samedi 10 avril 2010

Chronique sur le Bénin

Le concept du Changement

Permettez qu’au début de ce propos, je rappelle à notre souvenir le slogan de campagne du candidat Boni Yayi, futur Président de la République ; "ça doit changer, ça peut changer, ça va changer". Le 06 avril 2006, drapé dans ses habits de nouveau chef d'Etat, il déclara dans son discours entre autres que "si la tête est vertueuse, le reste du corps suivra". Annonçant ainsi les couleurs du vent de changement qu'il voulait faire souffler sur le pays, il se rendit le lendemain de sa prise de pouvoir chez notre voisin de l'Est, forma son premier gouvernement dans la foulée et donna les instructions nécessaires pour que les passations de service soient menées au pas de charge. Suivra un séminaire gouvernemental et le limogeage d'un ministre dont le Directeur de cabinet a fait preuve d'un zèle irrévérencieux envers le Chef de l'Etat. Boni Yayi, en chantre du Changement, s'inscrivait résolument dans une rupture totale avec la gestion du régime défunt, caractérisée par un laisser-aller et une certaine inertie. Cette atmosphère au sommet de l'Etat avant 2006 n'était pas sans rappeler cette formule du Général se déclinant en ces mots :"si vous êtes prêt, moi aussi je suis prêt".

Le premier fait d'arme à l'actif du nouveau pouvoir a été l'annonce de l'audit de toutes les sociétés et autres structures étatiques, afin de tirer au clair d'éventuelles malversations financières qui auraient été opérées dans ces différents services. Le peuple, avide de démonstrations, se verra également servir les visites présidentielles inopinées dans les services publics et une marche verte conduite par le Chef de l'Etat contre la corruption. Mais, peu à peu, l'ancien système bousculé plia mais ne rompit pas. Et là, comble du paradoxe, le Changement s'en inspira pour montrer son côté pervers et utilisa le nerf de la guerre. Reprise en main des médias en commençant par ceux du service public, qui se transforment en véritables organes de propagande gouvernementale. Des contrats sont signés avec certains organes de presse, avec une clause contractuelle qui stipule expressément de ne pas relayer les informations susceptibles d'écorner l'image du gouvernement et de son chef. Pour calmer la fronde de certains douaniers et des enseignants, il est fait appel à des groupuscules de soi-disant douaniers et enseignants patriotes. Divisez pour mieux régner. Les ministres et autres directeurs d'entreprise étatiques se ruent tous les week-ends dans leurs régions d'origine pour organiser des meetings de soutien au président. Des campagnes électorales dont le financement est occulte et qu'ils organisent en bon fils du terroir soucieux d'être bien vus par le chef. Suivra également une monopolisation fréquente de la télévision publique afin de relayer des débats au cours desquels, comble du ridicule, le journaliste n'a en face d'un lui qu'un proche du pouvoir sans aucun contradicteur. Une sorte de coup d'Etat médiatique permanent pour employer ce terme d'Edwy Plenel. Au finish, malgré l'activisme bon teint du Chef de l'Etat, il ressort que le changement est plus un concept de communication vendu au peuple qui en a fait son opium. Toujours est-il que les fruits n'ont pas tenu la promesse des fleurs. Et, pour répéter encore ce mot, la plupart des promesses n'ont pas été tenues. Et, comme un cinglant désaveu, les résultats des audits sont jetés aux oubliettes depuis belle lurette. Vive le Changement!

Bernado Houènoussi

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