vendredi 27 novembre 2015

Appel des Béninois à la Marche pour le climat, le dimanche 29 novembre

Dans le cadre de la Cop 21 à Paris


La Salle ’’Bio Guerra’’ de l’Hôtel Azalaï de Cotonou a abrité une conférence de presse organisée par un groupe de 4 personnalités qui avaient pour chef de file, Jean-Louis Pont, représentant de l’Ambassade Belgique près le Bénin. Il s’agissait d’attirer l’attention des journalistes sur la nécessité de sensibiliser la population béninoise à participer massivement à une marche d’ordre écologique qui aura lieu le dimanche 29 novembre prochain à Cotonou.

De gauche à droite, Oumar Sall, Jean-Louis Pont, Souad Barry et Gauthier Amoussou - Photo: Didier Assogba
Tous les Béninois sont invités à prendre part à une marche, le dimanche 29 novembre prochain. Dénommée ’’Marche béninoise pour le climat’’, elle prendra le départ de la Place du Souvenir, ex-Place des Martyrs, à 10 heures précises, pour aboutir à la plage, après 60 minutes de parcours. L’information qui ressort de la conférence de presse tenue, le jeudi 26 novembre 2015, par un collectif de personnalités, dirigé par Jean-Louis Pont, émanant de l’Ambassade de la Belgique au Bénin, celles-ci qui l’entouraient étant Oumar Sall, Directeur général des Hôtels ‘’Azalaï’’, Souad Barry, Responsable du Programme des volontaires des Nations unies, et Gauthier Amoussou, Responsable de l’Ong ’’Eco-Bénin’’.
Pour ce qui se rapporte à la marche indiquée, elle nécessite que tous les participants soient vêtus de vert, un habillement en pagne africain de la même couleur n’étant pas exclu. Cet uniforme vestimentaire créerait une harmonie verte devant générer « une forme humaine qui sera prise en photo aérienne », et celle-ci sera mise en ligne sur le site web d’Avaaz, l’Association organisatrice de la manifestation.
En effet, elle s’effectue dans un contexte où la Conférence des Nations unies pour le climat (Cop 21) se tient à Paris, dès le 30 novembre 2015, et devra amener les dirigeants des pays du monde à prendre des engagements en faveur de la réduction du taux des gaz à effet de serre à moins de 2°C. Selon Jean-Louis Pont, la participation à la ’’Marche béninoise pour le climat’’ serait un moyen pour les citoyens béninois « d’exprimer leur engagement pour demander aux dirigeants de la planète de prendre des décisions pour limiter les changements climatiques à moins de 2° et, aussi, pour favoriser le passage à l’énergie verte », ce qui amènerait les populations du monde à « un mode de consommation d’énergies propres ».
Apportant, par ailleurs, des détails sur le déroulement de la marche, Jean-Louis Pont a indiqué qu’elle aboutira à « une action symbolique de jeté d’une calebasse à la mer », celle-ci devant contenir un « message d’appel au secours » des chefs d’Etats actuels. Enfin, la manifestation pacifique est prévue pour se clore par le « nettoyage d’une portion de plage », ce qui, à en croire ses propos, « permettra aux participants de se rendre utiles », à l’image du pragmatisme qu’ils espèrent des responsables politiques.  
De son côté, Oumar Sall a montré que les Béninois n’avaient pas d’autre choix que d’honorer en grand nombre le rendez-vous du dimanche 29 novembre prochain, surtout que l’Afrique ne génère que 4% de la pollution dans le monde, mais qu’elle vit, avec une ampleur très abondante et grave, les conséquences de la puissante pollution en provenance des pays développés. Pour lui, en outre, la participation à la marche serait un moyen pour les Africains de prendre conscience qu’ils doivent exercer une grosse pression sur les firmes occidentales pour qu’elles normalisent les biens de consommation qu’elles fabriquent et qu’elles envoient spécifiquement en Afrique, sans aucun respect des exigences écologiques. A ce propos, il a vivement indexé les voitures haut de gamme comme les 4x4, le gaz domestique, les sachets plastiques, entre autres, martelant que les gouvernements africains ont juste des mesures politiques à prendre pour relever ce défi.  
Quant à Gauthier Amoussou, il a insisté sur l’importance de la « Marche béninoise pour le climat » pour que même les populations béninoises analphabètes comprennent que des phénomènes comme le retard dans l’arrivée des pluies, notamment, sont liés plus aux changements climatiques qu’à leurs croyances. De plus, il a établi une relation frappante de cause à effet, montrant que l’absence des pluies causait l’absence d’eau et, par conséquent, la menace des pâturages et la naissance de conflits durables. Ceci l’a amené à conclure qu’elles ont énormément besoin de sensibilisation, sans oublier que même les Cotonois n’ont aucun intérêt à se croire loin des conséquences néfastes des changements climatiques, eux qui vivent concrètement l’avancée de la mer, au niveau de la plage.
La responsabilité des hommes de médias étant ainsi située, il ne leur reste qu’à jouer leur partition pour la réussite de la « Marche béninoise pour le climat » du dimanche 29 novembre.


Marcel Kpogodo




Communiqué de presse


Marche béninoise pour le climat du 29/11/2015


Le 30 novembre, les dirigeants du monde entier se rassembleront à Paris pour le début des négociations sur le prochain accord sur le climat. La veille de l’ouverture du sommet, des citoyens de tous les pays descendront dans les rues et demanderont aux responsables de tous les gouvernements de s’engager pour 100% d’énergies renouvelables. Ensemble, nous pouvons amener le monde à un accord qui éradiquera les énergies fossiles et offrira des énergies renouvelables à toutes et tous. Ensemble, écrivons l’histoire. Inscrivez-vous à la Marche Mondiale pour le Climat.
Un scientifique de renom vient de s’effondrer en pleurs pendant une interview sur la pollution due au carbone. Il décrivait un futur sombre où les océans mourraient. Que son cauchemar devienne ou non réalité ne dépend que de nous.
Le sommet sur le climat le plus important de la décennie aura lieu dans quelques jours, et nos dirigeants pourraient décider d’y adopter un objectif révolutionnaire pour éradiquer les énergies fossiles. Cette solution pourrait nous épargner une catastrophe climatique et alerter les responsables politiques, les dirigeants d’entreprises et les marchés que l’ère des énergies fossiles est terminée. Nous ne gagnerons pas facilement, mais si nos dirigeants comprennent combien ce mouvement est puissant, nous pouvons l’emporter.
L’année dernière, l’association mondiale Avaaz a participé à la plus grande mobilisation pour le climat de l’histoire lors de la Marche Mondiale pour le climat. Le 29 novembre prochain, quelques heures avant que les dirigeants n’arrivent à Paris pour le Sommet sur le climat, il nous faudra être encore plus nombreux !

En préliminaire à la COP 21 de Paris se déroulera le dimanche 29 novembre 2015 la « Marche Béninoise pour le Climat ». Le rendez-vous est fixé à 10h00 à la Place des Martyrs pour se terminer vers 12h30 par des actions symboliques sur la plage, derrière le Centre International de Conférence.
Cette marche est essentiellement citoyenne et rassemblera des personnes de toutes sensibilités, notamment, du monde associatif, privé, public, d’organisations internationales, de partenaires gouvernementaux.
Elle vise à réclamer des décisions ambitieuses et courageuses de la part des mandataires des populations de notre Planète en vue de limiter le réchauffement climatique à moins de 2° et de procéder à une transition énergétique très rapide vers les énergies très peu polluantes, dites « vertes ».
L’Afrique et le Bénin porteront leur voix avec davantage de force que leurs citoyens se seront massivement mobilisés pour réclamer leur droit à vivre dans un monde apaisé, plus équitable et au climat sain, au bénéfice des contemporains et de leurs enfants et petits-enfants.  

mercredi 18 novembre 2015

Des problèmes soulevés par la 5ème journée du procès de l'Affaire ''Dangnivo''

A partir du compte-rendu du Journaliste Wilfried Léandre Houngbédji


Le vendredi 13 novembre 2015, cinquième journée du jugement de l’Affaire ’’Dangnivo’’, a permis de faire ressortir un certain nombre de problèmes d’ordre juridique, ce qui ne laisse pas attendre la poursuite du procès, selon le compte-rendu de Wilfried Léandre Houngbédji, du Quotidien ’’La Nation’’.
Codjo Cossi Alofa

Des exceptions d’inconstitutionnalité paralysent le procès

Pour gagner une place dans le prétoire, vendredi 13 novembre dernier, il fallait montrer patte blanche… exhiber sa pièce d’identité dès le portail de la cour d’appel. Il faut s’assurer de qui sont les spectateurs de ce procès qui voit jugés Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou, pour les crimes d’assassinat et de complicité d’assassinat dont la victime serait Pierre Urbain Dangnivo. Cela, les avocats de la partie civile et de la défense avaient demandé à l’accusation, dès jeudi 12 novembre, de l’établir formellement. Faute de quoi le procès, selon eux, ne pourrait se poursuivre. Le ministère public, quoique comprenant la justesse de l’exception, soutient qu’elle peut faire l’objet d’une décision commune avec le fond du dossier. Que va décider la cour ? C’était la préoccupation des uns et des autres en entrant dans le prétoire…

