça
nous a convaincus de rendre permanent le ’’Tous au Fitheb’’.
Cela
veut dire que ’’Tous au Fitheb’’, ce sera tous les mois de l’année 2017 ?
C’est notre souhait ;
ça sera tous les mois de l’année 2017, mardi, mercredi et jeudi et, ça sera
gratuit, jusqu’au moment où nous décidions que cela devienne payant, parce qu’il
faut aussi que nous comprenions que notre démarche, c’est d’aller séduire pour
qu’enfin les gens, ayant intégré les habitudes, commencent à nous aider en
payant, progressivement, et que le Fitheb vive.
Je dois saluer les
artistes qui ont accepté le principe, parce qu’eux aussi y participent gratis ;
ils apportent des créations, même s’ils savent que c’est une opportunité pour
eux. Si, ensemble, nous faisons le travail et que nous mobilisons et rameutons
le public, in fine, ce sont eux qui
vont gagner, puisque, quand on va entrer dans une phase où le public viendra,
prendra l’habitude et paiera, ce seront tous les créateurs qui vont gagner. Donc,
voilà : ce sera gratuit, ce sera sur toute l’année ; nous espérons
que le Seigneur nous appuiera.
Justement,
il se pose le problème des moyens dont le Fitheb dispose actuellement pour
tenir une programmation mensuelle, dans le cadre de l’événement ’’Tous au
Fitheb’’ …
C’est clair pour moi
que la question des moyens ne retarde pas ; ce n’est pas parce qu’il n’y a
pas ou qu’il y a peu de moyens que nous n’allions pas déployer un certain
nombre d’innovations ou, tout au moins, les expérimenter. Donc, les moyens ne
sont pas là, ne faisons pas la fine bouche. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai dû
prendre langue avec des créateurs en me fondant sur le besoin qu’ils
expriment, eux aussi, régulièrement, vers moi, à la recherche de la salle. L’octroi
de la salle ! C’est vrai que, souvent, ils la demandent dans le weekend
qui, pour nous, est prisé parce qu’il y a d’autres activités qui peuvent venir s’y
faire et leur apporter de l’argent. Donc, c’est en me fondant sur ces besoins
qu’ils ont exprimés que j’ai dû comprendre qu’il faut formuler le ’’Tous au
Fitheb’’ et y aller.
Les moyens, on n’en a
pas et, je suis convaincu qu’on va les avoir, au fur et à mesure. Mais, ce que je
me dis, c’est qu’ensemble nous allons construire un nouveau type de moyens et,
ils le savent. Comment vont-ils rentabiliser ? C’est en venant, c’est en
venant se faire voir, parce que, l’objectif, c’est que, ceux qui viendront, les
privés qui viendront, c’est parmi eux qu’ils prendront des contacts pour d’autres
animations culturelles.
Le Fitheb ne serait
plus là, mais le Fitheb aurait permis la rencontre entre le produit et les
acheteurs, les consommateurs potentiels. C’est une opportunité.
C’est dommage que les
moyens ne soient pas encore là mais, à travailler, nous aurons les moyens. C’est
tout ce que je peux dire et, je le redis, je l’ai déjà dit : si nous
attendons, tout le temps, les moyens, dans dix ans, nous n’aurons pas commencé.
Or, je suis convaincu qu’en commençant maintenant, peut-être qu’à la fin de l’année
prochaine, un début de moyens va venir et, au fur et à mesure, avant cinq ans,
nous aurons atteint une phase accélérée. Et, du coup, il y aura des moyens de l’Etat,
parce que nous sommes en train de demander à l’Etat de considérer cela comme un
programme du Fitheb et d’allouer un fonds d’accompagnement, pas d’achat,
réellement, mais d’accompagnement, au moins, des créateurs, de dédommagement
des créateurs.
En même temps, les
habitudes prises, ce type d’activité va générer des retours financiers dont
tout le monde profitera. A partir de cet instant, nous aurons réussi à
installer non seulement de nouvelles habitudes de consommation mais un nouveau
marché profitable pour le Fitheb, parce que je travaille pour le Fitheb qui
prend le leadership théâtral dans le pays, dans la sous-région et en Afrique.
Pour les créateurs,
rassurez-vous, d’autres espaces me font déjà des signes pour espérer entrer dans
le ’’Tous au Fitheb’’, c’est-à-dire que quand nous programmons, il faut que
nous programmions aussi, à leur endroit, des spectacles, ce qui veut dire qu’une
logique va s’installer, ’’Tous au Fitheb’’, parce que je l’avoue et, je le leur
avais annoncé : j’ai l’ambition du ’’Réseau Fitheb’’. Donc, on ne s’arrêtera
pas seulement aux Salles Fitheb.
