jeudi 23 novembre 2017

Les avocats de Laurent Mètongnon démontent le Gouvernement, les policiers enquêteurs et la justice

Dans le cadre d’un point de presse qu’ils ont tenu à Cotonou

Trois des avocats de Laurent Mètongnon ont animé un point de presse à la Bourse du travail de Cotonou, dans la matinée du mercredi 22 novembre 2017, pour se prononcer sur l’évolution de la procédure judiciaire ayant conduit à renouveler la garde-à-vue du syndicaliste. Il ressort de leurs propos que se trouvent fautives toutes les instances impliquées dans la conduite de cette situation de privation de liberté.

De gauche à droite, Amos Akondé, Aboubakar Baparapé et Alfred Bocovo, avocats de Laurent Mètongnon
« Ce dossier est vide, complètement vide ! En principe, la détention de Laurent Mètongnon ne se justifie plus », a martelé Maître Aboubakar Baparapé, l’un des avocats de l’ancien Président du Conseil d’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss), au cours du point de presse qui s’est tenu à la Bourse du travail, à Cotonou, le mercredi 21 novembre 2017, cette personnalité qui a vivement dénoncé les comportements respectifs du Gouvernement, de la police et de la justice, dans le traitement de l’affaire.
Selon cet avocat, la présentation faite devant les journalistes avait deux objectifs : d’une part, « couper court aux rumeurs pernicieuses et fallacieuses les plus folles » sur le dossier ’’Bibe-Cnss’’, dans le cadre du renouvellement de la garde-à-vue de Laurent Mètongnon, pour une durée de quarante-huit heures, dans le début de la soirée du mardi 21 novembre. D’autre part, les animateurs du  point de presse se sont donné le devoir d’éclairer le public sur la procédure permettant la détention de Laurent Mètongnon, sans intervenir sur le fond de l’affaire, vu que cette procédure suit son cours.
En outre, la première institution qu’a dénoncée Aboubacar Baparapé est le Gouvernement. En effet, selon lui, en se fondant sur un rapport d’enquête de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) et sur un autre émanant de l’Inspection générale des finances (Igf), l’Exécutif a lancé les hostilités contre Laurent Mètongnon en le condamnant sans l’avoir jamais écouté, vu que le communiqué du Conseil des Ministres du 2 novembre 2017, faisant état de la situation à la Cnss, lui a reproché d’avoir mis en danger cette institution, de même que la vie des retraités, en mettant en Dépôt à terme à la Banque internationale du Bénin (Bibe), en faillite, à l’époque, plus de 17 milliards de Francs de la Cnss, dans le but d’encaisser des rétro-commissions d’une valeur de 71 millions. Ces faits ont amené, pour l’intervenant, le Gouvernement Talon à instruire le Ministre de la Justice pour lancer des poursuites judiciaires contre les mis en cause, dans le but de faire la lumière sur cette affaire. Ainsi, le Procureur de la République a alerté la Brigade économique et financière (Bef) pour des enquêtes idoines, ce qui a occasionné la « mise en marche du rouleau compresseur » contre Laurent Mètongnon et a conduit à ce que cette Brigade écoute Dramane Diatéma, l’actuel Dg de la Cnss, qui a montré qu’un autre Dat de quatre milliards a été fait, sous sa houlette, à la Cnss, une initiative qu’a confirmée l’actuel Ministre des Finances, Romuald Wadagni. Et, de son côté, Laurent Mètongnon a reçu, dans la soirée du jeudi 16 novembre, une convocation de la Bef, le siège d’une structure à laquelle il s’est présenté le vendredi 17 novembre, à 9h30, alors qu’il y avait été appelé pour 10h. Puis, après une heure d’audition, il y a été maintenu jusqu’à tard dans la nuit pour une confrontation avec un ancien Dg de la Cnss, qui a affirmé avoir fait envoyer, à l’époque des faits, à Laurent Mètongnon, par un commissionnaire, une somme de 2 millions 500 mille francs répartis en quatre tranches, la dernière étant de 500 mille francs, un montant auquel a été adjoint un pack de champagne d’une valeur de 130 mille francs. Donc, il ne s’agit plus d’une rétro-commission de 71 millions. Par ailleurs, l’intermédiaire indiqué a aussi été questionné par les policiers et a radicalement nié les faits qui lui ont été attribués. « A cette étape, le débat est clos sur ces accusations portées par le Conseil des Ministres ! », a enfoncé l’avocat Aboubakar Baparapé selon qui Laurent Mètongnon devrait avoir été mis en liberté puisqu’il « offre des garanties suffisantes de représentation ».

