jeudi 29 décembre 2016

9 plaies et 9 atouts du football béninois

Selon une analyse de Victor Nongni, un expert averti


Partout au monde, le football est un facteur de développement des nations, en général, et d'épanouissement pour la jeunesse, en particulier. Mais, au Bénin, c'est plutôt une source de malentendus, de crises, ce qui constitue une énigme à mille inconnues. Toutefois, cette discipline sportive, qui étale régulièrement ses plaies, au grand jour, a des atouts qui laissent entrevoir une lueur d'espoir, ce que nous livre Victor Nongni, Journaliste sportif et bon connaisseur de la question du football béninois.

Oswald Homéky, Ministre béninois des Sports


Les 9 plaies du football béninois


1- L'Etat central
Nous désignons par État central, les différents régimes, leur chef et leurs gouvernements, qui se sont succédé, depuis l'avènement du Renouveau démocratique, au Bénin, en 1990. En réalité, pendant la Révolution marxiste-léniniste, une orientation claire avait été donnée au sport-roi par le régime en place. Et, c'est exactement ce qui fait défaut, depuis 1990. L'option de l'économie de marché à plusieurs variantes, à la Conférence nationale des forces vives de la nation, en février 1990, a fait que les principaux acteurs ont oublié le sport, en général, et le football, en particulier. Et, puisque la nature a horreur du vide, les désœuvrés, avides du gain facile se sont accaparés cette filière. Le résultat, on le connaît. En somme, aucun régime, depuis 1990, n'a pu et n’a su donner une orientation au sport et au sport-roi. Il manque ce qu'on appelle ailleurs la ’’Politique du sport au Bénin’’. Par conséquent, le Président de la Fébéfoot n'a d'obligation envers personne, puisqu'il n'est lié par aucune contrainte de résultat et de gestion, issue de l'orientation du sport ou de la politique sportive de la nation.


2-Les acteurs
Dans aucun secteur d'activité, au Bénin, il n'y a de graves problèmes qu'en sport. C'est tout un véritable panier à crabes de divers acabits. Et, dire qu'il y a aussi des journalistes dans ce groupe, est hallucinant.  


3-Les infrastructures
Le Bénin fait partie des pays au monde n'ayant aucune infrastructure propice à la pratique et au développement du football. Même le Stade de l'Amitié Mathieu Kérékou, si scintillant, est un piège à hommes, non réglementaire et sans normes internationales. Pis, le Stade Charles de Gaulle de Porto Novo, un véritable champ de patates. Le reste, un «désert» : pas de centres de formation des jeunes ni des formateurs. En somme, un véritable «désert de compétences».


4-Les joueurs/les pratiquants
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, bien que le Bénin soit situé à côté du Nigeria, du Togo et, surtout, du Ghana, le footballeur béninois n'est pas talentueux. En outre, l'indiscipline congénitale, qui s'observe dans le quotidien des Béninois, transparaît dans son jeu. Le football est un jeu collectif, très tactique, réservé aux peuples disciplinés. L'Allemagne gagne souvent la Coupe du monde parce que les Allemands sont disciplinés, au quotidien et, du coup, dans leur jeu. Les Brésiliens, disciplinés et techniques, les Allemands, disciplinés et tactiques et, les Italiens, tactiques, disciplinés et rigoureux. Voilà pourquoi, c'est toujours eux qui gagnent. Et, puisque, nous autres, Béninois, ne sommes pas tactiques ni disciplinés ni rigoureux, il faut aller l'apprendre chez les autres, avec une mentalité de gagner.


5-La mentalité
Le football est un jeu collectif, comme mentionné précédemment, où le joueur fait rigoureusement son travail et aide surtout les autres à assumer leurs responsabilités. Or, de nature, le Béninois n'a aucune notion de groupe. Sa mentalité est trop tournée vers l'individualisme. Voilà pourquoi, on ne va pas loin dans les grandes compétitions.


6-Le Ministère des Sports
Cette entité gouvernementale, au lieu d'être le chantre du développement de la chose sportive, est transformée en un couvent de fonctionnaires affamés, toujours aux aguets pour saisir les meilleures occasions de surfacturation et d’autres délits du genre. Après un match des Écureuils, à domicile, tous les employés du Ministère des Sports se partagent de l'argent, ce qu’on appelle appelé ’’Prime spéciale’’, étalée jusqu'au gardien et au concierge. Tout cela, puisé dans la caisse de l'Etat. Et, pour les matches à l'extérieur, ce sont des copines que les cadres de ce Ministère font voyager. Il n'est pas rare d'avoir, dans la délégation, plus d’accompagnateurs que de joueurs. Dans une délégation béninoise de 40 personnes, on a souvent 16 joueurs pour 24 autres membres inutiles. Voilà pourquoi les Écureuils constituent une priorité pour tous les acteurs, car c'est une foire de circulation de l'argent liquide.


7- Anjorin Moucharafou
Il pense toujours que sans lui le football n'existerait pas au Bénin. Autant il est vrai que c'est avec lui que le Bénin a connu sa première Coupe d’Afrique des nations (Can), autant il est vrai qu’il faudrait que cette personnalité retrouve de quelle manière il pourrait contribuer efficacement à la renaissance du football béninois, surtout qu’il est en bonne intelligence avec la Confédération africaine de football (Caf) et la Fédération internationale de football association (Fifa). S’il se montre réellement incapable de conduire le Bénin à cette renaissance, il faudrait lui interdire toute activité sportive au Bénin.


8- Félix Sohoundé Pépéripé et l’Ortb
Journaliste sportif avéré et confirmé, connu à partir de ’’Radio Tokpa’’, il a aussi une grande partition à jouer pour le décollage du sport-roi au Bénin ; il en est de même pour l’Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin (Ortb)


9- Les investissements 
C'est extraordinaire que ce qui est un atout sous d'autres cieux est, ici, au Bénin, un handicap pour le football. L'argent. L'investissement de la Fifa, et de l'Etat béninois.
En dix ans, sous Boni Yayi, l'Etat a investi plus de 10 milliards de francs, soit un milliard chaque année pour la saison sportive des Écureuils. Pour quels résultats? Du côté de la Fifa, ce sont des dizaines de millions qui sont envoyés à chaque Fédération pour les championnats hommes et dames. La suite, on la connaît. Bagarres, à ne point en finir …




Les 9 atouts pouvant contribuer à sauver le football béninois


1-L'Injeps
C'est difficilement compréhensible que le Bénin puisse posséder une unité de production et de fabrication de formateurs sportifs sans jamais les utiliser. Qu’on ne nous dise pas que l'Institut de la jeunesse et de l’éducation physique et sportive (Injeps) ne donne que des professeurs de sport. Faux. Il forme des sportifs qui ont la science du sport. De là sortent des docteurs en sport qu'on ne veut pas utiliser sur le terrain, mais, plutôt, dans les bureaux. D'ailleurs, la plupart des entraîneurs de football, au Bénin, sont sortis de l'Injeps, comme professeurs ou maîtres de sport, avant de faire une formation continue. Il faut réorienter la formation de l'Injeps et, le tour est joué.