Au fur et à mesure que
nous développerons ’’Tous au Fitheb’’, nous allons labelliser comme des salles
et des espaces que nous allons intégrer dans la route du Fitheb, dans le réseau
du Fitheb, pour que nous commencions à jouer ici et dans ces salles-là. Nous chercherons
à développer des partenariats avec d’autres centres culturels que vous connaissez,
de la place. Et, dans ce cadre, ces spectacles pourront être aussi reçus gratis
dans ces espaces-là pour qu’in fine des
choses fondamentales, nous commencions à rentabiliser le Fitheb, que nous
commencions à dynamiser la consommation sur place.
Le
Fitheb et les réformes. Qu’est-ce qu’on peut en dire, en quelques petits mots ?
C’est clair : le Fitheb
vit les réformes, puisque l’Etat déploie un certain nombre de réformes et qui intègrent
le secteur ’’Culture’’. Déjà, vous le voyez, vous devez le noter dans les
anticipations, les innovations que nous essayons d’apporter. Et, tout cela, ça
fait partie des réformes qui sont en cours.
Du
fait que le Fitheb fonctionne, on a l’impression que son édition 2018 sera plus
facile à organiser …
Rien n’est facile à
organiser, mais ça sera moins difficile. Du moins, nous l’espérons. Pourquoi ?
Parce que, de plus en plus, nous installons des activités du Fitheb, qui nous
préparent, nous aident à engranger des expériences pour pouvoir aboutir à 2018.
C’est des démarches de management et de création, qui nous permettent d’aller à
mars 2018, parce qu’en mars 2018, la 14ème édition du Fitheb aura
lieu. Donc, je ne vais pas dire que ça va être facile … Non ! Ce type d’activité,
la mener, il n’y a aucune facilité là-dedans, mais je le réaffirme et je l’espère :
ce sera moins difficile ; on a plus de commodités à offrir quelque chose d’autre,
de mieux, au public.
Est-ce
qu’on peut avoir quelques lignes d’innovation par rapport au Fitheb 2016 ?
Oui, d’autant que nous
avons le rêve de recevoir un pays hôte, un pays invité, sur le Fitheb. Jusque-là,
c’est une tradition que nous n’avons pas souvent faite ; nous voulons qu’avec
2018, le Fitheb commence à recevoir un pays invité. Tout ce que je peux vous
dire, tout le coin de voile que je vais lever, c’est que nous y travaillons … S’il
plaît à Dieu, nous aurons un pays, un grand pays invité, sur le Fitheb 2018.
Quel
est ce mot que vous avez à dire au public, pour son déplacement vers les
différentes représentations théâtrales qui ont démarré, à l’ex-Ciné Vog, depuis
le mardi 16 mai 2017 ?
C’est simplement de
dire à mes compatriotes, même si je n’ai rien à leur offrir, que j’ai cette
programmation-là ; qu’ils viennent voir et qu’ils encouragent ce que nous
faisons ; c’est parce qu’ils seront venus, c’est parce qu’ils auront vu,
qu’ils pourront nous faire des propositions pour rectifier le tir, pour ajouter
et améliorer. Je dis, je le répète, c’est gratuit, c’est gratuit. Dès que
quelqu’un a un peu de temps, qu’il glisse vers la zone commerciale de Ganhi et
qu’il fasse un tour pour voir s’il n’y a pas une programmation en cours. Il peut
aussi prendre une date, pour venir voir des spectacles.
L’autre chose, c’est
que, nos compatriotes font des choses qu’on ne valorise pas ; nos
visiteurs auront l’opportunité de voir des acteurs béninois jouer, de les voir
dans d’autres postures. Ils pourront en profiter pour acheter des spectacles
pour leurs fêtes personnelles de famille, pour nouer des contacts avec des
acteurs, avec des entrepreneurs culturels et, pouvoir les inviter dans des
manifestations officielles.
Toutes ces raisons font
que j’invite mes compatriotes à nous visiter, à venir au Fitheb, depuis le 16 jusqu’au
31 mai et, au cours des autres mois, le mardi, le mercredi et le jeudi, nous
ferons ’’Tous au Fitheb’’. Et, c’est bien clairement dit : nous voulons
que tous viennent au Fitheb et transforment le Fitheb en leur maison, transforment
le Fitheb en leur chose, car nous autres, ne pouvons pas faire le Fitheb ;
nous sommes très peu nombreux et nous avons très peu de moyens. C’est le peuple
qui porte ses arts, c’est le peuple qui porte son théâtre vers une
fructification.
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