A travers une adresse à
la nation béninoise
Dans la journée du
mardi 2 octobre 2018, l’ancien Président de la République, le Docteur Boni
Yayi, a rendu public un message à l’attention du peuple béninois. Intégralité
du texte …
De gauche à droite, Boni Yayi et, l'un de ses prédécesseurs au pouvoir, Nicéphore Soglo |
Ma lettre à la République
Je voudrais m’adresser
à la République, à tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale
de mon cher pays.
Depuis un certain
temps, je note, au-delà des murmures, des grognes et des gémissements une
espèce de malaise généralisée, reflet de l’effet d’une arme de destruction
massive. Ce que chacun vit et pense bas est relayé par la jeunesse de notre
pays, représentative, pour que j’attire, une fois de plus, l’attention de tous,
en ma qualité d’Ancien Président de la République.
C’est le moment de
mettre fin à la politique de l’autruche. Continuer de croire à une main
invisible des politiques dans cette grogne de la jeunesse ne peut que relever
d’une irresponsabilité.
Ces gémissements de la
jeunesse, il faut les prendre au sérieux parce que cette jeunesse, comme vous
le savez et, à l’instar des autres pays de notre continent, représente, en
moyenne, près de 65% de notre population, dans sa tranche de 15 à 35 ans et,
près de 60% de la population, sans revenus et sans emplois. Avec son coefficient
élevé, la courbe de Gini sur la pauvreté s’élargit et le taux de pauvreté
s’accélère. Le Bénin s’accommode aujourd’hui d’une pauvreté plus grandissante
que par le passé, selon les statistiques des institutions internationales
crédibles. Plus grave : moins de 1 Béninois sur 3 s’offre, dans les meilleurs
des cas, 1 repas de qualité, par jour.
Où se trouve,
aujourd’hui, notre pays, avec l’Indicateur de Développement Humain (IDH) ?
Notre positionnement n’est pas encourageant ni dans la sous-région, ni dans le
continent, ni dans le monde. La meilleure source est le gémissement de tout un
Peuple qui vit cette pauvreté. La jeunesse en paie le prix.
Continuer de croire à
une main invisible de certains politiques nous éloigne de l’épicentre de notre
marche commune vers la transformation radicale, politique et socio-économique
de notre patrie commune, le Bénin.
C’est le moment de
poursuivre, mieux que par le passé, les investissements massifs et bien ciblés
dans la jeunesse et les femmes, avec la vision d’un véritable aménagement du
territoire, sur le plan national, conformément à la feuille de route de l’Union
Africaine, adoptée en 2017, sur le nécessaire dividende démographique, car la
croissance démographique, de l’ordre de 2,5 à 3,7%, est largement au-dessus du
rythme d’évolution de nos ressources.
L’implication de cette
jeunesse dans la prise de décision, la gestion politique, économique et sociale
des affaires de notre pays lèvera le doute qui l’anime et lui fait croire
qu’elle est inutile dans son pays. Par exemple, un code électoral l’excluant et
ciblé est une erreur à éviter.
Je crois à la
nécessaire mutualisation de nos efforts à améliorer la gouvernance des affaires
de notre patrie commune. Faisons l’effort de respecter nos engagements à
l’endroit du Mécanisme Africain de l’Evaluation par les Pairs (MAEP) dont le
Bénin est membre, en matière de Bonne Gouvernance. On n’en parle plus. Dommage
!
Notre capacité à
accélérer la transformation de notre système éducatif, le développement des
compétences techniques et professionnelles, la santé et notre plateau
technique, les infrastructures tels que : Energie propre, Numérique,
assainissement, routes, chemin de fer, Ports et aéroports de norme
internationale; l’autonomisation, l’emploi, et l’entrepreneuriat de notre
jeunesse, nous aideront à consolider la paix, la stabilité, la sécurité, le
développement et la prospérité partagés dans notre pays.
L’impact des chiffres
sur la croissance de nos activités économiques, publiés, ces derniers temps, ne
nous rassure guère parce qu’à l’antipode d’une paupérisation gravissime, dans
nos centres urbains, nos villes, nos campagnes, nos écoles, nos universités,
nos champs et nos marchés.
Seule une croissance
véritablement inclusive d’un développement durable se vit et apporte la joie
dans les cœurs et dissipe la haine. Nous en sommes encore loin.
Le défi de la
transition démographique et la paupérisation actuelle, symbole d’une arme de
destruction massive, nous invite à une réflexion collective.
Traquer cette jeunesse
et la destiner à des emprisonnements arbitraires, parce qu’elle dit haut ce que
chaque citoyen vit et pense bas, relève d’une politique de l’autruche à éviter.
Le fondement de toute démocratie réside dans la liberté d’expression et de
presse.
Evitons de pousser le
bouchon vers une radicalisation dans la violence qui mettra à mal notre
République.
Peut-on faire à la
République le point de l’impact de cette souffrance de la jeunesse sur la crise
migratoire dans la sous-région, les pays de transit, et peut-être la
méditerranée ? Que serait-il alors le profil futur de l’impact de cette crise
migratoire si la gouvernance actuelle devrait se poursuivre dans toutes ses
dimensions politiques, démocratiques, sécuritaires, économiques, sociales etc.
?
Les Pères Fondateurs de
ce pays, en quête d’une démocratie enrichissante, lesquels sont délégataires de
Dieu, notre Père Céleste, le plus démocrate, ne nous pardonneront pas ce virage
dangereux que nous amorçons, aujourd’hui, parce que fait d’exclusions, sur la
base de l’ethnie, du sexe, de l’âge, de tribus, de régions et de la position
sociale, etc.
Une cohésion sociale
s’impose donc pour inculquer, dans le comportement de tous, une bonne
gouvernance, l’éducation, la santé, la compétence, la formation professionnelle
et technique, l’emploi, afin de relever le défi de cette transition
démographique et écologique, motrice des Objectifs de Développement Durable.
Amorçons donc
véritablement et sincèrement l’Emergence Economique et Sociale au profit de
tout le monde dans notre pays.
Gouvernons bien,
travaillons avec l’obligation de compte rendu et partageons sur la base des
efforts car nul ne doit être abandonné sur le quai. Maintenons la solidarité
Nationale.
Que le Père Céleste
Bénisse notre Chère Patrie Commune !
Bonne Chance à Tous et,
du Courage !
Dr Thomas Boni YAYI
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