Contrairement aux jours précédents, c’est à 9h55 que l’audience s’est ouverte. Le président de la cour de céans, Félix Dossa, annonce que la cour réserve la suite à donner aux demandes de la défense et de la partie civile, et fera savoir sa position à la fin de l’audition des témoins. Il ordonne de faire venir le témoin Laurent Mètongnon à la barre. Réaction immédiate de la partie civile. Me Joseph Djogbénou annonce que la réponse attendue sur une question préjudicielle étant renvoyée à la fin de l’audition des témoins, la partie civile ne saurait s’associer à la poursuite des débats. Il soulève, par suite, une exception d’inconstitutionnalité sur le fondement des dispositions de la Constitution et du code de procédure pénale. Et développe que c’est une obligation pour la cour, lorsque les demandes de renvoi pour supplément ou complément d’informations sont exposées, de surseoir les débats. Or, relève-t-il, le code de procédure pénal, en ses articles 290 et 292, en fait une faculté. Cela, déduit-il, est contraire à la Constitution. A l’appui, il invoque l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme. Et martèle que l’exception d’inconstitutionnalité vise à imposer le renvoi à la cour. C’est alors qu’il développe, dénonçant des pressions et faisant allusion à une dimension politique du dossier : « Nous autres n’avons pas de colonels, de généraux, d’inspecteurs… Nous n’avons pas eu de missions, de commissions, de préoccupations sur notre état de santé… Nous n’avons pas d’agents de renseignement, nous n’avons que la force du droit et nous allons y puiser toutes les ressources. Ce procès est organisé dans le sens de délivrer un permis de tuer. Les débats ont révélé que dans ce procès tout vient de la présidence et tout y revient. Si Dangnivo est vraiment mort, son cadavre est peut-être à la présidence de la République… Je sais les pressions qui s’exercent… Ce 12 octobre 2010 à la présidence, on nous a suppliés de convaincre la famille de donner son sang… Ce procès ne peut pas se tenir. On se réunit au palais de la République pour savoir pourquoi tel avocat peut intervenir aux côtés de la partie civile… Je sais que la Cour constitutionnelle est mobilisée et peut rendre sa décision dans deux heures… Mais lorsque l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée, l’audience est levée et la conséquence, c’est un renvoi à une session ultérieure et non une suspension … Si nous acceptons que la décision intervienne après les auditions de témoins, on nous dira après qu’il faut passer à la lecture des pièces puis aux plaidoiries…»



Garantir le procès équitable

Me Nicolin Assogba renchérit que le sursis à statuer, en pareille occurrence est immédiat, imposé par le code de procédure pénale. Puis fait observer que dans ce dossier, les droits de la défense sont violés, ceux de la partie civile, gravement violés. A son tour, il déniche un motif d’inconstitutionnalité et révèle que les dispositions du décret relatif aux frais de justice criminelle (articles 2 et 3) offrent au ministère public d’avoir tous les dossiers aux frais de l’Etat alors que la partie civile doit acheter le dossier. Cela est contraire à l’esprit du procès équitable. « Les choses se passent comme si on veut un arrêt plutôt que la vérité. Le temps des facultés est passé, nous sommes à l’heure des obligations », enfonce-t-il. Les supports de ces exceptions d’inconstitutionnalité sont diligemment déposés à la cour. 
Par ailleurs Me Djogbénou annonce qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée contre le nommé Priso afin qu’il change de statut, puisque le ministère public ne veut pas s’y résoudre.
Me Baparapé s’invite dans la partie. Exprime la crainte que, dès le début de la procédure, les magistrats ne soient instrumentalisés. « Parce qu’au-delà du théâtre que nous sommes en train de faire, nous savons tous que ce procès ne devrait pas se tenir, en tout cas pas en ce moment. Mais puisqu’on a voulu d’un procès, on y a mis les moyens et les acteurs pour jouer au théâtre. C’est, contraints et forcés, que nous, avocats de la partie civile, nous y sommes associés, pour porter la voix et la douleur, devant l’opinion, de la famille Dangnivo. Nous assistons à une parodie de justice… Ils savent très bien que Dangnivo n’est pas mort. Sur quel fondement se tient alors ce procès ? Dans l’histoire des disparitions, on sait que des gens réapparaissent de longues années après. En l’espèce, qu’est-ce qui prouve donc que le disparu est mort ? Nous de la partie civile, c’est comme si nous sommes venus à ce procès par effraction puisque personne ne nous a invités… », développe-t-il.



Côté défense, Mes Magloire Yansunnu et Théodore Zinflou disent attendre la décision de la Cour constitutionnelle.

L’exceptionnelle d’inconstitutionnalité soulevée semble imparable. Le ministère public considère que « la loi est dure, mais c’est la loi », se dit respectueux de la loi, et invite la cour à faire ce que de droit face à ce moyen. La suspension de l’audience intervenue aussitôt après, durera 2h. Le temps pour la cour de décider si elle continue les débats ou si elle y met fin momentanément en attendant la décision de la Cour constitutionnelle. Félix Dossa annonce le sursis à statuer. Joie du public et de la famille du disparu. Avocats de la défense et de la partie civile ne cachent pas leur satisfaction.

Wilfried Léandre Houngbédji (Publié dans ’’La Nation’’ du lundi 16 novembre 2015)

vendredi 13 novembre 2015

La 4ème journée du procès de l'Affaire ''Dangnivo'' livre ses vérités

A partir d'un compte-rendu du Journaliste Wilfried Léandre Houngbédji


Le jeudi 12 novembre a continué de se dérouler le procès de l'Affaire ''Dangnivo'', à la Cour d'appel de Cotonou. Cette 4ème journée a permis de faire défiler des personnalités du monde politique, notamment, ce que nous permet de découvrir notre confrère Wilfried Léandre Houngbédji, à travers son compte-rendu, dans le Quotidien ’’La Nation’’.
Codjo Cossi Alofa
Chaudes explications entre accusés et témoins, liberté provisoire réclamée pour les accusés
L’instruction à la barre du procès de l’affaire Dangnivo s’est poursuivie ce jeudi 12 novembre. Mesures de sécurité renforcées autour des accusés Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou qui arrivent à la cour d’appel à bord des mêmes véhicules de maintien d’ordre, les fameux « chars », portant cagoule au visage, gilet pare-balles surplombant le thorax, casque vissé sur la tête et mains menottées dans le dos. A 8h15, ils sont conduits dans le prétoire qui grouille déjà de monde. La sécurité est renforcée autour de la cour d’appel. Les réseaux GSM sont brouillés dans le prétoire, les équipements de sonorisation ont disparu du hall d’accueil, sans doute pour éviter les relais instantanés et pas forcément fidèles des débats sur les réseaux sociaux. Le greffier d’audience est Me Alain Cakpo.
En ouvrant l’audience à 8h55, le président Félix Dossa informe le public qu’il ne souhaite plus avoir d’applaudissements dans la salle. Me Djogbénou objecte que ce sera difficile et qu’il aurait fallu aussi les interdire en dehors de la salle. Puis l’avocat de la partie civile croit bon de revoir l’ordre de passage des témoins pour que certains, cités par lui ou la défense, notamment les sieurs Laourou, Koumasségbo et Mètongnon, passent en premier ; leurs dépositions pouvant être plus longues. Approbation de l’avocat général, Gilles Sodonon, qui pense que les témoins cités par les accusés pour tel ou tel comportement pourraient effectivement être entendus d’abord, pour laver leur honneur et retourner vaquer à leurs occupations et surtout que le témoin Priso pourrait rester bien plus longtemps à la barre. Celui-ci s’y était déjà porté depuis cinq minutes, il est 9h08 quand il va s’en éloigner pour être reconduit dans la salle des témoins. Joseph Djogbénou s’en étonne et signale que la partie civile ne lui a pas encore posé ses questions. Il suggère d’en finir plutôt avec ce témoin avant de passer aux autres. A l’une des questions, il réitère qu’ayant été appelé à la présidence de la République par le colonel Koumasségbo alors qu’il était avec Donatien, et qu’ils devraient s’y rendre ensemble, celui-ci a décliné l’invitation prétextant qu’il avait autre chose à faire. La partie civile l’assaille de questions, pour comprendre pourquoi c’est lui que Polo le nigérian appelle tard dans la nuit. Pourquoi le véhicule garé à l’hôtel a attiré son attention… Il ne comprend pas pourquoi c’est lui que Polo a appelé, rappelle que celui-ci est un ami de Donatien et que c’est la raison pour laquelle, intrigué par le contenu du sac, il a appelé Donatien pour l’informer. Quand il s’estime enquiquiné par la partie civile, il précise ses propos, jure qu’il dit la vérité car « il y a un Dieu », et fait savoir que ce n’est pas à Agla qu’il a été appelé à identifier Alofa, mais qu’ils sont partis de là pour la brigade de recherche, où « ça allait chauffer parce que les agents avaient commencé à débarrasser la table ».