2-Les hommes
Il n'y a de richesse que d'hommes. 10 millions d'âmes. Dieu n'est pas injuste pour concentrer autant d'individus sur un si restreint espace de 112.600 km2, sans y mettre des valeurs de réussite en sport. Non. Ce n'est pas possible. Les vrais Béninois en mesure d'impulser un dynamisme au football sont là. Il faut les trouver. Les vrais footballeurs béninois sont dans les bureaux et dans les ateliers. Découragés par la gestion faite de ce sport tant aimé par les Béninois, il faut aller les chercher.


3- La passion
Rien de grand ne se fait sans passion. La passion pour le football, les Béninois l'ont. Combien de fan-clubs des équipes étrangères n'a-t-on pas au Bénin? En effet, déçus par la gestion faite de la chose ici, ils se rabattent sur ce que les autres font et qui est largement mieux. Il faut recréer la confiance.


4- Les moyens
Si l'Etat investit un milliard chaque année dans les Écureuils, on peut affirmer que les moyens existent. Mieux, on peut aller les chercher. Sébastien Ajavon en a déjà donné l'exemple avec le championnat professionnel.


5- La politique
Contrairement à ce que l'on pense, la politique, à mon avis, n'est pas une plaie pour le sport-roi. C'est sous le Président Yayi qu'il y a eu trop de connivences entre la Présidence et Anjorin Moucharafou. Sinon, la politique et le football font, bel et bien, bon ménage. La preuve, les politiciens utilisent le football pour rassembler leurs partisans. Après les tournois, pendant la campagne, nécessité doit être faite pour chaque homme politique d'envoyer un à deux joueurs de sa région dans une école de foot en Europe. Cinq ans après, les résultats parleront d'eux-mêmes.


6- Le Cifas et Ajavon
Il faut tout faire pour que le Centre international de football Ajavon Sébastien (Cifas) redevienne une école de foot, et persuader ensuite Sébastien Ajavon de revenir organiser son championnat professionnel. Avant, les Béninois n'étaient pas prêts, dans leur tête. Mais, maintenant, ils ont compris.


7- Les qualifications à la Can
Le Bénin doit continuer de se qualifier pour la Coupe d’Afrique des nations (Can). Seulement, maintenant l'argent versé par la Caf aux nations qualifiées doit servir à former des joueurs et à construire des stades.
 

8- Le Brésil
Envoyer les enfants au Brésil. D'accord. Mais, les laisser là-bas dans le championnat après leur formation est la meilleure option.
 

9- Patrice Talon
Convaincre l'actuel Président de la République, Patrice Talon, d'amener les opérateurs économiques nationaux et internationaux à prendre le football et à en faire leur affaire.  


Victor Nongni    

9 atouts contre 9 faiblesses de Patrice Talon en quête d’un triomphe populaire

Après 8 mois de pouvoir


Le Chef de l’Etat, Patrice Talon, présente une personnalité qui se laisse découvrir, au fur et à mesure qu’il égrène les jours, les semaines et les mois de son mandat présidentiel.  Désormais, il est identifiable à travers 9 atouts pouvant lui permettre d’atteindre ses objectifs de réussite, et 9 éléments de faiblesse, qui pourraient constituer un frein à son évolution politique.

Le Président Patrice Talon


Les atouts

1.      une bonne élection à plus de 65% des suffrages exprimés, ce qui lui octroie une franche légitimité et une marge de tolérance de la part de la population béninoise ; elle saura alors comprendre quelques erreurs du début de gouvernance. 
2.      Deux grosses têtes pensantes dont il est entouré : Pascal Irénée Koupaki  et Abdoulaye Bio Tchané ; ce sont deux Ministres brillants, de par leur capacité à mener des débats de fond, en ce qui concerne le développement d’un pays. Cadre émérite, le premier a fait ses preuves sous le Président Boni Yayi, concernant sa rigueur dans la gestion des affaires publiques et sa force de conception. Le second est un ancien Directeur adjoint du Fonds monétaire international, dont les idées pour conduire le développement d’un pays du Tiers-monde comme le Bénin, ne peuvent contribuer à donner de l’épaisseur à la propre vision du Président Talon. L’entente parfaite entre les deux hommes, pour l’instant, sert les intérêts du Chef de l’Etat.
3.      Un abord méthodique de l’exécution de sa charge de Président de la République. Dans le cas d’espèce, le Conseil des Ministres semble pour lui une religion dont il faut respecter les rites sacrés, ce qui lui a fait s’imposer d’être présent à toutes les séances et de faire préparer tous les dossiers à l’avance et de s’en tenir informé du contenu avant la séance proprement dite. Il n’y aura donc jamais d’improvisation ni de coups à jouer de non information des dossiers sensibles. Et, si l’instance forte qu’est le Conseil des Ministres ne dure pas, il ne se tient qu’une fois la semaine.
4.      La libération de l’espace médiatique public, en l’occurrence la télévision nationale de l’image permanente du Chef de l’Etat, apparemment omniprésent et omnipotent. Dans une discrétion absolue, il pose ses pions et ses communicants se chargent du reste, exploitant à fond les espaces conventionnels des médias et les réseaux sociaux.
5.      La réelle restauration d’une certaine autorité de l’Etat : il ne se mêle apparemment pas de tout, laisse appliquer des mesures très impopulaires d’établissement de l’ordre sans revenir sur des mesures impopulaires, lorsque les plaintes des populations se font persistantes : il a un objectif précis à atteindre.
6.      Ses ministres semblent disposer d’une autonomie ; on ne le voit pas les mettre sous pression ni de les intimider.
7.      L’annulation des concours frauduleux et la prise d’autres mesures d’assainissement a montré de lui une volonté très applaudie de composer avec le propre, l’intègre et le juste. Pourvu que ça dure !
8.      Il sait se ménager de bons rapports avec la classe politique dont des ramifications importantes sont perceptibles à l’Assemblée nationale.
9.      Il dispose d’une capacité intéressante d’anticipation, ce qui fait qu’à la veille de la nouvelle année, il détient son budget 2017, son Pag et, le discours sur l’état de la nation au Parlement relève désormais du passé.



