Dans le cadre d’une interview au journal ’’Le Mutateur ’’
Résidant
en France, Imelda Bada est une activiste de la diaspora béninoise. Présidente
de l’Ong ’’Partage Diaspora béninoise’’, elle est l’initiatrice du festival,
’’Zogben’’, qui tient sa deuxième édition du 23 au 25 septembre 2022 au palais
du roi Dako-Donou, à Houawé Djotin, dans la commune de Bohicon, se situant dans
le sud-ouest du département du Zou, au Bénin. A l’occasion de l’un de ses
séjours dans son pays d’origine, Imelda Bada a donné l’opportunité à la
rédaction du bi-hebdomadaire, ’’Le Mutateur’’, d’obtenir une interview. Au
cours de cet entretien, dans un réel franc parler, elle a livré, entre autres,
sa totale désolation face à l’absence d’accompagnement de l’événement annuel
dont elle est la promotrice.
Adédoyi Imelda Bada |
Le
Mutateur : Bonjour Adédoyi Imelda Bada. En tant que Béninoise de la diaspora
vivant en France et Présidente de ’’Partage diaspora béninoise’’, vous êtes à
pied d’œuvre pour la tenue de la deuxième édition du festival ’’Zogben’’ qui
aura lieu au palais du roi Dako-Donou, à Houawé Djotin, à Bohicon, du 23 au 25
septembre 2022. En attendant que le public puisse vivre cet événement, vous
voudriez bien nous parler de sa première édition. Elle s’était déroulée à
Cotonou, la capitale économique du Bénin, du 17 au 19 Septembre 2021, à
l’époque, dans des conditions de suspension des activités culturelles à cause
de la recrudescence de la Covid-19 dans notre pays. Pensez-vous avoir atteint
les objectifs concernant la première édition du festival ’’Zogben’’ en 2021 ?
Quel impact pensez-vous avoir produit ?
Adédoyi Imelda Bada : Nous n’avons pas eu l’accompagnement escompté ; il était un peu difficile de vraiment optimiser, ce qui est, tout de même, dommage parce que ’’Zogben’’, c’est l’affaire de tous. Si nous, Béninois, accordions attention, ne serait-ce que même à 25%, à ce que nous donnons aux cultures étrangères qui viennent se produire chez nous à travers des spectacles, cela nous avantagerait tous et non ma petite personne.
Dans le cadre de cette première édition, nous avons sollicité
une grande entreprise de Gsm exerçant au Bénin, pour nous accompagner, ce qui
nous aurait permis d’optimiser, tout au moins, au niveau d’Internet, pour les
conférences en ligne. Nous aurions, alors, eu l’occasion de tout donner. Mais,
c’était un carnage !
A
l’avenir si l’on essayait tous de porter la chose commune, ce serait pour notre
bien à tous et cela nous ferait du bien. Etant donné l’objectif du festival
’’Zogben’’, il s’agit de faire aimer le patrimoine culturel par les Béninois
parce que, comme l’on le dit, « si on ne s’aime pas, on ne peut pas demander à
quelqu’un d’autre de venir nous aimer ». Donc, nous devons aimer notre culture
pour réussir à la faire valoir.
A
l’heure actuelle, nous avons envie de le faire. Pour y arriver, il faut,
d’abord, aimer cette culture. Et, pour l’aimer, il nous faut la connaitre.
C’est un pas, déjà, vers cette connaissance qui nous poussera à mieux aimer
notre culture partout où nous sommes, surtout, concernant nous qui vivons à
l’étranger.
Par exemple, pour moi qui suis à Reims, si je me comporte mal, les gens penseront que c’est de cette manière que les Béninois agissent chez eux. Donc, Il va de soi que si l’on veut promouvoir le Bénin, il faut que nous entreprenions des initiatives du genre du festival ’’Zogben’’ et qu’elles soient portées par les institutions, les entreprises, les particuliers et par tout le monde, en fait. Personne n’y sera de trop.
Quelles
avaient été les activités qui s'étaient déroulées pendant ces 3 jours de
festival, du 17 au 19 septembre 2021, pour sa première édition ?
Cette
première édition, nous avons tenu à la faire, malgré la situation sanitaire.
Il
est vrai que nous en avions juste trop formulé la base, étant donné que nous ne
pouvions pas soustraire la diaspora à cela. Nous avions prévu 25 % de virtuel
et nous en sommes passés à 100 % parce qu’on ne pouvait plus l’ouvrir au
public. Nous avons essayé de faire les activités prévues, qui ont été suivies par
nos frères et sœurs de l’extérieur.
Sur
trois jours, ils ont pu y participer activement. Pendant cette période, nous
avons tenu des ateliers sur le ’’fâ’’, sur ses dimensions de divination et de
sagesse, sur la pharmacopée. Nous avons également parcouru les 12 danses
relevant du Patrimoine culturel immatériel (Pci) et revisité l’art culinaire,
par région du Bénin.
Avec
les conférences-débats, qui ont vraiment intéressé, au cours de la première
journée, nous avons, notamment, abordé l’impact de la civilisation occidentale
sur le patrimoine culturel africain, en général, et béninois, en particulier.
Au cours de la deuxième journée, il était question de l’exploration des
religions traditionnelles ancestrales. Lors de la troisième, la transmission
inter-générationnelle était au cœur des discussions. Elle permet de préserver
notre patrimoine culturel. Nous avons pu également pratiquer l’art culinaire à
travers la visite au marché. Nous en avons profité pour toucher du doigt la
diversité des mets, à travers différentes régions du Bénin.