Alofa torturé ? 
Appelé à expliciter son propos, il expose qu’Alofa ne répondait pas aux questions que lui posaient les gendarmes et qu’ils ont dû penser qu’ « il fallait passer à autre chose ». Pour la partie civile et la défense, cela est un acte de torture et la cour doit en donner acte. « Je peux vous dire que ce monsieur n’a pas été torturé » rectifie le témoin. Pas du goût de la partie civile qui le reprend et le prie de rappeler dans quelles conditions Alofa a indiqué Donatien comme son complice, quand et dans quelles conditions il a vu Alofa à bord du véhicule. « C’est plusieurs jours (trois ou quatre) avant que l’affaire ne fasse des vagues, devant l’hôtel, que je l’ai vu… », répond le témoin. Pour répéter ensuite qu’ayant déposé le sac et son contenu à Océan FM, il a continué à appeler Donatien qui ne se présentait toujours pas, comme depuis qu’il l’a informé d’avoir reçu un sac de son ami. C’est plus tard qu’il apprend que « Amoussou est impliqué ». Cela, dit-il, l’a surpris puisque c’est ce même Donatien et son frère Auguste qui ont pris l’initiative d’aller voir l’ancien DG/ORTB, Julien Pierre Akpaki, qui les enverra vers le colonel Koumasségbo à la présidence de la République. Il renseigne aussi que le jour où Alofa a identifié Donatien comme son complice, à la brigade, il y avait un groupe de personnes dont certaines en civil, d’autres encore torse nu. Me Magloire Yansunnu en déduit que le contrôleur général Prince Alédji a pu faire économie de vérité la veille, en ne reconnaissant pas « la scène » où Donatien a été mis en présence de personnes qui étaient torse nu. Sur ces entrefaites, Donatien ne ressort pas libre. Lui Priso s’en inquiète, cherche à comprendre. On lui fait savoir qu’ « il ne dit pas la vérité » et qu’ « il est impliqué car les listings le dénoncent». Ses déclarations laissent pantois Me Yansunnu qui lui dit son étonnement quant à sa mise hors de cause. Il s’étonne à son tour et réfléchit à haute voix : « Donc selon vous, on devait m’arrêter… ». Rires dans le prétoire. Rires encore chaque fois que le témoin déclare ne pas comprendre une question pour se la faire préciser, comme lorsque Me Zinflou lui demande que retenir de ses déclarations antérieures ou de celles qu’il fait à la barre. Priso répond : « Si vous avez des questions à poser, allez-y ! » Les questions l’amènent à expliquer que c’est M. Dégbo qui a emmené Alofa du commissariat d’Agla vers la gendarmerie… Au bout de 90 minutes pratiquement de déposition, le témoin peut souffler.


« Alofa a reconnu être l’auteur du meurtre »

Lui succède à la barre, le commissaire de police Séidou Houndé, en poste au commissariat de Fidjrossè à l’époque. C’est à ce titre qu’il a été désigné pour faire partie de la commission d’enquête mise en place. C’est lors d’une confrontation avec un Camerounais qu’Alofa, qui avait jusque-là nié les faits, a déclaré être l’auteur du meurtre, se souvient-il. C’est alors qu’il lui a été demandé d’indiquer où se trouvait le corps. Il a ainsi déclaré que le corps était inhumé devant son domicile… Sur les lieux, et sur son indication, à peine a-t-on commencé à creuser que l’odeur de putréfaction a infesté l’environnement. Plus tard, un expert allemand, en autopsiant le corps, a relevé qu’un os de la gorge était cassé, restitue encore le commissaire. Qui a rejoint la commission le 17 septembre alors qu’elle était en place depuis deux semaines déjà, et laisse entendre que les « aveux » d’Alofa sont intervenus hors sa présence, que cela corroborait les déclarations de ce dernier qui aurait laissé entendre à la commission que c’est avec un fil de fer que Dangnivo a été étranglé. Joseph Djogbénou, qui considère le Camerounais Priso comme « un agent, un informateur », prie la cour de la garder jusqu’à la fin des débats.
Gilles Sodonon invite la défense et la partie civile à observer scrupuleusement les dispositions de l’article 316 du code de procédure pénale et à ne plus poser des questions qui influencent les témoins. Colère de la défense qui invite carrément à « ôter la vie aux avocats », sinon à leur « ôter la parole » et alors il n’y aurait pas de procès. La défense qui accuse le ministère public de « faire corps avec les témoins ». Volées de bois verts entre avocats. Le président Félix Dossa, avec énergie, reprend la police de la parole. Me Nicolin Assogba de la partie civile, s’étonne que les aveux étant intervenus à fin septembre d’après les procès-verbaux, le témoin ne puisse dire s’il était présent ou pas. Finalement pas très intéressant pour la défense et la partie civile, l’officier de police est prié de céder la place au témoin suivant.


Le témoin Priso, l’indicateur ?

L’adjudant chef Lucien Dègbo arrive, s’appuyant sur une béquille côté gauche. Il balaie du regard le banc des accusés. Il est autorisé à s’asseoir sur une chaise. L’accusé Alofa sollicite l’autorisation de satisfaire un besoin physiologique. L’avocat général porte sa doléance à la cour qui y accède. Il se retire sous bonne garde et revient deux minutes après. Les deux accusés se concertent de temps à autre. « Aujourd’hui est un grand jour pour que la vérité éclate » commence M. Dègbo qui poursuit qu’Alofa a déclaré avoir connu Dangnivo par sa femme de Godomey, que celui-ci l’a sollicité pour connaître de la promotion dans son service, aider sa fille à trouver un mari et éliminer dame Prisca et son enfant qu’elle lui attribuait… De tout ceci, il aurait informé son ami Isidore Akon qui aurait suggéré, puisque lui était prêt à éliminer des personnes, de l’éliminer lui-même plutôt. Parti pour un rendez-vous avec Alofa, Dangnivo se serait égaré et Alofa aurait envoyé son ami Isidore le chercher pour le conduire à la maison. Le meurtre serait survenu après qu’ils lui auront donné du somnifère (fourni par Donatien et porté par Polo) dans de l’eau de vie locale (sodabi), dont le troisième verre l’aurait plongé dans le coma après que les deux premiers l’eurent secoué au point de le faire dandiner… Alofa aurait raconté à la commission comment ils ont ensuite donné un coup à la nuque de la victime. Sa sortie serait alors sortie de sa bouche, ils l’auraient coupée, de même qu’ils lui auraient arraché l’œil gauche, les deux oreilles, le cœur, le bijou de famille… (rires dans le public). « Si au commissariat Alofa ne voulait pas reconnaître les faits, dès que nous avons introduit Priso, il est passé aux aveux », rapporte le témoin Dègbo. Qui complète qu’ayant conduit la commission sur les lieux, Alofa a indiqué non loin de la sépulture, un bocal contenant les organes prélevés. De même, il renseigne qu’Alofa a révélé que la ceinture de Dangnivo et son portable double SIM étaient en sa possession. Lequel avait été déposé au greffe de la prison civile puisque la commission l’a effectivement retrouvé là. La partie civile veut comprendre pourquoi, à la seule vue de Priso, Alofa serait passé aux aveux. « C’est un informateur et sans lui on n’aurait peut-être jamais vu le corps, on ne serait peut-être pas là aujourd’hui » répond M. Dègbo. Des demandes de « donner acte » fusent des bancs de la défense et de la partie civile. Appelé à dire pourquoi la vue de Priso susciterait une telle réaction chez Alofa, il justifie : « Il était à l’hôtel quand les accusés y sont revenus le jour où ils ont tué Dangnivo et a pu voir ce qu’ils manigançaient… » A ce moment, surgit dans le prétoire Priso. La partie civile et la défense s’en indignent, dénoncent cette intrusion, protestent contre sa présence et n’entendent pas qu’ « il soit l’indicateur de la cour après avoir été celui de la commission d’enquête ». Ils affirment que c’est le ministère public qui a demandé qu’on l’introduise. Gilles Sodonon ne permet pas qu’on dise des « contre vérités ». Le président de la cour de céans assure être celui qui a demandé de conduire le témoin dans la salle d’audience. Il en sera retiré. Jean de Dieu Houssou se porte vers le témoin Dègbo, son client, et lui chuchote quelques mots. Ça gronde du côté de la partie civile. Eclats de voix entre avocats. Le calme revient. Quand on lui demande à quel moment il a rencontré les experts français et allemand, il répond que c’est après la découverte du corps. Quand ce corps a-t-il été découvert ? « Le 27 septembre », affirme-t-il. La partie civile entend se faire donner acte de ce qu’il a dit avoir rencontré les experts le 27 septembre. Il proteste, et précise avoir bien dit après le 27. Clameurs dans le prétoire. Me Zinflou n’a qu’une question pour le témoin : « Lorsqu’on arrête quelqu’un dans le cadre d’une procédure et qu’on retrouve des portables sur lui, qu’est-ce qu’on en fait ? » Il répond, à la satisfaction de l’avocat, « on les saisit et on en fait mention dans le procès-verbal ». Aux préoccupations de Me Magloire Yansunnu relativement aux conditions dans lesquelles les aveux d’Alofa seraient intervenus, il répond que les choses ne se sont pas passées comme l’aurait indiqué Priso. Ni comme le soutenait M. Prince Alèdji, s’agissant des conditions dans lesquelles Donatien a été identifié par Alofa. Selon lui, parce qu’il ne répondait pas aux convocations de la commission, Donatien était devenu suspect et c’est pour cela que le commandant de compagnie l’a invité, qu’on l’a présenté à Alofa avec d’autres personnes dont certaines étaient torse nu…