9 faiblesses du Président Talon

1.      Anticonformiste, le Président Talon n’a pas voulu se conformer à des actes de rien du tout, mais qui ont une portée politique remarquable : le refus de signer son serment, de porter l’écharpe de Chef de l’Etat et d’arborer la Croix du Grand maître de l’Ordre national du Bénin ; il donne l’impression, par ces refus, qu’on peut bafouer ces choses apparemment symboliques mais qui sont significatives.
2.      Il a mis du temps à déclarer ses biens.
3.      Il a mis en orbite ses entreprises personnelles dans les réformes entreprises pour remettre la filière coton sur les rails.
4.      Plusieurs éléments importants de l’héritage de la gouvernance Yayi sont bafoués, alors que ce sont les deniers publics qui ont servi à les mettre en œuvre, en l’occurrence, l’aéroport de Tourou.
5.      Le social ne semble pas une grande priorité pour lui.
6.      Il valorise la sobriété dans les dépenses publiques, mais n’a pas hésité à consacrer la bagatelle de 500 millions de Francs Cfa, pour les membres de la Commission des réformes politiques.
7.      Une apparente ingratitude vis-à-vis des grandes franges sociales de sa victoire à la présidentielle : les femmes, les jeunes et les journalistes.
8.      Il a succombé au piège de la centralisation de la communication gouvernementale à la présidence de la République.
9.      Il n’a pu résister aux nominations de remerciement.


Marcel Kpogodo

« […] la bourse est à la portée de tout le monde, y compris des petits enfants », dixit Serge Avahouin

Dans le cadre d'une interview à nous accordée par le Directeur général de la Bfs, à propos de l’investissement en bourse


Peut être facilement comblé, le besoin des Béninois de gagner des ressources financières additionnelles afin de faire face à leurs charges, de plus en plus nombreuses. Si cet objectif peut être atteint, c’est grâce à l’existence, au Bénin, d’institutions parfaitement crédibles et légales, qui exercent dans l’investissement en bourse. Parmi elles, la Société de gestion et d’intermédiation, ’’Bibe finances and secrurities’’ S.a. (Sgi/Bfs S.a.). Serge Avahouin, son Directeur Général, explique, à travers cette interview, qu’il a bien voulu accorder à notre Rédaction, les facilités qui existent, pour toutes les couches de la population, de gagner de l’argent en bourse.

Serge Avahouin
Journal ’’Le Mutateur’’ : Bonjour à vous, M. Serge Avahouin. Vous êtes le Directeur Général de la Société de gestion et d’intermédiation, ’’Bibe finances and securities S.a. (Sgi/Bfs S.a.). Votre institution est régulièrement chef de file dans les opérations d’emprunt obligataire, permettant de mobiliser des fonds pour les Etats. Pouvez-vous nous expliquer un peu de quoi il s’agit ?


Serge Avahouin : Merci. En réalité, notre marché financier est exceptionnel parce qu’il regroupe huit Etats, ce qui est vraiment rare sur la planète. Les opérations sur ce marché requièrent l’assistance des spécialistes comme les Sgi (Société de gestion et d’intermédiation, Ndlr).La Bfs étant une Sgi, elle a souvent été sollicitée en qualité de co-Chef de file, dans des opérations au profit des Etats. Le Chef de file se définit comme la Sgi qui prend les devants de l’opération pour l’émetteur, c’est-à-dire les Etats.
En prenant les devants de l’opération, on centralise la mobilisation : de façon générale, c’est la collecte des fonds auprès des institutions financières qui participent aux opérations initiées par les Etats. Donc, la Bfs est souvent sollicitée pour coordonner ce genre d’opérations. Et, dans cette coordination, nous avons toutes les négociations possibles, c’est-à-dire que, moi, en ma qualité de Chef de file, je me lève, je prends mon bâton de pèlerin, je passe d’institution en institution pour vendre l’opération, pour parler d’elle, telle qu’elle se présente, pour évoquer ses avantages et, parfois, ses inconvénients ; je vends l’opération aux institutions. Parfois, c’est seulement suite à cette démarche que les institutions consentent à aller sur l’opération ou non.
L’autre rôle du Chef de file, c’est de voir avec les autres Sgi qui sont, dans ce cas, membres du Syndicat de placement, comment l’opération se déroule à leur niveau ; on est là pour centraliser ce que chaque Sgi fait. Après tout cela, à la fin de l’opération, on fait un compte-rendu à l’émetteur, de même qu’au Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (Crépmf) qui est notre organe de contrôle. Donc, ces différents comptes-rendus participent du processus. A la fin, nous procédons à la fermeture de l’opération, c’est-à-dire qu’après ces comptes-rendus, on fait l’appel de fonds pour que tous ceux qui ont souscrit paient les montants pour lesquels ils se sont engagés et, nous, à notre niveau, nous faisons le virement de ces fonds à l’Etat demandeur. C’est cela le rôle du co-Chef de file.
Donc, au regard de ses capacités, de son dynamisme, notre Sgi a été très souvent sollicitée, surtout par les Etats : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso. 



Si vous le permettez, c’est quoi une Sgi, en des termes simples, pour nos lecteurs qui ne comprennent vraiment rien au langage financier ?

Une Sgi, c’est-à-dire une Société de gestion et d’intermédiation, encore appelée Société de bourse. C’est une société qui joue le rôle d’intermédiaire, entre les détenteurs de capitaux et les agents à besoin de capitaux, dans les deux sens. Cela veut dire qu’aujourd’hui, vous, M. le journaliste, vous avez de l’argent et vous ne savez ce que vous allez en faire. Moi, je me rapproche de vous et, je vous dis : « Vous avez de l’argent ? Venez, je vais vous aider à placer vos fonds, sur des produits financiers ». Ces produits viennent de l’émission qui a été faite par des Etats, des institutions, des sociétés, parce que cela peut être une émission d’emprunt obligataire ou une émission d’actions, l’emprunt obligataire étant des titres de créances, les actions étant des titres de propriété. Donc, moi, je vous amène à investir dans ces produits-là.
Si l’on prend l’explication à l’inverse, les Etats ont besoin d’argent, de même que les sociétés et, pour cela, ils émettent des papiers qu’on appelle ’’emprunts obligataires’’ ou, tout simplement, ’’obligations’’ ou, encore, ’’actions’’. Nous, en tant que Sgi, on est là, au milieu, pour créer la rencontre entre ces deux agents ; l’investisseur apporte son argent, l’émetteur, ses titres. Nous, nous aidons les deux parties à faire leurs transactions ; c’est cela notre rôle principal. En tant que tel, nous sommes les principaux acteurs du marché financier parce que, sans nous, sans les Sgi, j’avoue que le marché financier ne serait pas forcément ce qu’il est. Nous, nous sommes des commerçants aussi, nous devons aller vendre ce dont les autres ont besoin, puisque les Etats ne connaissent pas ceux qui souscrivent à leur emprunt obligataire, les sociétés qui émettent des actions ne connaissent pas ceux qui souscrivent ; c’est nous qui allons sur le marché, nous allons partout, dans les sociétés, dans les marchés, dans les villages, dans les quartiers, partout, pour dire aux investisseurs : « Venez, nous avons des produits … ». Et de l’autre côté, nous disons aux émetteurs : « Apportez vos produits, nous avons des preneurs … ». En conclusion et, dans un langage très simple, alors, les Sgi sont des structures qui mettent en contact les agents à besoin de financements et les agents à capacités de financement.