En
réalité, que signifie ’’Zogben’’, le nom que vous donnez au festival que vous
avez fondé et que vous déclarez « de valorisation du patrimoine culturel
immatériel béninois » ?
’’Zogben’’
signifie, en langue béninoise du ’’fongbé’’, la lampe. Pour moi, le bien et le
mal se côtoient. Même les chrétiens savent que, sans le bien, il n’y a pas le
mal, et que, sans le mal, il n’y a pas de bien. Donc, c’est à nous d’éclairer,
justement, cet espace plongé dans d’obscurité depuis tant d’années et pour en
tirer le bon côté.
En effet, si vous avez vos affaires dans un espace clos, par exemple, vous ne pouvez même pas effectuer un rangement à l’intérieur. J’aime bien un proverbe de chez nous, selon lequel « la culture est la vénération de la lumière ». On ne peut donc pas parler de culture sans lumière. ’’Zogben’’ a tout son sens. A chacun de nous, je demande de prendre la petite flamme et de la garder afin que nous puissions, vraiment, continuer à évoluer et à être nous.
Quels
sont les objectifs que vous vous êtes fixé à travers le festival ’’Zogben’’ ?
’’Zogben’’
est un festival de valorisation du Patrimoine culturel immatériel béninois.
Toutes les activités que je vous en ai indiquées précédemment font partie du
patrimoine culturel. Même l’Unesco, dans sa Convention 2003, confirme qu’après
deux générations, le patrimoine peut disparaître s’il n’est pas sauvegardé.
Donc, nous nous sommes lancée, à l’heure actuelle, dans le challenge de
revaloriser ce patrimoine. Le faire tout en vivant à l’extérieur, c’est un peu
costaud. C’est un challenge, en fait !
Nous avions tenu, pour la première édition du festival ’’Zogben’’, à l’organiser à Cotonou, en terre béninoise. Si nous voulons planter un arbre, nous devons le faire là où nous sommes pour être capables de l’étendre. Nous l’avions planté ici. Les éditions à venir seront nomades, c’est-à-dire que allons les tenir partout où se trouveront des Béninois.
Pouvez-vous
nous parler un peu de l’association que vous dirigez et sous le couvert de
laquelle vous organisez le festival ’’Zogben’’ ?
L’association
en question se dénomme ’’Partage diaspora béninoise’’. Elle a été créée dans le
but de servir de passerelle à la diaspora, en général, et aux Béninois de
l’extérieur, en particulier.
En
effet, nous avons constaté que, jour après jour, année après année, un grand
fossé se creuse entre nous qui sommes Béninois de l’extérieur et nos
compatriotes vivant au Bénin, et même avec les institutions en fonctionnement
dans le pays.
A
travers cette association, nous avons essayé de mettre en place plusieurs
activités qui nous permettent de créer, dans un premier temps, un lien avec le
Bénin malgré que nous soyons à distance et, dans un second, de le garder
fermement.
Parmi
ces activités, nous avons des cours de la langue béninoise du ’’fongbé’’, que
nous donnons en ligne. Ils sont, au fait, basiques. Nous diffusons une émission
sur les réseaux sociaux, ’’YouTube’’ et ’’Facebook’’. Il y a, aussi, ’’Nougnoin
gbassa’’ qui nous permet de nous rapprocher ; nous avons une équipe sur place,
ici, au Bénin, qui va vers des personnes détenant des connaissances
traditionnelles, pour qu’elles nous parlent du Bénin, de son histoire, de ses
proverbes, des ressources typiquement de chez nous, pour permettre aux Béninois
vivant à l’extérieur et qui ne les connaissent pas de les maîtriser, et pour
les rappeler à nos compatriotes vivant sur le territoire national.
Après
cela, il y a ’’Les pas de chez moi’’, pour la promotion des danses
traditionnelles du Bénin ; nous essayons, à travers cette initiative, de
montrer à notre public les éléments de définition de telle et de telle autre
danse. ’’La cuisine de chez moi’’, également. Par exemple, quand vous faites de la
sauce de légumes, qu’on appelle ’’man’’, chez nous, et qu’on ne trouve pas en
France le ’’gboman’’ (Un autre nom de la même sauce en langue béninoise du
’’fongbé’’, Ndlr) du Bénin, on a les épinards en boîte ou ceux surgelés. Donc,
nous arrivons à montrer qu’on peut cuisiner autrement cette sauce ; même étant
en France, on peut manger béninois.
Ensuite,
il y a le festival ’’Zogben’’ …
Quel
mot de fin avez-vous en direction du public en guise de clôture de cet
entretien ?
Mon
mot de fin serait de réitérer mon appel de cœur envers tout le monde. Le Bénin
est à nous, petits ou grands. Si, demain, nous ne voulons pas être comme des
étrangers sans identité, nous devons prendre à bras-le-corps ce qui est nôtre.
Rien n’est jamais mauvais ni bon à 100%. Tout se parfait. Essayons
d’accompagner ce qui est là et qui est bon. J’inviterais tout le monde à le
faire et à se battre pour que, nous, Béninois de l’extérieur, pussions moins
nous sentir étrangers chez nous.
Propos
recueillis par Viviane Savi
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