Explications entre accusés et M. Dègbo

C’est de ce M. Dègbo que Donatien avait dit qu’il lui a tendu un piège en lui proposant de s’enfuir alors qu’il le conduisait du tribunal à la prison civile. « Il n’en est absolument rien », rectifie le témoin. Qui parle plutôt d’une « tentative de fuite » de l’accusé. Confronté à Priso au sujet des conditions d’identification de Donatien, M. Dègbo nuance ses propos et dit ne plus pouvoir dire formellement si les choses se sont passées comme le soutient Priso. Lequel récuse le portrait d’ « informateur » qu’on peint de lui, fait clairement savoir quand il ne comprend pas certaines questions, ce qui déclenche les désapprobations de la salle. Pour M. Dègbo, « informateur, agent de renseignement, dénonciateur, sont des mots de même famille ». Tempête de rires. Priso a-t-il déclaré à la commission qu’Alofa était gardé dans un commissariat sur la route de Calavi pour vol de moto ? M. Dègbo dit ne pas s’en souvenir. Me Yansunnu insiste pour savoir si des tables ont bien été dégagées de son bureau où on interrogeait Alofa et où il aurait fait les aveux. Réponse de Priso qui ne peut s’empêcher de sourire : « Les gens ont juste poussé les tables.» Il accompagne cette réponse du geste. Alofa, invité à la barre, répète que le sœur Lucien Dègbo est bien au fait de ce qui a pu se passer avec le sieur Dangnivo, puisque c’est lui, un certain Jean Aladé, et un troisième qui ont monté le coup et l’ont amené à porter la responsabilité. En réponse, M. Dègbo revendique 30 ans de service bien accomplis. « Mais comment Alofa, qui loue l’immeuble qu’il habite, aurait-il pu inhumer un cadavre en ces lieux ? » lui lance Me Yansunnu. Il répond qu’il faut qu’il interroge bien son client. La partie vire à un dialogue entre Alofa et M. Dègbo. Le premier demande au second s’il lui a régulièrement procuré à manger, donné de l’argent (58.400 FCFA notamment une fois) et autres utilitaires (dentifrice, brosse à dents). Toutes choses qui, à ses dires, ne visaient qu’à le conditionner ou à lui témoigner soutien après qu’il a accepté de porter la responsabilité. L’adjudant chef retraité oppose que c’est parce qu’il n’avait personne et que l’Etat ne lui a pas donné des moyens pour s’en occuper. L’avocat lui fait observer qu’il a rendu visite à Alofa aussi bien pendant sa garde à vue, qu’à la prison civile de Missérété. Il précise que c’est une seule fois qu’il lui a porté du gari et du sucre à la prison, reconnaît lui avoir donné de l’argent sans plus pouvoir dire combien. Mais pas du riz ou du dentifrice. Alofa tutoie carrément son vis-à-vis, le regarde dans les yeux et lui suggère de solliciter une permission de la cour pour aller boire un peu du breuvage qu’il lui servait pour l’aider à vaincre ses peurs, afin de revenir pour dire la vérité. Quant à Donatien, il développe que c’est en repartant du parquet pour retourner à la prison que la scène dont il parlait précédemment s’est produite et en livre à nouveau des détails. M. Dègbo rappelle régulièrement qu’il est « un agent assermenté », soutient plutôt que c’est Donatien qui lui a demandé de bien vouloir lui desserrer un peu les menottes parce qu’il avait mal et alors qu’il essayait déjà à son insu de se défaire desdites menottes. C’est suite à cette scène, reprend Donatien, que le commandant Laourou est arrivé et qu’on l’a bien maltraité, transporté dans la malle arrière du commandant, avant d’aller encore le battre… En sus, des menaces et intimidations auraient été exercées sur lui et ses amis, des accointances ont pu exister aussi entre eux et certains responsables jusqu’à ce que le colonel Koumasségbo leur défende de répondre aux appels de M. Dègbo et du capitaine. Des déclarations que Priso dit confirmer. L’adjudant-chef Dègbo semble ébahi… Me Djogbénou relève que sur le document qu’il a introduit à la cour comme étant fourni par la morgue après le dépôt du corps de Womey, il est mentionné « date et lieu du décès : 27 septembre »


Lani Bernard Davo confirme les propos de Donatien mais nuance …

Lani Bernard Davo est à la barre. Il ne connaît pas Donatien mais reconnaît être allé le voir à la prison et lui avoir donné 50000 FCFA. « Un jour courant avril 2014 alors que je me rendais sur Porto-Novo, se rappelle-t-il, j’ai reçu un appel d’un agent de la garde rapprochée du président de la République qui était en mission avec lui à Parakou. C’est cet agent qui m’a demandé, soutenant que c’est de la part du chef de l’Etat, d’aller remettre 200000 FCFA à un prisonnier du nom d’Amoussou, qui serait souffrant. » Il dit avoir répondu qu’il n’avait pas cette somme, que l’on a essayé aussi de joindre son ancien collègue Houaga pour la même cause mais sans succès. Il poursuit qu’une fois sur les lieux, il a plutôt rencontré le procureur général Georges Constant Amoussou qui lui paraissait très en forme. Il a alors essayé de joindre en vain, le garde. C’est le soir qu’il sera rappelé par ce dernier, qui lui fait comprendre qu’il n’a pas vu la bonne personne et qu’il devrait retourner demander à voir « Amoussou le militaire ». « C’est ainsi, poursuit le témoin, que je suis retourné sur les lieux lui remettre la somme de 50000FCFA. Là-dessus, le détenu a exprimé sa déception puisqu’on lui aurait plutôt promis 200000FCFA, et il s’est plaint de ce que les autres sont en liberté et lui en prison, qu’il faut qu’il soit libéré aussi… » Donatien persiste que l’ancien ministre est passé le voir par trois fois en prison et que le registre de la prison peut en témoigner. La première fois, il lui aurait remis 20000FCFA, 80000FCFA la deuxième fois et, la troisième fois, 200000FCFA dans un livret de poche intitulé « La bonne semence ». Le tout, de la part « la haute autorité » et lui suggérant de répondre au régisseur, s’il demandait la raison de son passage en ces lieux, qu’il avait été son garde corps. Ce qui n’était nullement le cas… M. Davo, ne pouvant dire si le chef de l’Etat se préoccupe des détenus, considère cependant comme vraisemblable qu’il se soucie de la situation des gens. Il n’exclut pas que les faits fussent aussi l’œuvre d’un réseau d’escroquerie. Il reconnaît également avoir laissé au détenu la brochure, parce que le croyant souffrant, et l’invitait ainsi à s’abreuver de la parole de Dieu, mais soutient n’être allé à la prison qu’une seule fois, et n’avoir remis que la somme de 50000FCFA à Donatien.