Comment ces Sgi sont-elles rémunérées sur ce qu’elles font ?

Nous, les Sgi, sommes des courtiers, un peu comme des démarcheurs ; nous recevons des commissions que nous prenons chez celui pour qui nous vendons ou achetons. Donc, si un Etat émet un emprunt obligataire, aujourd’hui, et qu’on intervient dans l’opération, il nous paie nos commissions. De la même façon, quand ce n’est pas une émission sur ce qu’on appelle le marché primaire, c’est-à-dire le marché à la base, et que l’intervention se fait sur la bourse elle-même, c’est-à-dire le marché secondaire, là, c’est le client pour lequel on achète qui nous paie puisque, dans ce cas, on va acheter auprès de quelqu’un qui a déjà des titres. Donc, notre rémunération se calcule sur la valeur des transactions que nous faisons.




A travers vos explications, M. le Directeur, on a compris qu’il n’existe pas une bourse, particulièrement au Bénin, et que celle qui existe concerne les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) …

Oui, effectivement, c’est une vérité. Et c’est justement ce que je disais au début de cet entretien. Notre marché est un marché financier exceptionnel ; j’avoue que, sur la planète, il n’y a pas de marché comme cela, un marché qui regroupe plusieurs  Etats, du coup. Les dirigeants de L’Uémoa ont tôt fait de constater que l’« union fait la force » et, à cet effet, ils ont pensé que tels qu’ils ont créé l’Uémoa, la Banque centrale (Bcéao), une banque pour huit Etats, les Etats se sont dit : « On a une banque commune, on a une monnaie commune, on a plein d’institutions communes, autant créer un marché commun aussi, pour les finances ». C’est comme cela que le marché financier a vu le jour. Donc, le Bénin n’a pas une bourse, en particulier. Auparavant, de 1973 à 1996, année à laquelle le marché financier a vu le jour, la Côte d’Ivoire avait sa bourse qui était la Bourse des valeurs d’Abidjan. Mais, cette bourse, aujourd’hui, a été fondue dans la Bourse régionale. Donc, aucun des Etats de l’Union n’a sa propre bourse.
Une bourse commune à huit Etats, je pense que c’est même bien, parce que cela constitue une référence sur la planète ; sur toutes les places financières, quand on parle de la Brvm (Bourse régionale des valeurs mobilières, Ndlr), les gens ont de l’admiration pour nous, parce qu’il n’est pas facile de coordonner huit Etats à accepter un principe commun, surtout en matière financière, vu que les actions sur la Bourse ne sont pas communes aux huit Etats ; chacun d’eux apporte sa part dans le marché alors que chacun d’eux a ses réalités. Comment est-ce qu’on a réussi à créer cette symbiose ? Donc, on a un marché qui est vraiment particulier, exceptionnel et, je le dis avec beaucoup de fierté ; en 2015-2016, la Bourse régionale des valeurs mobilières a été reconnue comme la bourse la plus innovante de la planète. Donc, on a eu un Prix pour ça. C’est une manière de nous dire : « Vous êtes huit Etats mais, malgré cela, tout marche à merveille ». On a mis de côté les considérations particulières des Etats et, on a créé la symbiose, aujourd’hui. J’avoue qu’on est assez fier de notre réussite. Certes, on ne peut pas dire qu’on a fini, parce que, tant qu’il y a à faire, on dit que rien n’est fait ; c’est un marché qui continue son chemin, il est très jeune. Le marché financier de l’Union est à sa 20ème année. Face aux grandes bourses qui ont déjà 100 ans, 200, 300 ans, on est très jeune mais, avec ce qu’on a aujourd’hui, on peut s’estimer heureux.




Vous avez affirmé aller souvent vers les institutions qui investissent en bourse. De quelles institutions s’agit-il ?

Les institutions qui investissent en bourse, c’est surtout les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés, … Vous savez, ce sont des agents qui ont de grosses capacités de financement. Aujourd’hui, on dit, partout, dans le monde, que le système bancaire de l’Uémoa est en surliquidité. A certains égards, c’est vrai. Donc, cette surliquidité, qu’est-ce qu’on en fait ? C’est cela que ces institutions placent dans les opérations des Etats et, dans un peu de tout. Elles sont les plus grosses pourvoyeuses de ressources, sur le marché. C’est vrai qu’il y a parfois des particuliers qu’on dirait un peu nantis, qui font aussi des opérations. Mais, il faut savoir que la bourse est à la portée de tout le monde, y compris des petits enfants. Aujourd’hui, on a, sur le marché, des actions que, même les petits enfants peuvent acheter avec les frais de petit déjeuner qu’ils reçoivent de leurs parents, parce qu’on a des actions de 30 Francs, 35 Francs, … Donc, le marché est à la portée de tout le monde.



Comment gagne-t-on de l’argent lorsqu’on investit en bourse ?

