COMMUNIQUE
DE PRESSE
Comment
Zouley Sangaré pouvait-elle avoir été laissée seule ?
Clément Mèlomè a tiré
sa révérence le 17 décembre 2012, à l’âge de 67 ans et, treize jours plus tard,
c’était le tour de Grâce Dotou qui s’est éteinte, à l’âge de 70 ans, plus
précisément, le 30 décembre 2012.
Le Noyau Critique, Association de Journalistes Culturels et de Critique d'art pour le Développement |
Apparemment, ces deux
disparitions successives n’ont pas provoqué autant d’émoi que celle de Zouley
Sangaré, annoncée pour avoir eu lieu bien avant la nuit du 14 au 15 février
2013, moment de la découverte de sa dépouille.
Elle est morte dans des
conditions qui provoquent instinctivement des larmes ! Seule ! Le
téléphone à l’oreille ! Comme si, en pleine crise du voyage ultime, elle
appelait désespérément quelqu’un qui pouvait la secourir. C’est choquant !
C’est d’un tel choc que Le Noyau Critique,
Association de Journalistes Culturels et de Critiques d’art pour le
développement, se saisit pour interpeller les autorités politiques du Bénin, en
général, et celles du Ministère de la Culture, en particulier, de même que les
acteurs culturels de tous ordres, les artistes, les mécènes, les promoteurs,
les porteurs de projet, notamment, sur une urgente prise de conscience de la
précarité cachée dans laquelle vivent les artistes de notre pays et sur
l’obligation de contribuer à la prise de mesures, dans des conditions de grande
diligence, pour leur sauver la vie.
Les artistes de poids
qui portent notre quotidien avec nous, qui nous soulagent de nos peines par les
chansons, les mélodies, les morceaux dansants, les pièces de théâtre, les
poèmes, les romans, les nouvelles, les contes, les œuvres plastiques, qu’ils
produisent, ne peuvent pas continuer à se retirer de ce monde comme des moins
que des êtres humains !
Eskill Lohento, le 10
novembre 2006, dans les environs de sept heures, est parti dans les mêmes conditions
de crise que Clément Mèlomè, seulement que lui attendait le médecin chez lui
quand il s’en était allé à l’âge de 57 ans ...
Et, il suffit, sans
volonté de retourner le couteau dans la plaie, de remonter dans l’histoire très
proche, pour retrouver le décès d’un bon nombre d’artistes béninois émérites,
jeunes ou non, dans des conditions inhumaines ...
Que dire du départ de
Baba Djalla, d’Affo Love et de bien d’autres avant eux, après eux et entre
eux ?
Continuer à laisser les
choses se faire ainsi, c’est sucer le jus d’une orange, en manger patiemment
tout le contenu et en jeter la peau.
Nous nous satisfaisons
des prestations de tous ordres de nos artistes et, dès qu’il s’agit de parler
de leur état de santé, cela ne nous préoccupe plus ; après tout,
n’avons-nous pas déjà tiré d’eux ce que nous pouvions ?
Voilà une mentalité déplorable,
honteuse qui se fonde sur le sens de la non assistance à personne en
danger ! Et, après, lors de cérémonies posthumes pompeuses au Hall des Arts de
Cotonou, drapeau national sur le cercueil, c’est pour verser des larmes de
crocodiles !
Nous ne sommes pas Dieu
mais, il est évident que les Baba Djalla, les Affo Love, les Eskill Lohento,
les Grâce Dotou, les Clément Mèlomè, les Alokè, notre sœur Zouley et tant
d’autres artistes, tous domaines confondus, avant eux, seraient encore de ce
monde si l’Etat avait, tout au moins, souscrit en leur nom, une assurance-vie,
ou mis en place un processus social, sanitaire et financier simple, pouvant les
accompagner dans leur vie de tous les jours et les empêcher de faire face seuls
à leurs charges d’entretien.
Pendant que cela n’est
pas encore fait, les Baobab de Tohon Stan, de Sagbohan Danialou et bien
d’autres artistes béninois de poigne et de renom, tous secteurs confondus, sont
toujours parmi nous.
Qui sait si, d’un jour
à l’autre, les concernant, il n’y aura pas une nouvelle non plaisante qui nous
tombera à nouveau sur la tête ?
Qui sait si l’état
social ou sanitaire qui est le leur aujourd’hui peut leur permettre de vivre
pendant encore de nombreuses années ?
Ils ont beaucoup
apporté à notre épanouissement et au rayonnement culturel de notre pays et
continuent de le faire ; que le cycle de l’ingratitude de la Nation s’arrête
enfin !
Par conséquent, Le Noyau Critique en appelle à plusieurs
dispositions urgentes :
-
Que les autorités compétentes
contribuent à faire la lumière sur les tenants et les aboutissants du décès
tragique de Zouley Sangaré ;
-
Que le Ministère de la Culture, par le
biais du Fonds d’Aide à la Culture, travaille à faire fonctionner un processus
de prise en charge sociale et de suivi médical des artistes béninois, selon des
critères bien déterminés, notamment, s’il est concrètement et scientifiquement
établi leur talent incontestable, leur contribution, par la création régulière
d’œuvres de l’esprit, à la matérialisation, à la diffusion et à
l’immortalisation de la culture béninoise et de la présence du Bénin dans la
culture universelle ;
-
Que les artistes ainsi reconnus, tous
domaines confondus, bénéficient d’une visite médicale gratuite quadri-annuelle
(1 fois par trimestre), garantie et payée par l’Etat ;
-
Qu’ils puissent être traités dans nos
hôpitaux à des taux réellement préférentiels ;
-
Qu’ils bénéficient d’un accompagnement
physique, social et sécuritaire par la mise à leur disposition d’une équipe
restreinte permanente, rémunérée par l’Etat, constituée d’une infirmière de
service, d’un garde-de-corps et d’un agent de courses, ce qui permettra de ne
plus jamais assister au Bénin au tragique et à l’inacceptable du départ de
Zouley Sangaré ;
-
Que la lutte contre la piraterie soit
organisée selon une allure de sensibilisation patriotique pour que les artistes
vivent de leur art au Bénin, face au développement dans l’utilisation des
technologies de l’information et de la communication ;
-
Que les précédentes dispositions soient
protégées et pérennisées par une Loi qui sera votée en bonne et due forme par
la Représentation Nationale.
Si nous ne voulons plus
voir des artistes de notre pays subir le sort de Zouley Sangaré, il est
impérieux que, tous, nous mettions la main à la pâte, pour la concrétisation de
mesures qui tiennent nos créateurs de l’esprit hors et loin de toute situation
peu valorisante pour leur génie et leur nom.
Cotonou, le 16
février 2013
Pour Le Noyau Critique
Le Président,
Marcel
KPOGODO
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