N’Dah, Laourou et Koumasségbo déposent

Pour sa part, le général Théophle N’Dah, ancien ministre de l’Intérieur (sous le président Mathieu Kérékou), déposant à la barre, dit ne pas connaître Alofa mais avoir déjà rencontré Donatien. Il dit s’être rendu à la prison civile de Porto-Novo pour voir l’ex procureur général (PG) Georges Constant Amoussou, courant avril 2014. « C’est la coïncidence de noms qui a fait qu’on a extrait Donatien plutôt que l’ex procureur général », explique-t-il. « Faux ! » s’insurge Donatien, qui persiste à dire que l’ancien ministre a bien rencontré le PG, et lui aussi pour lui remettre une somme de 250000FCFA « de la part du palais ». Qu’il avait même voulu lui remettre sa carte de visite avant de s’en abstenir. Et s’étonne qu’alors qu’un Amoussou célèbre (l’ex PG) était en détention, qu’on soit plutôt allé le chercher lui, Donatien, pour le ministre. « Non, c’est bien moi qu’il était allé voir et le registre peut en témoigner » gronde l’accusé. Le témoin n’en revient pas, s’indigne…
Quant au commandant Enock Laourou, Directeur des Services de Liaison et de la Documentation (DSLD) de la présidence de la République, il fait la moue quand la cour lui présente les accusés. Le public en rit. Il déclare sobrement que c’est par voie de presse qu’il a eu connaissance de l’affaire Dangnivo et que ses fonctions ne lui permettent pas d’en dire plus. Me Djogbénou le rassure qu’on ne lui en voudrait pas si malgré le serment prêté, il n’était pas en mesure de répondre aux questions qui lui seraient posées. L’officier de gendarmerie lui demande de poser ses questions, auxquelles il répondrait autant que possible. L’avocat lui demande à brûle pourpoint ce qu’il s’est passé à la présidence de la République avec Dangnivo. Il s’indigne et fait savoir ensuite qu’il n’est arrivé à son poste qu’en 2012, donc après le déclenchement de l’affaire. L’incident du camp Guézo avec Dègbo et Donatien comme protagonistes, il dit en avoir été informé, s’être porté sur les lieux, avant de repartir. Version angélique d’après Donatien qui soutient encore que le commandant lui a posé une godasse sur la tempe pendant 5 à 6 minutes, qu’il lui a dit que la population saurait qu’ils ont arrêté un innocent pour l’affaire Dangnivo. C’est alors que le commandant l’aurait embarqué dans la malle arrière de sa voiture alors qu’il était déjà introduit dans une pick-up. Et qu’une fois à la brigade, il a ordonné à des agents de bien le frapper. Amusement de l’officier qui affirme que s’il avait été sur les lieux de la tentative d’évasion de Donatien, il aurait aidé ses collègues à le rattraper et que, le cas échéant, « on ne l’aurait pas caressé ». La défense, qui dit n’avoir pas eu de procès-verbal d’arrestation ni de transfèrement malgré ses demandes dans ce sens, veut savoir ce que l’officier sait du transfèrement d’Alofa du Togo vers le Bénin puisqu’il dit avoir été à Hillacondji pour « suivre de loin », en sa qualité de DSLD. Son avocat, Elie Vlavonou, objecte que cela n’entre pas dans le cadre de la présente affaire. Désapprobation du public. Echanges d’amabilités entre avocats… Le commandant ne reconnaît pas avoir transporté Donatien dans sa malle arrière, les mains menottées dans le dos. Mieux, « je ne veux pas lui répondre », tranche-t-il.
Au tour du colonel Sévérin Koumasségbo, ancien chef du service sécurité à la présidence de la République et actuellement en mission à l’Ambassade du Bénin à Paris, de plancher. Sa version diffère en partie de celles de Donatien et Priso. Car, d’après le récit que Priso lui aurait fait, il avait dit reconnaître dans le véhicule Audi blanc, quelqu’un qu’on appelait « hounnon » (NDLR : guérisseur) et qu’il pouvait identifier à nouveau… Le colonel dit avoir commencé à douter de Donatien lorsqu’il s’est dérobé à un rendez-vous à trois en prétextant qu’il était à Ouidah, et que finalement son frère aîné (à qui il se plaignait) l’a conduit à lui après lui avoir signalé que Donatien n’était pas à Ouidah. C’est lui, Koumasségbo, qui a mis les intéressés en contact avec la commission d’enquête… La défense se fait donner acte de ce que le colonel a déclaré qu’ayant appris qu’il était sur le dossier, le chef de l’Etat lui a donné de l’argent et invité à faire savoir s’il en avait davantage besoin. Elle est intriguée par le fait que Priso ait pu l’informer de l’arrestation du ‘’hounnon’’ et que lui se soit aussitôt mis à la recherche de cet individu. Enquiquiné, le colonel s’emporte. Ses conseils le calment. La partie civile lui fait dire qu’ « en matière de sécurité des VIP, on ne rend pas compte. On fait tout seul. C’est le résultat de la mission qu’on vous demande… » Me Yansunnu relève qu’il dit avoir fini sa mission et fait cas de son sentiment que c’est le témoin qui est l’acteur « de ce montage ». Indignation côté avocats des témoins. Me Yansunnu en profite pour dénoncer leur constitution et l’illégalité de leur prise de parole dans le prétoire.


Qu’est-ce qui prouve que Dangnivo est mort ?

Me Yansunnu menace de déposer ses conclusions et de se retirer si le président ne l’écoute pas. Comme question préjudicielle, il rappelle le défaut de certificat de décès au dossier et souhaite que cette question soit résolue avant que d’aller plus loin pour déterminer qui est auteur ou complice d’assassinat. En tout état de cause, il sollicite de la cour qu’elle mette en liberté provisoire Alofa et Donatien jusqu’à ce que soit faite la preuve du décès. Me Zinflou renchérit se fondant sur le flou né de la pièce introduite par le sieur Lucien Dègbo, qui renseigne que le décès serait intervenu le 27 septembre à 20h47. La partie civile fait chorus et invite à établir d’abord la mort de Dangnivo, ce dont seul le tribunal civil a compétence. Aussi, en l’absence de cette démarche, le présent procès ne saurait-il être poursuivi. La seule conséquence qui s’en déduit, pour la partie civile, c’est le renvoi du dossier à une session ultérieure de la cour d’assises, surtout que ni la mort physique, ni la mort juridique de Dangnivo, ne sont prouvées. On rappelle ici que la famille Dangnivo a déposé plainte pour « enlèvement et séquestration » mais que « rien n’a été fait » dans ce sens. Et on plaide qu’il eut fallu préalablement qu’on recherchât les preuves de la mort, celles de l’implication des accusés à travers des liens évidents que la recherche d’ADN aurait pu mettre en évidence. Toutes choses qui font soutenir à la partie civile que le dossier n’est pas en état d’être jugé, que les principaux acteurs de cette affaire ne sont pas ceux qui comparaissent. On indexe la présidence de la République d’où tout partirait et reviendrait dans cette affaire… « C’est un dossier politique, c’est un crime d’Etat…», conclut Me Djogbénou. Et il invoque l’article 319 du code de procédure pénale qui fait obligation à la cour de statuer lorsque la partie civile dépose des conclusions. Salve d’applaudissements dans le prétoire. Pour Gilles Sodonon, « nous ne sommes plus à l’étape des questions préjudicielles et celle soulevée doit être rejetée. L’acte du décès n’est pas une question préjudicielle. La preuve de la mort, acte administratif de déclaration, peut se faire par tous les moyens. Le constat de ce décès a été fait par les expertises réalisées… Tout a été fait et il a été offert à la partie civile de choisir elle-même les experts qui lui conviennent pour les examens mais elle n’a pas voulu se prêter à cette démarche. Les articles 320 et 374 du code de procédure pénale prescrivent que les arrêts sur les incidents et exceptions ne préjugent pas du jugement au fond. Et que tout recours y relatif ne peut intervenir qu’en même temps que celui portant éventuellement sur la décision au fond. » oppose-t-il. Aussi requiert-il que la cour joigne ces incidents au fond pour la reddition d’une décision unique… Me Djogbénou rappelle que la question préjudicielle a été soulevée à l’entame de la présente procédure. Clame que la question préjudicielle doit être traitée avant le fond, qu’elle ne peut être jointe au fond… Que le code de la famille prescrit que lorsqu’un décès n’est pas constaté sur le champ ou dans les dix jours, c’est un jugement déclaratif qui l’établit. « La question préjudicielle est imparable, tout comme la demande de renvoi » assène encore l’avocat de la partie civile.
La cour renvoie l’audience à ce jour et annonce qu’elle fera savoir sa position relativement aux conclusions déposées.
La défense insiste pour dire que le rapport d’expertise indique clairement qu’il reste à confirmer, par des analyses ADN, si le cadavre exhumé est bien celui de Dangnivo. Elle réitère que la question préjudicielle ne peut pas être jointe au fond. Me Zinflou développe que si les préoccupations qui font l’objet de la question préjudicielle étaient fondées, ce qui est le cas selon lui, l’infraction disparaîtrait. En attendant, il sollicite la liberté provisoire pour les accusés, en réaffirmant que dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier, une ordonnance aux fins d’enterrement collectif de 350 corps a été délivrée. Et suggère ainsi que des manipulations possibles ont pu intervenir…


Wilfried Léandre Houngbédji (Publié dans ’’La Nation’’, de ce vendredi 13 novembre 2015

jeudi 12 novembre 2015

Rahimi Amoussa définit la dimension alchimique de l’artiste plasticien

Dans une communication liée à la commémoration de la 2ème édition de la Journée internationale des arts plastiques (Jiap)


La matinée du jeudi 29 octobre dernier a été consacrée par les artistes plasticiens béninois à la découverte d’une communication importante sur la force alchimique de l’artiste. Elle a été présentée par le métaphysicien, Rahimi Amoussa, au siège de la Fédération des associations professionnelles des plasticiens et graphistes du Bénin (Faplag-Bénin).