Pour gagner de l’argent, quand on investit en bourse, c’est facile, c’est banal. Ces trente dernières années, dans le monde entier, ceux qui sont devenus riches l’ont été par le marché financier, ce qui veut dire qu’à chaque époque correspond une façon de s’enrichir. Auparavant, dans les anciens temps, c’est ceux qui avaient des troupeaux qui étaient les plus riches. Après, c’est ceux qui avaient des terres, ainsi de suite. Aujourd’hui, les plus riches, sur la planète, allez chercher n’importe où, c’est ceux qui ont des sociétés, ceux qui ont des valeurs mobilières, … Comment ça se passe ?
Pour créer une société et que les gens viennent y investir, vous avez les actionnaires. Cette société commence à produire et, au fur et à mesure qu’elle marche, elle prend de la valeur. Donc, vos actions que vous avez commencées à 10 mille Francs commencent à prendre de la valeur. Vous avez investi, par exemple, 10 mille Francs dans la société, à la fin de l’année, elle fait ses bénéfices. Non seulement, elle fait des bénéfices, mais elle a investi ; cela veut dire qu’elle a grandi un peu. L’année suivante, elle grandit et, ainsi de suite. Au fur et à mesure qu’elle grandit, vos actions aussi prennent de la valeur. Et, si ces actions sont cotées sur la bourse, là, maintenant, ce n’est plus vous-même, directement ; cela se soumet au jeu de l’offre et de la demande. C’est alors comme au marché : j’ai mon produit, je veux le vendre, toi, tu veux l’acheter à combien ? Donc, les gens gagnent plus, en plus-value qu’en dividendes ; une action peut prendre trois fois sa propre valeur, au cours d’une année. Mais, en termes de dividendes, en termes de bénéfices, peut-être que vous aurez 10% de sa valeur initiale. Cela veut dire que si vous avez acheté une action à 10 mille Francs, en dividende, on vous paie 2 mille ou 3 mille Francs, alors que l’action elle-même, au cours de l’année, est passée à 30 ou à 40 mille. Voyez-vous ? C’est dans les plus-values que les gens gagnent plus de l’argent, dans la bourse.
L’année dernière, le créateur de Facebook a cédé cette société en bourse ; il a eu plusieurs milliards de dollars, par rapport à quelque chose qu’il a créé à zéro dollar. Et, ceux qui ont acheté ces actions-là, au moment où elles passaient en bourse, aujourd’hui encore, s’enrichissent parce qu’elles ont pris de la valeur. Donc, c’est comme cela qu’on gagne de l’argent en bourse ; c’est pour cela qu’il faut avoir un conseiller financier averti qui peut vous faire de bons choix, parce que la réussite en bourse réside surtout dans le choix que vous faites. Si vous ne faites pas de bons choix, vous n’êtes pas sûr de prospérer, mais si vous en faites de bons, vous êtes sûr de réussir. Pour faire de bons choix, il faut aller vers les spécialistes qui maîtrisent la chose. C’est en sens que j’avoue que la Sgi/Bfs, aujourd’hui, sur la place du Bénin, est une référence. Et, au-delà de tout ce que nous recevons comme gains dans nos opérations, nous pouvons nous estimer heureux du bout de chemin que nous avons fait.




Etant donné que tout le monde peut investir en bourse, toutes les couches de la population et même les enfants, quelles sont les conditions à remplir pour le faire ?

C’est très simple, c’est même banal : vous disposez des fonds que vous voulez investir, vous venez voir votre conseiller financier, c’est-à-dire la Sgi/Bfs. On vous demande juste deux photos, une photocopie de votre pièce d’identité et les fonds. Vous voyez donc que c’est simple pour tout le monde. On vous ouvre chez nous, ce qu’on appelle un ’’Compte-titres’’. Nous, on ne met pas l’argent sur les comptes, on ne garde pas l’argent, on n’est pas des collecteurs de fonds, on est des investisseurs, on est des intermédiaires financiers. Donc, dès que vous nous donnez vos fonds, nous les orientons sur un produit financier, ce qui fait que vous ne verrez que des titres sur votre compte. Il n’y a aucune condition, même un élève peut le faire ; on n’a pas besoin d’autorisation parentale, on n’a besoin de rien. Les investissements financiers, c’est la mise en œuvre de l’un des droits les plus primaires : c’est le droit de disposer de ses propres ressources.




Pour ouvrir un compte-titres, il faut, au minimum, combien ?

Voyez-vous, pour investir, il n’y a pas de limites, ni au plafond ni au plancher ; vous venez avec ce que vous avez. Si vous avez 10 mille Francs, vous les apportez ; je vous ai dit tantôt qu’il y a des actions de 30 Francs, il y en a aussi de 10 mille, 13 mille, de 20 mille, de la même façon qu’il y en a de 500 mille. Nous allons du plus petit à plus l’infini. Donc, c’est selon votre bourse. La seule chose que nous on demande au client, c’est de pouvoir laisser assez de marges suffisantes pour permettre à votre conseiller de moduler pour vous vos investissements, de mixer les produits, pour le bonheur de votre portefeuille.




Concernant le système de la bourse au Bénin, comment se présente-t-il ? Combien comptons-nous de Sgi au Bénin, actuellement ?

Actuellement, on a quatre Sgi sur le marché au Bénin qui sont réparties en trois catégories : les Sgi de groupes bancaires, les Sgi de banques, un peu comme la Sgi/Bfs, et les Sgi de place.




Existe-t-il une structure faîtière qui fédère ou qui contrôle les activités de ces institutions boursières ?

Au Bénin, non, parce que c’est un peu comme les banques. Celles-ci, dans toute l’Uémoa, sont contrôlées par la Banque centrale et la Commission bancaire. Donc, les banques béninoises n’ont pas une structure faîtière. C’est vrai qu’il y a l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers, à laquelle nous-mêmes, Sgi, avons adhéré.
Mais, il y a une instance régionale propre au Marché financier qui nous gère et assure la régulation du marché, c’est le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (Crépmf). C’est ce Conseil qui est notre contrôleur, notre habilitateur, c’est lui qui fait le gendarme du marché. Il a son siège à Abidjan, à l’instar de la Brvm, ce qui fait que toutes nos activités sont centrées sur cette ville, notamment. Ce Conseil régional est la structure faîtière de toutes les 22 Sgi de L’Uémoa ; nous sommes toutes soumises à cette instance-là.




Pouvez-vous nous présenter la Sgi que vous dirigez, la Sgi/Bfs S.a. ?

La Sgi/Bfs est la ’’Bibe finances and securities’’. C’est une Société de gestion et d’intermédiation, une société de bourse, comme l’on l’appelle communément. Elle a été créée en 1996. C’est, d’ailleurs, la première Sgi à être agréée dans l’Uémoa. Si vous voyez le numéro d’agrément, c’est le 001. La Bfs a un capital de 350 millions, et a été créée par la Banque internationale du Bénin (Bibe) qui est son actionnaire principal et majoritaire. C’est vrai qu’elle a quelques actionnaires personnes privées et quelques sociétés, mais le capital est détenu, en majorité, par la Bibe.
Aujourd’hui, la Bfs fait partie des Sgi les plus en vue de l’Uémoa, cela, il faut le dire, sans fausse modestie, puisqu’on est souvent sollicité pour les opérations.
Notre Sgi, aujourd’hui, sur la place de Cotonou, tutoie la Sgi-Bénin, pour la première place. Elle a connu un développement exponentiel, depuis que j’en ai pris les rênes. Nous avons acquis une plus grande visibilité dans l’Uémoa en participant à beaucoup d’opérations, notamment.
La Bfs fournit les mêmes services que toutes les Sgi. Mais, c’est surtout en termes de qualité de services, que la différence se fait et, la qualité de services que nous, nous offrons, est exceptionnelle. Vous savez, les clients sont partout ; vous les trouvez ici, vous les trouvez dans les autres Sgi, eux-mêmes font la différence et nous le disent. Nous devons vous dire, toute fausse modestie mise à part, que nos clients nous apprécient vraiment. Je leur dis souvent que s’il y a un problème, qu’ils nous le disent et, nous en tiendrons toujours compte. Aujourd’hui, la Bfs est heureuse, pour ce parcours effectué jusque-là, mais il y a beaucoup à faire encore, parce que comme vous le voyez, là où nous sommes aujourd’hui est trop exigu pour nous. Donc, il faut qu’on pense à évoluer autrement. En bref, la Bfs est une Sgi qui fait les placements, les recherches de financements, elle donne des conseils en investissement, des conseils d’entreprise ; nous nous occupons de tout ce qui est finances.




