mercredi 3 octobre 2018

« Traquer cette jeunesse et la destiner à des emprisonnements arbitraires, […] relève d’une politique de l’autruche à éviter », avertit Boni Yayi


A travers une adresse à la nation béninoise

Dans la journée du mardi 2 octobre 2018, l’ancien Président de la République, le Docteur Boni Yayi, a rendu public un message à l’attention du peuple béninois. Intégralité du texte …

De gauche à droite, Boni Yayi et, l'un de ses prédécesseurs au pouvoir, Nicéphore Soglo


Intégralité du message de Boni Yayi aux Béninois



Ma lettre à la République

Je voudrais m’adresser à la République, à tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale de mon cher pays.

Depuis un certain temps, je note, au-delà des murmures, des grognes et des gémissements une espèce de malaise généralisée, reflet de l’effet d’une arme de destruction massive. Ce que chacun vit et pense bas est relayé par la jeunesse de notre pays, représentative, pour que j’attire, une fois de plus, l’attention de tous, en ma qualité d’Ancien Président de la République.

C’est le moment de mettre fin à la politique de l’autruche. Continuer de croire à une main invisible des politiques dans cette grogne de la jeunesse ne peut que relever d’une irresponsabilité.

Ces gémissements de la jeunesse, il faut les prendre au sérieux parce que cette jeunesse, comme vous le savez et, à l’instar des autres pays de notre continent, représente, en moyenne, près de 65% de notre population, dans sa tranche de 15 à 35 ans et, près de 60% de la population, sans revenus et sans emplois. Avec son coefficient élevé, la courbe de Gini sur la pauvreté s’élargit et le taux de pauvreté s’accélère. Le Bénin s’accommode aujourd’hui d’une pauvreté plus grandissante que par le passé, selon les statistiques des institutions internationales crédibles. Plus grave : moins de 1 Béninois sur 3 s’offre, dans les meilleurs des cas, 1 repas de qualité, par jour.

Où se trouve, aujourd’hui, notre pays, avec l’Indicateur de Développement Humain (IDH) ? Notre positionnement n’est pas encourageant ni dans la sous-région, ni dans le continent, ni dans le monde. La meilleure source est le gémissement de tout un Peuple qui vit cette pauvreté. La jeunesse en paie le prix.

Continuer de croire à une main invisible de certains politiques nous éloigne de l’épicentre de notre marche commune vers la transformation radicale, politique et socio-économique de notre patrie commune, le Bénin.

C’est le moment de poursuivre, mieux que par le passé, les investissements massifs et bien ciblés dans la jeunesse et les femmes, avec la vision d’un véritable aménagement du territoire, sur le plan national, conformément à la feuille de route de l’Union Africaine, adoptée en 2017, sur le nécessaire dividende démographique, car la croissance démographique, de l’ordre de 2,5 à 3,7%, est largement au-dessus du rythme d’évolution de nos ressources.

L’implication de cette jeunesse dans la prise de décision, la gestion politique, économique et sociale des affaires de notre pays lèvera le doute qui l’anime et lui fait croire qu’elle est inutile dans son pays. Par exemple, un code électoral l’excluant et ciblé est une erreur à éviter.

Je crois à la nécessaire mutualisation de nos efforts à améliorer la gouvernance des affaires de notre patrie commune. Faisons l’effort de respecter nos engagements à l’endroit du Mécanisme Africain de l’Evaluation par les Pairs (MAEP) dont le Bénin est membre, en matière de Bonne Gouvernance. On n’en parle plus. Dommage !

Notre capacité à accélérer la transformation de notre système éducatif, le développement des compétences techniques et professionnelles, la santé et notre plateau technique, les infrastructures tels que : Energie propre, Numérique, assainissement, routes, chemin de fer, Ports et aéroports de norme internationale; l’autonomisation, l’emploi, et l’entrepreneuriat de notre jeunesse, nous aideront à consolider la paix, la stabilité, la sécurité, le développement et la prospérité partagés dans notre pays.
L’impact des chiffres sur la croissance de nos activités économiques, publiés, ces derniers temps, ne nous rassure guère parce qu’à l’antipode d’une paupérisation gravissime, dans nos centres urbains, nos villes, nos campagnes, nos écoles, nos universités, nos champs et nos marchés.

Seule une croissance véritablement inclusive d’un développement durable se vit et apporte la joie dans les cœurs et dissipe la haine. Nous en sommes encore loin.

Le défi de la transition démographique et la paupérisation actuelle, symbole d’une arme de destruction massive, nous invite à une réflexion collective.

Traquer cette jeunesse et la destiner à des emprisonnements arbitraires, parce qu’elle dit haut ce que chaque citoyen vit et pense bas, relève d’une politique de l’autruche à éviter. Le fondement de toute démocratie réside dans la liberté d’expression et de presse.

Evitons de pousser le bouchon vers une radicalisation dans la violence qui mettra à mal notre République.

Peut-on faire à la République le point de l’impact de cette souffrance de la jeunesse sur la crise migratoire dans la sous-région, les pays de transit, et peut-être la méditerranée ? Que serait-il alors le profil futur de l’impact de cette crise migratoire si la gouvernance actuelle devrait se poursuivre dans toutes ses dimensions politiques, démocratiques, sécuritaires, économiques, sociales etc. ?

Les Pères Fondateurs de ce pays, en quête d’une démocratie enrichissante, lesquels sont délégataires de Dieu, notre Père Céleste, le plus démocrate, ne nous pardonneront pas ce virage dangereux que nous amorçons, aujourd’hui, parce que fait d’exclusions, sur la base de l’ethnie, du sexe, de l’âge, de tribus, de régions et de la position sociale, etc.

Une cohésion sociale s’impose donc pour inculquer, dans le comportement de tous, une bonne gouvernance, l’éducation, la santé, la compétence, la formation professionnelle et technique, l’emploi, afin de relever le défi de cette transition démographique et écologique, motrice des Objectifs de Développement Durable.

Amorçons donc véritablement et sincèrement l’Emergence Economique et Sociale au profit de tout le monde dans notre pays.

Gouvernons bien, travaillons avec l’obligation de compte rendu et partageons sur la base des efforts car nul ne doit être abandonné sur le quai. Maintenons la solidarité Nationale.

Que le Père Céleste Bénisse notre Chère Patrie Commune !

Bonne Chance à Tous et, du Courage !

Dr Thomas Boni YAYI

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