De gauche à droite, Thérèse Wahounwa, Jean Kokou Zounon et Eugène Azatassou, leaders du Fsp, présents au point de presse
De plus, à en croire l’homme de loi, le Gouvernement s’est trompé dans ses analyses, vu que, depuis 2013, la Bibe n’était plus en difficultés financières, parce que, a ajouté Maître Amos Akondé, confirmant la sortie de crise de cette banque, trois arrêtés avaient été pris par le Ministre des Finances en exercice, à cette époque, pour, respectivement, mettre fin à l’administration provisoire de la Bibe, de même qu’aux fonctions de l’Administrateur provisoire, puis pour nommer un Directeur général intérimaire.


Du traitement infligé à Laurent Mètongnon

Pour Me Aboubakar Baparapé, après avoir été confronté à l’intermédiaire qui a nié lui avoir transmis les différents dons de l’ex-Dg de la Cnss, Laurent Mètongnon devrait recouvrer sa liberté après 48h de garde-à-vue, ce qui n’a pas été fait. Plutôt, le dimanche 19 novembre, son domicile a été perquisitionné en présence de deux de ses avocats avec, à la clé, une saisie de plusieurs de ses documents personnels, et leur mise sous scellé, après un point contradictoire. Pire, le mardi 21 novembre 2017, dans les environs de 18h, sa garde-à-vue a été prolongée de 48h, après sa présentation au Procureur de la République, alors que « selon la loi, si rien n’est reproché à quelqu’un, sa détention n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité », a réitéré l’avocat qui pense que le Procureur veut user de sa prérogative lui permettant de retenir un prévenu pour une durée de huit jours.
Abordant un autre aspect de la question, le conférencier a dénoncé une garde-à-vue « non douce ni tranquille » marquée par « des mesures restrictives attentatoires aux droits de la défense » par les policiers enquêteurs. Selon lui, au lendemain de la perquisition de son domicile, Me Lionel Agbo, l’un de ses avocats, n’a pu rencontrer Laurent Mètongnon, étant donné que « des instructions fermes ont été données pour que plus personne, même ses avocats, ne puisse entrer en contact avec lui », en dehors de son épouse, précise-t-il, surtout que, en début d’après-midi, ce lundi 20 novembre, lui-même, à l’Ocertid, s’est heurté à la résistance des policiers dans sa volonté de rencontrer son client, ceux-ci ayant argué des instructions imposant une autorisation préalable de la Bef et de la Direction générale de la police nationale (Dgpn) pour rencontrer Laurent Mètongnon, « une violation des droits de la défense, garantis par la Constitution », s’est indigné l’avocat. Et, ce sont de vives protestions de ses conseils, qui ont amené à l’assouplissement de ces mesures par le Procureur. Ainsi, il y a eu « la restauration des droits » de son client, ce dont Aboubakar Baparapé a félicité cette autorité judiciaire.


Ingérences politiques

De son côté, Me Alfred Bocovo, le troisième avocat de Laurent Mètongnon, présent au point de presse, a dénoncé un biais de la police ; selon lui, celle-ci a refusé d’organiser une confrontation entre le commissionnaire de l’ex-Dg/Cnss et Laurent Mètongnon, ce qui est la preuve que le dossier est vide. Tout en dénonçant « l’utilisation abusive de la garde-à-vue » par le Procureur, il s’est fendu en d’autres propos de stigmatisation : « Il suffit d’une simple accusation contre quelqu’un pour le faire garder, ce qui est grave pour la démocratie », avant de continuer par la dénonciation des « rapports incestueux » entre la justice et les hommes politiques avec une conséquence intolérable : « Maintenir les citoyens dans la hantise prolongée de la détention ». Il a appelé, pour clore son propos, à l’impartialité de la justice.


Marcel Kpogodo  

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