Quelles sont les qualités que vous vous reconnaissez et qui font qu’aujourd’hui vous êtes en tête, comme vous le dites ?

C’est notre dynamisme et notre proactivité. Vous savez, je suis très fier de mes collaborateurs. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas là que je le dis, mais ils le savent ; c’est une équipe de jeunes, je suis le plus âgé d’eux tous, même si je suis encore très jeune. Notre volonté, c’est de faire toujours mieux, c’est ça notre crédo, de toujours faire mieux. Nous ne dormons pas sur nos lauriers ; on se bat. Nous sommes toujours à l’écoute des clients ; c’est ça qui fait la différence.
Moi, même en tant que Directeur, je ne reste pas hors du champ ; je suis toujours sur le champ de bataille, je suis toujours à l’avant-garde, ce qui fait que cela motive mes agents. Je les draine avec moi, et c’est le résultat que nous avons aujourd’hui. J’avoue qu’on peut être fiers de ce qu’on a fait jusque-là.




Pouvons-nous mieux vous connaître, vous-même, en tant que Directeur Général de la Sgi/Bfs, vos études, votre profil, ce que vous avez fait pour vous hisser à ce niveau ?

A la base, je suis juriste de formation. Actuellement, je prépare une thèse en Droit financier. Après le Droit, j’ai fait les Finances ; j’ai toujours eu un amour particulier pour la finance, depuis le bas-âge. J’ai fait un Baccalauréat de série A, mais j’étais un très bon mathématicien. J’ai fait mes études de Sciences juridiques, mon Déa (Diplôme d’études approfondies, Ndlr), et des diplômes de troisième cycle : un Dess (Diplôme d’études supérieures spécialisées, Ndlr) et un Master en Finances d’entreprise. J’ai suivi plusieurs formations en Finances, aussi bien au Bénin qu’à l’extérieur.
J’ai débuté ma carrière dans le marché financier, avec la création du marché financier et de la bourse. J’ai travaillé pendant 14 ans à la Sgi-Bénin, et j’ai été parmi les premiers agents fondateurs de cette entreprise; le jour où la Sgi-Bénin a ouvert, j’étais là ; c’est là que j’ai fait toutes mes armes et, de là-bas, je suis venu à la Bfs.
Je peux être fier de ce que j’ai fait jusque-là, parce que ce n’était pas donné d’avance, quelqu’un qui a fait un Baccalauréat littéraire et qui se retrouve à la tête d’une institution financière, ce n’est pas donné à tout le monde. Et, c’est cela même qui séduit mon entourage, mes collaborateurs, parce que si je ne décline pas mon profil de base, même dans le raisonnement le plus primaire, on dirait que je n’ai fait que des études financières. Je suis même Juriste expert, à la base. J’ai étudié au Bénin, à l’Université d’Abomey-Calavi, et après une Maîtrise en Droit, j’ai quitté le pays, j’ai voyagé. J’ai étudié en Europe, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso. Il faut dire que j’ai beaucoup étudié, avant de commencer à travailler ; c’est ce qui fait que, l’occasion faisant le larron, c’est au moment où les Sgi s’implantaient que je suis revenu au Bénin et qu’en même temps, j’ai commencé ma carrière dans l’une d’elles. Et, voilà où j’en suis aujourd’hui. J’ai 19 ans de métier, parce que j’ai commencé en 1997, à la création de la Sgi-Bénin. Je peux m’estimer heureux, même si je sais que j’ai encore du chemin devant moi. Je suis prêt à toutes les futures luttes; je suis sûr que les résultats seront là pour donner la preuve de mon engagement.


Propos recueillis par Marcel Kpogodo

La police béninoise, une corporation dans la grande tourmente

Selon une enquête sur la vie de nos forces de sécurité
(Il faut à tout prix redorer le blason de cette institution, pour éviter une implosion catastrophique pour le Bénin)


Parmi les institutions capitales qui travaillent à l’assurance de la sécurité des personnes et des biens, il faut évoquer la police nationale. Voilà une mission sensible et capitale qui contraste avec l’image que cette corporation reflète auprès des Béninois. Quelques recherches montrent qu’elle est minée de l’intérieur par un malaise profond qui la menace d’une implosion terrible et gravement délétère aux conséquences incalculable pour la nation. Entrée dans l’univers d’une institution dont les conditions de vie et de travail affaiblissent l’influence de ses membres et contribuent à faire d’elle une institution à la traîne, malgré tout le prestige et l’influence qu’elle suggère, de l’extérieur …