De gauche à droite, les artistes Francis Ahoyo, Philippe Abayi, le métaphysicien Rahimi Amoussa et l'artiste décorateur Grégoire Noudéhou
« Le plasticien, alchimiste d’harmonie et de paix ». Tel est le thème de la communication qu’a présentée le métaphysicien Rahimi Amoussa, à l’attention des artistes plasticiens béninois, venus nombreux pour l’écouter, le jeudi 29 octobre dernier. C’était dans le cadre de la commémoration de la 2ème édition de la Journée internationale des arts plastiques (Jiap).
Première communication d’une série de quatre, elle a instruit le public, constitué en majorité d’artistes plasticiens, sur les normes fondamentales que doit rigoureusement suivre l’artiste plasticien pour atteindre la dimension très sélective de ’’plasticien alchimiste’’. Ainsi, la définition de ce type performant d’artiste est revenue de manière bien précise, closant la communication : « Le plasticien alchimiste est […] un adepte de la connaissance : la connaissance de lui-même ou connaissance de soi, la connaissance de son art et de ses matériaux, le langage des matériaux de son art, la connaissance des lois de fonctionnement de l’univers, particulièrement, la connaissance des effets invisibles, et sur l’homme et sur l’environnement, et la cité de ses créations et des matériaux de ses créations, ainsi que de lui-même, en tant qu’adepte de l’harmonie et de la paix : une voie du sacrifice pour l’humanité ».
Avant d’en arriver à cette étape décisivement conclusive, Rahimi Amoussa s’est appuyé sur un développement en 4 compartiments. Le premier lui a permis de faire comprendre le contenu de la notion d’ ’’arts plastiques’’. Selon lui, ils consistent à « éduquer le sensibilité », à « apprendre à utiliser le langage plastique » et à « acquérir les bases d’une culture artistique », autant d’exigences servant à circonscrire clairement, selon lui, les 6 aspects que contiennent les arts plastiques : la sémiologie de l’image, la composition, la couleur, le graphisme, les matières et le volume.
Concernant le deuxième compartiment de son exposé, le communicateur l’a lié au sous-thème : « Le plasticien, alchimie de la matière ». Ainsi, il a considéré que le plasticien alchimiste de la matière se manifeste à travers la ligne qui, pour lui, est « le moyen de représentation le plus élémentaire ». Cette ouverture l’a amené à développer un ensemble de considérations intéressantes sur les couleurs et les significations respectives qui leur sont attachées.
C’est alors qu’il a abouti au troisième sous-thème : « Le plasticien : de l’alchimie matérielle à l’alchimie spirituelle ». A ce niveau, Rahimi Amoussa s’est appesanti sur la place des ordinaire dans la définition de son concept du sous-thème, avant d’en venir à étudier ceux assez novateurs de l’imagination, de la mémoire, de l’intelligence et de la sagesse, toutes fondamentales dans le passage à l’alchimie spirituelle, surtout que, bien exploitées, elles contribuent à forger un créateur de qualité, donc, un « alchimiste d’harmonie et de paix » qui doit se corriger de 9 cardinaux défauts : l’aveuglement, l’erreur fondamentale, l’avarice, la gourmandise, la luxure, la presse, l’envie, la colère et l’orgueil.
Dans ces conditions, le communicateur a abouti à la dernière partie de son exposé : « Le vitol de l’alchimiste ». Avec cette partie, le public de plasticiens a reçu des consignes précises pour réaliser en soi la vraie dimension alchimique de l’esprit, avec les vertus à promouvoir : la prudence, la tempérance, la justice, la force, la charité, l’espérance, la foi, l’intelligence et la sagesse. En conséquence, l’artiste plasticien peut, en s’améliorant en lui-même travailler positivement sur son environnement et le transformer en bien.
La conférence n’a pas manqué de susciter un débat épanouissant dont Rahimi Amoussa fut réellement à la hauteur.

Marcel Kpogodo 

Point de la 3ème journée du Procès lié à l'Affaire ''Dangnivo''

Par le compte-rendu du Journaliste Wilfried Léandre Houngbédji


La 3ème journée du procès de l’Affaire ’’Dangnivo’’, celle du mercredi 11 novembre 2015, qui se déroule à la Cour d’appel de Cotonou, a tenu ses promesses en matière de nouveaux déballages. Nous suivons son évolution à travers le compte-rendu impartial et détaillé du Journaliste, Wilfried Léandre Houngbédji, pour son journal, le Quotidien ’’La Nation’’. 

Codjo Cossi Alofa
Un témoignage compromettant pour les accusés, Grégoire Akoffodji et Prince Alédji déposent

Devant la même cour que la veille, avec un nouveau greffier d’audience, Me Théogène Zountchékon, un même public massif tant dans le prétoire qu’en dehors, l’audience de la session spéciale de la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou a repris hier mercredi 11 novembre. Marquée par des passes d’armes entre avocats, et quelques fois entre avocats et ministère public, l’audience a également enregistré la présence des principaux mis en cause de la veille : Lani Bernard Davo, Théophile N’Dah, Grégoire Akoffodji, Mohamed Mouftaou D.Prince Alédji. De même que la main courante et le registre d’écrou du commissariat de Godomey ont été présentés à la cour. Entre-temps, à 8h20, les accusés arrivent sur les lieux. Une arrivée entourée des mêmes mesures sécuritaires que celles indiquées précédemment. L’affaire intéresse tellement que ceux qui ont pu avoir une place dans le prétoire, au moment de la pause déjeuner, n’osent pas sortir, pour éviter que ceux, nombreux, qui se bousculent à la porte malgré les amplificateurs de voix installés, ne s’y engouffrent pour s’installer à leur place… A la fin de la journée, la déposition du témoin Priso s’annonce comme un tournant décisif du procès, en attendant peut-être de nouveaux développements.

D’entrée et avant même que la cour n’introduise les débats, Me Joseph Djogbénou a voulu s’assurer qu’il n’y a eu aucune pression sur les accusés depuis la veille. Puis il se lancera dans une tirade contre ces « chars » et contre les conditions particulières de sécurité qui entourent ce procès. Et demande que M. Prince Alédji soit invité à venir expliquer certaines situations. Tout comme Bernard Lani Davo, Théophile N’Dah ou Jean Aladé dont il dit ne pas savoir si c’est un pseudonyme, devront passer témoigner. Face à ces exigences, le procureur général, Gilles Sodonon, informe que les diligences ont été accomplies dès mardi soir et que les anciens ministres, comme les régisseurs entrant et sortant de Missérété ont été convoqués à l’audience. Quant à M. Prince Alédji, il serait en mission des Nations Unies depuis sa retraite. Me Djogbénou se dit partiellement satisfait car, à son avis, le sieur Prince Alédji est une pièce essentielle au regard des dépositions de la veille. Quand le président essaye de relancer les débats, Me Djogbénou repart à l’assaut des … « chars au palais de justice» pour dénoncer le dispositif sécuritaire mis en place dans le cadre de ce procès. « Ce n’est pas normal que des militaires en armes soient dans le palais de justice, en nombre. Ils peuvent garder les alentours… Je suis désolé, je suis désolé. Notre toge est incompatible avec les armes… », enrage l’avocat de la partie civile. Ses associés Nicolin Assogba, Olga Anassidé et leur stagiaire Brice Houssou embrayent dans le même sens, mettant surtout l’accent sur la nécessité de la comparution du sieur Prince Alédji. Ile ne croient pas qu’il soit vraiment en mission et suggèrent à la cour qu’elle peut, sur la base de l’article 329 du code de procédure pénale, ordonner, au besoin par la force, sa comparution. Félix Dossa rassure et promet que toutes dispositions ont été prises et le seront encore pour que la procédure se mène sereinement. 
Me Ayodélé Ahounou, conseil assistant du commandant Enock Laourou, attire l’attention de la cour sur le sort des témoins qui sont restés isolés toute la journée de mardi sans avoir peut-être mangé, et martèle que pendant les débats, lorsque des noms sont énoncés, c’est la cour qui a le pouvoir souverain d’accuser s’il le faut tel ou tel en cas de faits nouveaux. Cela provoque une passe d’armes entre son confrère Djogbénou et lui. Pour autant, Me Zinflou ne résiste pas au besoin de suggérer à la cour, non sans dénoncer le dispositif sécuritaire, 
compte tenu des témoins convoqués et des déclarations faites, de renvoyer le dossier pour que les témoins soient écoutés ailleurs qu’en audience publique parce que la parole à l’audience est une parole libre sur des faits dont on veut découvrir la vérité. Ce n’est pas l’avis de Me Elie Vlavonou. « Depuis hier, clame-t-il, les personnes convoquées pour témoigner ont été clouées au pilori. On accorde du crédit aux propos de vils individus pour vilipender d’honnêtes personnes. Nous n’avons aucune inquiétude ni gêne mais respectons les normes. On peut poursuivre le débat sans polémiquer. Ce qui a été dit et entendu hier ne suffit pas pour dire que le procès est fini.» S’ensuit une séquence de tiraillements entre avocats des témoins, ceux de la défense et ceux de la partie civile. Ceux des témoins se disent sereins comme le fait savoir Me Gilbert Atindéhou assurant que les témoins attendent leur tour de parole. Mais qu’on veut continuer d’entretenir la confusion à laquelle certains ont intérêt. Et qui fait qu’on prend déjà les déclarations des accusés comme vérité dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Me Djogbénou ne démord pas. Il invite à ne pas s’éloigner des règles essentielles car le procès pénal doit être équitable entre les parties. A son avis, les témoins ne sont entendus que lorsqu’ils sont invités à la barre. Le code de procédure pénale suggère qu’ils puissent être assistés et c’est leur droit. Mais si 24h d’attente sont extraordinairement longues, éprouvantes pour « ces hommes bons », il semble lire chez ses confrères que, pour eux, cinq ans ne le sont pas pour la famille, pour les accusés. Il s’étonne, par ailleurs, que « les assistants de témoins, dont les clients n’ont même pas encore déposé devant la cour, déclarent que les accusés ont menti. Puis il garantit sa collaboration à la cour tant que les règles sont respectées car la famille veut connaître la vérité. Me Théodore Zinflou est sur la même longueur d’onde et renchérit qu’il est préférable que les témoins soient entendus hors audience publique. Etonnement du ministère public. Gilles Sodonon, rappelant à l’occasion que toutes les demandes formulées par la défense ont été satisfaites, enseigne que l’article 332 du code de procédure pénale fait obligation que les témoins soient entendus dans le débat même s’ils n’ont pas déposé à l’instruction. Pendant qu’il parle, M. Prince Alédji fait son entrée dans le prétoire et salue gaiement les uns et les autres. Remous dans la salle. Quelques avocats annoncent leur constitution à sa cause. Puis c’est Grégoire Arsène Akoffodji, ancien garde des Sceaux (2010-2011) qui est à la barre. Il commence littéralement à déposer. Soutient n’avoir vu Alofa pour la première fois que le 26 septembre 2010 dans l’après-midi après avoir été avisé par le parquet, que la commission d’enquête judiciaire est bien avancée puisque tenant le suspect. Il dit n’avoir jamais vu Donatien Amoussou. Le ministère public signale à la cour qu’il devrait être d’abord isolé comme les autres témoins. La défense est d’accord et moque : « Vous voyez que nous sommes parfois d’accord avec le ministère public.» « Sur la procédure », nuance Gilles Sodonon. « Si nous sommes trop d’accord, on va le relever de ses fonctions », moque Me Djogbénou. En tout cas, les avocats des témoins demandent que leurs clients soient entendus publiquement car ils n’ont rien à cacher au public.


