vendredi 29 août 2014

Le Bénin se cherche en matière d'Ogm

Selon une analyse de notre Rédaction


Jusqu’en mars 2013 où expirait son 2ème moratoire, le Bénin faisait partie, dans le monde, des rares pays à en avoir pris un sur les Organismes génétiquement modifiés (Ogm). Une position inédite dont la fin depuis plusieurs mois, ne l’empêche pas de continuer sans pour autant se doter d’une loi sur la biosécurité. 

Azizou Issa, Ministre béninois de l'Agriculture
Matinée du mois de juillet à Godomey, l’une des sorties de la ville de Cotonou (Bénin). Marc, la trentaine environ, est sous la baraque qui lui sert d’atelier et qu’il a aménagé avec du bois et quelques feuilles de tôles. En effet, il est un mécanicien spécialisé dans la réparation des motocyclettes. A un pas de lui, se trouve un panneau publicitaire. Il y a quelques semaines de cela, on pouvait encore y lire le message suivant : « Organisme génétiquement modifié (Ogm) : la solution qui devient problèmes. Soyons vigilants. ». Interrogé quant au fait de savoir s’il connaissait l’objet de cette affiche, il déclare n’en avoir aucune idée. Mais, ajoute t-il, « ces dernières semaines, beaucoup d’usagers de la route qui empruntent la voie pavée qui passe devant mon atelier se sont arrêtés pour lire l’affiche ». Cette ignorance de Marc concernant la situation des Organismes génétiquement modifiés (Ogm) au Bénin, reflète-t-elle l’état de l’opinion publique ? Cette campagne d’affiche pour laquelle plusieurs panneaux publicitaires de Cotonou ont été mis à contribution, a été lancée par la Coalition de veille Ogm au Bénin et Grain,  qui militent contre les Ogm dans le pays. Plus d’un an après la fin du second moratoire pris par le Bénin, c’est la plus récente des actions menées par les anti-Ogm. Elle survient après le lancement, l’année dernière, d’une page Facebook intitulée «Je veux ma loi sur la biosécurité », qui n’a guère mobilisé les internautes béninois, dans un pays où la ruée vers les téléphones portables de dernière génération permettant d’accéder aisément à internet est pourtant manifeste.


Une loi toujours dans les tiroirs

Si le sujet laisse à priori indifférents les Béninois, c’est parce qu’il a, depuis plusieurs années, tous les traits d’une empoignade entre les associations, les Organisations non gouvernementales (Ong) anti-Ogm et l’Etat béninois. Ces dernières lui reprochent, notamment, de n’avoir pas mis en œuvre toutes les recommandations figurant dans les deux moratoires de 2002 et 2008, dont l’une d’elles était « d’informer l’opinion publique sur la présence des Ogm au Bénin et les conséquences qu’ils entrainent ».C’est ce que martèle Patrice Sagbo, membre du réseau Jinukun, qui est le point focal national de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen). Quoi qu’il en soit, si le Bénin attend toujours une loi sur la biosécurité, Marcel Comlan Kakpo, Point focal national du Protocole de Cartagena, que le Bénin a ratifié le 02  mars 2005, affirme « qu’il ne peut pas y avoir d’importation sans loi » et, qu’à ce titre, « qu’il n’y avait pas des cultures Ogm au Bénin ». Aussi poursuit-il, « ce sont entre autres les opérateurs privés qui voudront faire des Ogm qui décideront des cultures Ogm pour lesquelles ils opteront dès que le Bénin disposera d’une loi ».


Les Ogm bientôt aux portes du Bénin ?

Selon le Service international pour l’acquisition des applications de la biotechnologie agricole (Isaaa), une organisation qui est ouvertement pro-Ogm, 07 pays africains dont deux de l’Afrique de l’ouest, à savoir le Ghana et le Nigéria, ont fait, en 2013, selon elle, des essais en plein champ de nouvelles cultures transgéniques dont le coton, la banane et le maïs. Ce dernier qui est au cœur de plusieurs plats prisés au Bénin, y est disponible grâce à une production locale. Le marché Dantokpa, situé au cœur de la ville de Cotonou, est le plus grand de l’Afrique de l’ouest. On y trouve tous les produits, notamment, des produits vivriers en provenance de l’intérieur du pays. Josiane, qui nous sert de guide dans cette partie du marché, qui s’anime bruyamment, en cet après-midi, comme il l’est six jours sur sept, nous explique que « des gens viennent régulièrement du Nigéria pour acheter plusieurs tonnes de maïs ». « C’est notamment grâce à eux que celles qui vendent ce produit vivrier réalisent d’excellentes ventes, et si cette donne venait à changer, ce serait une très mauvaise augure », complète t-elle en Fongbé, l’une des langues locales du Bénin. Bien qu’il ne soit pas encore produit et destiné à une éventuelle exportation, le maïs transgénique nigérian pourrait-il se retrouver, un de ces jours, dans les plats béninois ? Aussi, au-delà de cela, avec les frontières poreuses qui sont les siennes, il est difficile de certifier, sans faire une détection d’Ogm sur des produits saisis au préalable, inopinément, à ses différentes frontières, si des produits Ogm n’auraient pas éventuellement été déjà importés au Bénin. Une telle possibilité ahurit Patrice Sagbo, alors que Marcel Comlan Kakpo précise « qu’une étude est prévue cette année » sur ce point.



Et la détection d’Ogm

Implanté au cœur de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), le Laboratoire national de biosécurité (Lnb), une composante du laboratoire de génétique et des biotechnologies de l’Uac, jouera indubitablement un rôle dans cette étude annoncée par le Point focal du protocole de Cartagena. En effet, Clément Agbangla, qui dirige cet ensemble, nous explique que le Lnb a été doté d’équipements de détection d’Ogm, qui sont venus renforcés ceux dont il disposait déjà. RT-PCR, centrifugeuse, PCR, hotte chimique sont, entre autres, les appareils obtenus dans le cadre du Programme régional de biosécurité (Prb) de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Pour la détection, poursuit-il, « nous faisons des tests rapides pour détecter si le produit en question a été modifié. Nous pouvons faire aussi un travail d’identification qui est plus long et qui nous permet d’identifier clairement l’Adn qui a été ajouté au produit initial ». Si la détection d’Ogm est possible depuis 2011, il ajouta « que l’Etat béninois devait faire preuve de bon sens en encourageant, comme cela doit l’être, les recherches ». Un vœu qui rejoint celui de Toussaint Hinvi, le Président du Parti des Verts du Bénin, qui estime qu’il faut donner aux « chercheurs africains et, notamment, à ceux du Bénin, les moyens nécessaires pour explorer ce nouveau champ de recherche que constitue les Ogm ». Mais, une douzaine d’années après le premier moratoire du Bénin, outre le cadre juridique à travers la loi qui n’existe pas encore, le fonctionnement correct des institutions prévues par le cadre national de biosécurité, adopté depuis 2005, est encore un vœu pieux et, ce, après une décennie qui semble bien avoir été perdue. 


Bernado Houenoussi

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