Sacca lafia, Minstre béninois de l'Intérieur et de la sécurité publique

-          2015-20 : une Loi à désillusions

Le 2 avril 2015, date historique d’une institution clé de la République, à l’Assemblée nationale : les Députés de la 6ème législature viennent de procéder au vote de la Loi n° 2015-20 portant Statut spécial des personnels des forces de sécurité publique et assimilées. C’est la totale jubilation dans le rang des fonctionnaires de la police, de la douane et de ceux des eaux, forêts et chasse ; ils ne parviennent pas à contenir leur profonde joie et leur inédit épanouissement ; l’espoir est maintenant permis que leurs conditions de vie et de travail s’améliorent, ce qui leur permettrait de s’épanouir dans leur fonction. Quelques mois plus tard, le 16 juin  de la même année, deux autres bonnes nouvelles : la Cour constitutionnelle déclarait cette Loi conforme à la Constitution du 11 décembre 1990 et, trois jours après, c’est le Chef de l’Etat de l’époque, le Docteur Boni Yayi, qui procédait à la promulgation de la Loi concernée. C’est ainsi qu’elle est devenue la Loi n° 2015-20 du 19 juin 2015. Et, il faut attendre jusque dans les premiers mois de l’année 2016 pour voir 29 décrets d’application, signés par rapport à cette Loi.
Mais, comme si le mauvais avait décidé de s’acharner contre ces types de fonctionnaires et, notamment, contre les policiers, le Conseil des Ministres du mercredi 13 avril 2016, le premier du pouvoir de la Rupture et du Nouveau départ, décidait de procéder à l’abrogation de 19 des 29 décrets d’application, signés par le régime défunt de Boni Yayi, la majorité de ces textes supprimés se rapportant, notamment, à l’amélioration des conditions salariales des forces de sécurité publique et assimilées. Ces décrets sont les suivants :
1- Décret d’application de la loi 2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publiques et assimilées notamment :
2- Décret n°2016-127 du 5 avril 2016 portant règlement des habillements et des attributs du personnel des Douanes ;
3- Décret n°2016-128 du 5 avril 2016 portant statuts particuliers des Corps et Personnels de l’Administration des Douanes et Droits Indirects ;
4- Décret n°2016-129 du 5 avril 2016 portant règlement de service de l’Administration des Douanes ;
5- Décret n°2016-130 du 5 avril 2016 portant règlement de service à la Police Nationale ;
6- Décret n°2016-131 du 5 avril 2016 portant allocation d’indemnités aux fonctionnaires de police recrutés spécialistes ;
7- Décret n°2016-132 du 5 avril 2016 portant allocation d’indemnités et avantages aux fonctionnaires de police affectés dans les offices, unités, services et brigades spécialisés ;
8- Décret n°2016-133 du 5 avril 2016 portant avantages spécifiques alloués aux personnels de santé de la police nationale ;
9- Décret n°2016-134 du 5 avril 2016 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la compagnie de musique à la police nationale + primes ;
10- Décret n°2016-135 du 5 avril 2016 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la Direction du service de santé de la police nationale ;
11- Décret n°2016-136 du 5 avril 2016 portant création, attribution et fonctionnement des unités spécialisées à la police nationale ;
12- Décret n°2016-138 du 5 avril 2016 portant allocation d’indemnités forfaitaires aux autorités de la police nationale et à leurs collaborateurs immédiats ;
13- Décret n°2016-139 du 5 avril 2016 portant attributions de primes de qualifications aux fonctionnaires de la police nationale titulaire du diplôme du brevet professionnel ;
14- Décret n°2016-140 du 5 avril 2016 fixant les émoluments et avantages accordés aux officiers généraux des forces de sécurité publique et assimilées ;
15- Décret n°2016-141 du 5 avril 2016 portant attributions des indemnités de logement aux personnels de forces de sécurité publique et assimilées ;
16- Décret n°2016-142 du 5 avril 2016 fixant une indemnité de sujétions particulières aux personnels des forces de sécurité publique et assimilées ;
17- Décret n°2016-143 du 5 avril 2016 fixant les modalités de prise en charge des frais d’obsèques des personnels des forces de sécurité publique et assimilées, de leur conjoint et de leurs enfants ;
18- Décret n°2016-144 du 5 avril 2016 portant attribution de primes de premières installations aux personnels des forces de sécurité publique et assimilées ;
19- Décret n°2016-145 du 5 avril 2016 portant attributions de primes de risque aux personnels des forces de sécurité publique et assimilés.
 Depuis l’intervention de cette série d’abrogations, les personnels des forces de sécurité publique et assimilées sont frappés par une démotivation des plus fortes, en attendant que des conditions réglementaires meilleures viennent faire renaître à leur niveau l’espoir d’obtenir de meilleures conditions de vie et de travail.
En réalité, la Loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 comporte 38 pages répartis en 243 articles ; elle a été signée par l’ex-Chef de l’Etat, Boni Yayi, et par plusieurs autres des membres de son Gouvernement, à cette époque : Lionel Zinsou, le Premier ministre chargé du Développement économique, de l’évaluation des politiques publiques et de la promotion de la bonne gouvernance, François Abiola, le Vice-Premier ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Komi Koutché, le Ministre d’Etat chargé de l’Economie, des finances et des programmes de dénationalisation, Martine Evelyne A. da Silva-Ahouanto, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la législation et des droits de l’homme, Théophile Worou, Ministre de l’Environnement, chargé de la Gestion des changements climatiques, du reboisement et de la protection des ressources naturelles et forestières, Aboubakar Yaya, Ministre du Travail, de la fonction publique, de la réforme administrative et institutionnelle, et, enfin, Placide Azandé, Ministre de l’Intérieur, de la sécurité publique et des cultes.




-          Du rêve au désenchantement

Le défilé du 1er août : une occasion hors pair pour les forces de sécurité et assimilées, d’une part, et pour les forces de défense, d’autre part, d’arborer le bel uniforme des grands jours pour accomplir un défilé magistral et prestigieux, que les populations n’aiment jamais se faire conter, tant cela est démultiplicateur d’un sens patriotique qui atteint son point culminant lorsque des chants guerriers, portés à même la voix gutturale des défilants, inondent l’atmosphère et les oreilles et rappellent, tous les Béninois, tous points de différence confondus, à défendre leur patrie. Au-delà des frissons que cette ambiance musicale déclenche de même que de la chair de poule qu’elle provoque, elle fait naître des vocations. Ainsi est le cas de Narcisse, un jeune policier rencontré dans l’une des villes du Bénin et que nous nommons par un prénom d’emprunt, vu les menaces pouvant peser sur sa carrière : « Les policiers, dans leur uniforme bleu brillant, sur la voie du défilé, m’émerveillaient, cela m’a poussé à décider d’entrer dans la police que je croyais un corps de hautes et bonnes conditions de vie ». Hervé, son collègue, d’une autre localité du Bénin, fait la même révélation, taxant le défilé comme un système fabricateur de la vocation policière. Loin de ces précédents, Angelo, du nom d’emprunt d’un policier qui a bien voulu se confier à nous, sous anonymat, révèle les conditions peu vocationnelles de son entrée dans la corporation policière : « Je n’aimais pas particulièrement la police, mais comme j’ai mis enceinte la fille d’un commissaire de police et que je n’avais aucun métier, le père de mon amie a joué de ses relations pour que j’entre dans ce métier afin que je gagne quelque chose pour nourrir ma petite famille, ce qui fut fait ». Mais, à la différence de son prédécesseur de Narcisse, la désillusion d’Hervé se teinte d’une sentence plus qu’amère : « Je ne souhaiterai jamais que mon enfant entre dans la police ». Rien de moins que les conditions de travail pour entretenir ce désenchantement : « Cela fait ma cinquième année dans la police et, tout va de mal en pire », affirme Narcisse, désespéré. Et, selon lui, le régime de la Rupture n’est pas venu pour arranger les choses : « Après avoir fragilisé la Loi Yayi, le régime Talon a fait enlever tous les groupes de sécurité sur toute l’étendue du territoire national, c’est horrible ! Il est venu pour marquer négativement la police ». Et, selon lui, la raison de ce probable acharnement du Chef de l’Etat sur la police n’est pas à aller chercher trop loin : « C’est une manière pour le Président de régler son compte à la police pour l’avoir arrêté, au temps du régime défunt, et pour l’avoir rendu victime de nombreuses tracasseries, à cause des affaires de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat ; on a vu tout ce que l’ancien Dgpn Houndégnon (Directeur général de la police nationale, Ndlr) avait fait, à cette époque, avec les produits radioactifs », suggère Hervé, de son côté, qui, lui, avait quitté la police municipale, croyant améliorer ses conditions dans celle nationale. Le comble de l’humiliation des policiers, pour Narcisse : « Le Gouvernement a instauré un numéro vert contre nous, ce qui nous dégrade complètement ; on aurait pu prendre des mesures, à l’interne, pour sanctionner et ramener à l’ordre les fautifs. Aujourd’hui, c’est juste notre uniforme qui nous donne encore une valeur dans la police, sinon, c’est le calvaire à tous les points de vue », ajoutera Simplice, posté, de nuit, à l’un des carrefours de la ville de Cotonou. « Le numéro vert », continue-t-il, « donne le pouvoir aux populations de nous manquer de respect, surtout que les gens sont aussi autorisés à nous filmer », conclue-t-il.