Grégoire Akoffodji : « L’honneur a un sens »

Premier témoin à passer à la barre, l’ancien ministre de la Justice, Grégoire Akoffodji, expose que l’affaire est arrivée en Conseil des ministres parce que les syndicalistes s’y accrochaient et qu’elle préoccupait l’opinion. « J’ai demandé au Conseil que cela reste une affaire judiciaire. C’est ainsi qu’une commission d’enquête judiciaire a été mise en place » informe-t-il. Avant d’indiquer comme Alofa la veille, que c’est en tenue de sport qu’il s’est rendu à la brigade de recherche, après avoir eu au téléphone le procureur général et le procureur de la République, qui avaient cherché vainement à le joindre alors qu’il était au sport. « Je me suis porté vers la commission qui m’a informé que des individus sont passés aux aveux. C’est là, à la brigade, que j’ai aperçu le nommé Alofa, puis le lendemain sur les lieux de l’exhumation. Nous n’avons eu aucune conversation… Le rôle du ministère de la Justice a été limité à mettre les moyens à la disposition de la commission d’enquête » précise l’ancien Garde des Sceaux. Le ministère public n’ayant aucune question à poser, la partie civile y va de gré. Grégoire Akoffodji développe que le gouvernement a fait les diligences pour faciliter les analyses scientifiques aux fins d’expertise. Son souci, dit-il, était de tout mettre en œuvre pour la manifestation de la vérité. Me Djogbénou insinue que les experts étrangers sollicités sont arrivés au Bénin avant l’exhumation du corps de Womey, soit dès le dimanche 26 septembre. Le ministre Akoffodji pique une sainte colère, récuse cette thèse et lui demande d’en fournir la preuve. Me Djogbénou lui souffle que l’ordonnance du juge d’instruction date du 5 octobre 2010, une séance ayant eu lieu à la présidence de la République ce jour-là et qu’en tout cas, les experts étrangers étaient déjà à Cotonou. Puis l’avocat exhibe un document de l’expert allemand, qui établit que le 30 septembre 2010, il était déjà sollicité par le gouvernement béninois. Le prétoire vibre. Quand s’éternisent les tiraillements entre avocats autour du témoin, la défense et la partie civile s’accrochant régulièrement avec son conseil Me Ayodélé Ahounou, le président Félix Dossa leur rappelle qu’il y en a beaucoup d’autres. Les questions pleuvent toujours sur Grégoire Akoffodji, pour savoir notamment pourquoi le gouvernement s’était tant impliqué dans ce dossier au point de poser des actes qui auraient dû relever de l’instruction judiciaire. Parfois, elles sont jugées « tendancieuses » par son conseil, mais le ministre, impassible, répond autant qu’il peut, laissant comprendre qu’à la vue du corps en état de putréfaction, il était déjà convaincu qu’il faudrait des expertises pour confirmer les appréhensions. Pourquoi avoir alors reçu la famille, lui avoir présenté des condoléances avant de l’inviter à se joindre à la formalité d’exhumation ? Grégoire Akoffodji répond que sur la base des informations reçues, il a pensé de bonne foi qu’on retrouverait sur les lieux, un corps reconnaissable. De même, d’après la relation des faits à lui servie, puisque le coupable auto proclamé disait avoir prélevé des organes du corps (le meurtre étant déjà quelque choses de lourd à porter), le ministre s’est laissé convaincre qu’il était certainement sincère. Son conseil fait observer à la cour que « le témoin est d’une cohérence inouïe ». Ce qui a l’art de déclencher une émeute de rires dans le prétoire. Les escarmouches entre avocats s’intensifient plus tard, et Me Djogbénou, qui croit avoir vu un assesseur manifester son agacement ou sa colère, s’en étonne et désapprouve. Une confrontation entre Alofa et le ministre permet à ce dernier de préciser qu’il n’a jamais assisté à une conversation entre l’accusé et qui que ce soit, ni participé à quelque montage, quelque scénario tendant à faire porter la responsabilité du crime à cet « enfant de 25 ans au moment des faits ». Il affirme avoir bien accompli son travail et que, pour lui, l’honneur a encore un sens. Alofa confirme bien que ce n’est pas le ministre qui lui a fait des promesses, mais les nommés Dègbo et Aladé Jean.


Que dit la main courante de Godomey ?

Suspension de l’audience à 11h55. A la reprise à 12h30, le commissaire de Godomey, Codjo Hadonou, qui y a pris service en novembre 2014, se porte à la barre avec la main courante sollicitée par la défense la veille ainsi qu’avec le registre d’écrou. Le prétoire retient son souffle. La lecture de ces documents révèle qu’il y a bien eu un compte rendu au commissaire en date du 23 août relativement au vol de moto commis par Alofa. Le ministère public fait constater que le juge a bien visé dans le dispositif de l’arrêt de renvoi, la date du 23 août comme étant celle de commission du vol. Chose confortée par les déclarations de l’accusé Alofa lui-même sur interpellation-réponse. Qui déclarait que c’est le 23 août que Polo est allé le voir pour l’opération. Cela ressort plutôt des déclarations sinon qu’on le lui a fait dire, rectifie Me Magloire Yansunnu, rappelant que l’intéressé est un illettré. Me Djogbénou souligne que du point de vue matériel l’acte dressé en forme de procès-verbal n’est pas comparable au registre soumis à la cour et que ce procès-verbal porte bien la date du 16 août. Ce dont, pour s’assurer, Me Zinflou, demande au commissaire si le procès-verbal mentionne bien, à l’entame, la date à laquelle il s’établit. Réponse affirmative. Autant que lorsqu’il demande à l’officier si le procès-verbal se fait bien sur la base de la main courante. Et au commissaire d’enseigner que « la procédure fait toujours référence à la main courante ». Le ministère public veut intervenir, la défense intervient pour l’en empêcher. Echanges vifs qui, pour le prétoire, sont à l’avantage de l’avocat. Le public savoure. Gilles Sodonon, en sa qualité de « directeur de la police judiciaire » intervient alors pour préciser que techniquement la main courante n’est pas la procédure. Ce dont se saisit Me Djogbénou, qui lit la main courante du 23 août, pour en déduire que ce n’est pas une plainte qui y est retracée, mais qu’il s’agit d’un compte rendu au commissaire, d’une opération menée « suite à un appel prétendu ». Cependant que le procès-verbal de l’officier de police judiciaire, qui fait foi jusqu’à inscription de faux, établit bien qu’à la date du 16 août, Alofa était aux mains de la police. Me Zinflou renchérit que le procès-verbal produit à la suite de diligences judiciaires l’emporte. Davantage, Me Djogbénou fait remarquer que dans le registre d’écrou produit par le commissaire, il est mentionné que le sieur Alofa a été écroué le 22 septembre pour des faits supposés commis le 23 ! Le commissaire évoque « une erreur » possible et précise que la chronologie des heures atteste que c’est le 23 que le nommé Alofa a été écroué. Il sera prié de produire la copie du procès-verbal disponible au commissariat. Ce à quoi il s’engage…


Affabulations, mensonges…

C’est alors que la barre accueille le contrôleur général de police à la retraite, actuellement fonctionnaire aux Nations Unies, Mohamed Mouftaou D. Prince Alédji. Me Yansunnu va lui poser des questions. Il donne le profil à la cour et se tourne vers l’avocat. Joseph Djogbénou lui indique qu’il doit regarder la cour. Une remarque qui ne plaît pas au témoin, qui lui lance : « Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. Un peu de politesse ». Incident pour l’avocat qui relève que « ça commence » et lui fait observer : « Vous n’êtes pas dans votre commissariat ici ». Suspension. Reprise une heure plus tard. Le contrôleur général de Police, situe que c’est en sa qualité de chef service central de la Police judiciaire de Cotonou au moment des faits, qu’il a été membre de la commission d’enquête et à eu à faire aux accusés. Sur demande de son avocat, Elie Vlavonou, le greffier de l’audience est invité par le président à lui donner lecture de ce qui a été dit de lui la veille. Mais c’est Donatien Amoussou qui va raconter comment, selon lui, l’officier de police a demandé à Alofa de le doigter comme son associé. C’était à la brigade de recherche après une première rencontre à la présidence de la République, dans le bureau du colonel Koumasségbo. Et en présence d’autres personnes, jure-t-il avant d’inviter le sieur Prince Alédji à « avoir le courage de dire la vérité à la cour ». A ce moment, entre dans le prétoire son ami Priso (de son vrai nom Evouna Priso Atangana). Invité à réagir aux propos formulés contre sa personne, M. Prince Alédji se présente comme « un enquêteur professionnel », une « victime du devoir » qui a eu « un parcours exemplaire et qui a dû recourir à la justice pour une reconstitution de sa carrière». Ceci pour dire qu’aller à la présidence de la République ne lui ressemble pas. En tout cas, il dit n’avoir pas le souvenir d’avoir mis pied en ces lieux dans le cadre de ce dossier. « Pour y recevoir des instructions », précise-t-il ensuite. Il a pu arriver, pour les besoins de l’enquête, admet-il, que l’on ait procédé par comparaison pour s’assurer de l’identité de Donatien. Qui, poursuit-il, est « un homme de réseau, un militaire radié, spécialité de vol à main armée, un repris de justice… » L’officier de police raconte ensuite que d’après ses informations, c’est bien un coup que Donatien et Alofa ont bien préparé, que les recoupements attestent qu’ils étaient bien en connivence, dans le but de déposséder Dangnivo (qui serait un client d’Alofa) de sa voiture. Soit, au total, pour celui qui revendique « 30 années de police, 30 années de police judiciaire » que son travail a été propre. Donatien réagit vivement, soutient n’avoir jamais fait de la prison avant ce dossier Dangnivo, « pas un seul jour », désapprouve-t-il. Et engage-t-il, « si vous consultez les registres et que vous découvrez que j’ai fait un seul jour de prison, considérez alors que tout ce qu’il dit à mon sujet est vrai ». Admirations du public. Sur ce, M. Prince Alédji suggère qu’on demande à Donatien de décliner son parcours dans l’armée. Ce qu’il fait, raconte qu’il a dû partir de lui-même, après avoir dénoncé des gens qui voulaient voler des armes, après avoir vu sa solde coupée et avoir subi des pressions diverses. Il assure qu’à Parakou, il montait la garde avec plusieurs armes et de nombreuses munitions, sans pourtant avoir jamais été mis en cause. Mohamed Mouftaou D. Prince Alédji en déduit malicieusement que « pour un soldat, ce qu’il vient de dire renseigne assez sur qui il est ». Le public désapprouve. Invité à son tour, par Me Magloire Yansunnu, à expliquer comment s’est passée la séance de reconnaissance de Donatien, l’officier affirme que « le temps a fait son œuvre et des montages ont été faits » mais qu’il n’a jamais été question d’aligner des personnes pour demander à Alofa d’identifier Donatien parmi elles. Pourtant Alofa maintient sa version de la veille. Et raconte que le commissaire Prince Alédji, arrivé sur les lieux le lendemain, l’aurait menacé de le lester pour le larguer en mer parce qu’ayant appris qu’il était imperméable aux balles… avant de lui dire plus tard qu’il lui présenterait le nommé Donatien qu’il devrait affirmer connaître. Me Barnabé Gbago relève qu’il a omis certains aspects de son récit de la veille. Alofa valide et précise que ce qu’il venait de raconter concerne M. Prince Alédji et que tous les faits ne se rapportent pas à tous les protagonistes. L’officier, impassible, réitère avoir conduit son opération avec art. Que c’est Alofa qui a raconté avoir pris de l’argent à Dangnivo pour lui concocté un savon. Que c’est encore lui qui, durant les enquêtes, leur aurait doigté la maison d’une épouse de Dangnivo. Qu’il aurait raconté que le plan initial était d’arracher la voiture de la victime, mais qu’au jour dit il se serait présenté avec une moto. D’où ils auraient réaménagé leur plan en trouvant le moyen de le faire revenir le lendemain. Me Yansunnu relève que l’officier a pu oublier car, même dans la version où Alofa acceptait les faits, Donatien Amoussou n’était nullement présent. Ce témoin, qui s’agace parfois des questions à lui posées, n’a pas la sympathie du public, qui réagit régulièrement à ses réponses, et approuve les questions de Me Zinflou. Témoin qui considère comme affabulations, comme du « précuit » les thèses des accusés tendant à l’incriminer, et assure être venu pour éclairer la lanterne de la cour, après avoir appris que son nom avait été cité.


Priso, un témoin décisif ?

Priso est à la barre. Sa version des faits stipule que son ami nigérian Polo, par qui il a connu Donatien, l’a appelé une nuit autour entre 1h et 2h du matin, pour dire d’aller le voir en urgence. Ayant hésité, il s’est finalement déplacé pour voir l’ami. Qui lui a fait part de son projet de voyage sur le Nigeria et lui a confié un sac contenant des effets. Lequel sac il a déposé chez lui, enfermé dans l’armoire. Trois ou quatre jours après, par curiosité, sa femme a ouvert ce sac pour en scruter le contenu. C’est elle qui y aurait vu des vêtements et un téléphone Zékédé à antenne, ainsi que le livret de bord d’une voiture qu’il dit avoir vu garée à l’hôtel où logeait Polo. Dans la foulée, l’affaire Dangnivo défrayait la chronique et il se rend compte que le livret de bord porte bien le numéro du véhicule qu’il a vu à l’hôtel, mais remarque que le livret était plutôt au nom d’une femme et non d’un homme. Ce qui l’a intrigué. Ayant allumé le portable Zékédé, une dame l’aurait aussitôt appelé puis demandé de lui passer le propriétaire… Entre-temps, le véhicule dans lequel il dit avoir vu le nommé Alofa (qu’il ne connaissait pas alors) de blanc vêtu, avec un chauffeur, a disparu de l’hôtel où il est retourné après. Somme toute, pris de panique après les appels de la femme, puis l’emballement de l’actualité, il dit être allé déposer le portable Zékédé à Océan FM pour en signaler la perte, puis en avoir informé son ami Donatien. C’est lui qui en aurait parlé à son frère, lequel les a conduits à Julien Pierre Akpaki. Ce dernier, à son tour, les aurait effectivement mis en contact avec d’autres responsables dont le colonel Koumasségbo notamment… Bien plus tard, Priso qui ne se sentait plus en sécurité et avait même dû crécher avec sa famille chez Donatien, dit avoir été invité par le commissariat d’Agla pour identifier un individu qui pourrait être celui qu’il avait aperçu dans la voiture. Il s’agissait d’Alofa qui aurait été rattrapé grâce à sa carte SIM. C’est donc là qu’Alofa, le prenant pour un « chef » de la police ou de la gendarmerie, lui déclare que l’homme a qui appartient la voiture est mort. Ce qu’il aurait répété aux agents, provoquant des pleurs chez eux… Priso, sur les lieux, croit avoir entendu qu’Alofa a cité un ancien militaire. C’est dans la foulée que le nom de Donatien est évoqué. Dès lors, il s’étonne que Donatien ne se rende pas souvent disponible pour répondre aux convocations et s’en ouvre à lui. Celui-ci banalise. Appelé plus tard par le colonel Koumasségbo à aller à la présidence de la République avec Donatien, ce dernier alerte son ami Gildas et son frère Auguste… « Au commissariat d’Agla, il fut un moment où on a présenté un certain nombre de personnes à Alofa. Je n’étais pas dans la salle mais c’est certainement là qu’il aurait identifié Donatien puisque celui-ci ressortira menottes aux mains. » se remémore Priso Le prétoire est plongé dans un silence studieux. Mme Dangnivo, pendant la déposition, suit religieusement et se tient le menton ou porte la main à la bouche. Priso est formel, c’est lui et lui seul qui est allé déposer le téléphone Zékédé à Océan FM et au moment de le retirer, il est parti avec le colonel. Donatien n’était pas de la partie. Chez ce Donatien, Priso assure, sur question du ministère public, n’avoir jamais vu le véhicule retrouvé à l’hôtel. Mais après son arrestation, il dit s’être posé des questions et a déserté sa maison où il le logeait. Depuis lors, ce n’est qu’à l’audience d’hier qu’il le revoit. Le témoin n’omet pas de signaler à la cour que depuis cinq ans, il vit des menaces de mort à n’en plus finir, est obligé de changer de numéro régulièrement, et jure ne pas savoir comment Donatien a pu être mêlé à cette affaire.
Il en était là de ses dépositions quand, à 17h07, le président de la cour de céans, pour des raisons de sécurité de tous, prononce la suspension de l’audience. Au même moment, Me Elie Vlavonou exprimait justement des inquiétudes quant à la sécurité des uns et des autres, l’officier de police Prince Alédji ayant été pris à partie, d’après certaines sources, à sa sortie du prétoire après sa déposition…
L’audience reprend ce matin avec la poursuite de la déposition du témoin Priso ainsi que d’autres qui attendent leur tour.


Wilfried Léandre Houngbédji (Publié dans La Nation du jeudi 12 septembre 2015)