-      La pauvreté au quotidien

Les conditions de vie et de travail des policiers ne sont pas des plus reluisantes. Pour Narcisse, après 5 ans de service dans la police, son salaire est de 84 mille francs Cfa, toutes primes comprises. Marié et père d’un enfant, il s’est vu dans l’obligation de contracter un prêt en banque pour réussir à acheter un terrain : « Si tu es policier et que tu n’es pas en service à une frontière, ou que tu ne fais pas un prêt en banque, tu ne peux pas acheter une parcelle ; mon prêt me pompe près de 30 mille tous les mois et je dois me débrouiller avec le reste pour faire face à mes charges, on essaie de jongler … ». De son côté, un brin de nostalgie dans les yeux, Hervé ne peut manquer d’exprimer son désarroi social : « Au temps du Président Yayi, tous les trimestres, les policiers percevaient 18% de leur salaire, en guise de prime, par trimestre, et 100 mille francs, par semestre, ce qui n’est plus le cas, sous le nouveau régime qui veut fusionner la gendarmerie et la police, on ne sait à quel saint se vouer », finit-il. «  Il est inquiétant de voir que dans la police, les simples agents ne puissent aller dans les missions de l’Onu, ce qui pouvait permettre d’améliorer leurs conditions financières, ce qui n’est pas le cas chez les militaires où même les soldats de deuxième classe vont en mission », se plaint-il, sans s’interrompre : « Chez nous, il faut attendre au moins une quinzaine d’années de service, tout en étant brigadier, inspecteur ou commissaire », ne manque-t-il pas d’appuyer. En outre, Alban, assis sur une moto, à un autre des carrefours de Cotonou, finit par nous confier, après moult refus : « Dans leur travail, les policiers utilisent leur propre engin, et ils ne bénéficient pas de frais de carburation. Aussi, les principes liés au temps de repos ne sont pas respectés et, un policier peut voir sa journée de repos coupée n’importe quand pour une urgence avec le regret que les primes de mission, qui nous reviennent ne sont pas souvent réglées parce que détournées par la hiérarchie, sans que les brimés puissent s’en plaindre de peur de faire face à des représailles, à l’interne : il est difficile d’être policier au Bénin, c’est un métier rempli d’injustices et, il est impossible de revendiquer ses droits, la police béninoise couve beaucoup de frustrations », finit-il, lassé de notre insistance à lui faire nous parler. « Ce sont les patrons qui se taillent la part du lion, surtout en matière de garde des espaces économiques, alors que ce sont les policiers qui restent sur le terrain, risquant en permanence leur vie, harcelé de toutes parts par les moustiques et les intempéries ! Comment, dans des conditions aussi difficiles économiquement, nous pouvons livrer notre poitrine aux malfrats ? Certains, devant des situations, préfèrent ainsi rester sur place ». Et, à notre grande surprise, il laisse échapper une révélation de taille : « En fait, pour affronter la grande criminalité, tous les policiers ne sont pas formés au même niveau ; c’est le cas de ceux qui sont entrés dans le corps par affaire et à qui l’on a fait fuir les formations. Ainsi, ils sont impuissants devant les malfrats lourdement armés : beaucoup de policiers ne sont pas à la place qu’il faut, c’est eux qui fuient devant les criminels armés jusqu’aux dents ».  



-          Les commissaires, maîtres des îlots

Face aux policiers à la base, il faut trouver les policiers gradés qui sont indexés comme ceux qui bénéficient d’un nombre impressionnant d’avantages financiers, ce qui fait qu’ils sont plus à l’aise que les subalternes, les îlots étant une de leur source de revenus. Narcisse en parle : « Les îlots sont les bâtiments d’institutions financières ou du même genre, que nous devons garder, surtout de nuit ; les commissaires sur le territoire de qui se trouvent ces îlots reçoivent une bonne rémunération de la part de ces institutions, mais savez-vous qu’ils ne pensent pas souvent à nous qui sommes restés sur le terrain, face à la pluie, au soleil et aux moustiques ? Quand on nous voit en uniforme, on imagine que nous sommes à l’aise ; si l’on ne vous étale pas ce que nous vivons, vous ne pouvez jamais vous rendre compte de la souffrance des policiers », finit-il, très amer. Angelo, de son côté, a un autre son de témoignage : « Parfois, les responsables de ces institutions financières nous croyant bien rémunérés par notre commissaire, s’arrogent des droits sur nous, et nous rejetons cela, c’est une situation qui crée des conflits ouverts sur les sites de garde ».



-          Au cœur de l’interventionnisme

Un autre mal frappant notre police et qu’il nous est arrivé de découvrir, au cours de nos recherches, est l’interventionnisme, le fait pour un policier ayant arrêté le véhicule d’un usager, pour une infraction, voit intervenir un collègue de même rang ou un gradé, pour lui demander de libérer le véhicule et les pièces : « Cela dégrade notre corporation », affirme Hervé « et, nous nous retrouvons exposés aux populations, surtout quand c’est un haut gradé qui crie au téléphone devant l’interpellé, l’autorité du policier est ainsi bafouée, nous n’avons alors plus de personnalité devant les usagers, nous sommes fragilisés ». Face à cette situation, Narcisse tire de grandes conclusions : « Notre mal est en notre propre sein ».



Analyse : Les révélations faites par quelques policiers qui ont bien voulu nous aider dans notre investigation montrent le malaise qui couve dans la police nationale. Il serait souhaitable que le régime du Nouveau départ insiste dans le sens des mesures prises, actuellement, visant à améliorer de manière remarquable les conditions professionnelles et sociales des policiers de notre pays. Il y va d’une assurance véritable de la sécurité des populations béninoises.


Réalisation : La Rédaction du Journal Le Mutateur