mercredi 30 décembre 2009

Africités 5 à Marrakech


Awe Assane


Sénégal


Une synergie collective pour répondre aux problèmes de développement


Le Centre Arafat Excellence, situé dans le quartier du Grand Yoff à Dakar, au Sénégal, a pris le relais, dès 2002, de la Banque Mondiale qui finançait,depuis 1994, un projet destiné à renforcer la nutrition des enfants ayant moins de trois (03) ans et celle des femmes enceintes. Dans ce coin de Dakar où vit une population qui trime au quotidien, Awe Assane coordonne, avec d’autres personnes, les activités du Centre Arafat Excellence. Celles-ci embrassent plusieurs domaines et s’organisent, de concert avec les habitants du quartier. Lauréat 2009 du Concours Harubuntu pour le travail abattu avec son équipe, Awe Assane, dans cet entretien qu’il nous accorde, a bien voulu s’exprimer sur les différentes œuvres à l’actif de la communauté du Grand Yoff.



Journal Le Mutateur : Que faisiez-vous avant de vous impliquer dans le travail au quotidien du Centre Arafat ?


Awe Assane : De profession, je suis professeur de mathématiques. Mais, je suis également un agent de développement local. J’ai toujours été passionné par le fait d’être aux côtés des populations, pour qu’ensemble, nous trouvions des solutions aux problèmes qu’elles doivent affronter.


De 2002 à aujourd’hui, comment ont été financées les initiatives du centre Arafat? A titre d’exemple nous avons celles concernant l’accès au crédit, la gestion de l’environnement, la santé communautaire, l’alphabétisation, … ?


Nous avons appliqué une démarche participative. Au début, il y avait le Projet de nutrition communautaire (Pnc) financé par la Banque mondiale qui a pris fin en 2002. A travers ce projet, nous prenions en charge la nutrition des enfants de 0 à 3 ans, et le suivi nutritionnel des femmes enceintes. A un certain moment, en travaillant sur ce projet, on s’est aperçus que la plupart des femmes du Grand Yoff, qui étaient mariées, devaient travailler pour venir en appui à leur mari. Mais, le plus grand problème, c’est qu’elles n’avaient pas les moyens pour engager des nourrices pour leurs enfants. Nous avons pris l’initiative de mettre en place une garderie d’enfants, depuis le Pnc. Et, à la fin de ce projet en 2002, nous avons jugé indispensable de continuer, malgré qu’il n’y avait plus un financement. Nous avons fait une cotisation qui nous a permis de louer une maison et nous avons décidé de continuer les activités de la garderie d’enfants, car nos moyens financiers n’étaient pas suffisants pour nous permettre de continuer avec les suppléments alimentaires pour les enfants en bas âge et les femmes enceintes. Nous avons ainsi décidé d’ouvrir en 2002 une classe de Cours d’initiation (Ci) et, cette année, nous avons un cycle maternel et élémentaire complet, et un cycle moyen secondaire complet. Tout cela est financé par un apport forfaitaire des parents, car nous avons fixé un prix qui défie toute concurrence. Au moment où les écoles qui sont dans les environs du quartier du Grand Yoff proposent un prix variant entre quatorze mille (14.000 F) et vingt trois mille (23.000 F), le notre est fixé à sept mille deux cent (7.200 F). Et, cette somme nous sert principalement à faire face à notre loyer, de même qu’aux frais d’électricité, d’eau, de téléphone et pour l’Internet. Et, nous avons pu mettre en place vingt-cinq (25) emplois permanents. C’est dire donc que notre Centre ne fait pas un bénéfice. Tous nos projets sont donc financés, grâce à l’apport des parents et en impliquant la communauté.


L’une de vos ambitions est de promouvoir également les personnes handicapées. A ce titre, il y a une manifestation culturelle dénommée Handifestival, dont les promoteurs ont été, en 2008, lauréats du Concours Harubuntu. Est-ce que vous collaborez avec eux ?


Si nous sommes là aujourd’hui, c’est à travers Handifestival, même s’ils ne le savent pas. Comme notre objectif est de promouvoir les gens, le groupe d’handicapés, Xalam Star, que nous soutenons, participe à ce festival. Et, c’est cette participation qui nous a permis de savoir que les promoteurs avaient été lauréats Harubuntu. Nous avons pris connaissance de la vision du Concours Harubuntu et de celle d’Echos Communication. Nous avons découvert que nous partageons les mêmes convictions et, c’est pourquoi, nous avons décidé de participer à ce Concours. Xalam Star est l’invité d’honneur du Festival mondial des handicapés qui est organisé chaque année en France. Mais, pour la troisième année d’affilée, leur présence n’est pas effective à ce Festival, à cause du rejet de leur demande de visa. Nous espérons qu’un jour le consulat de France comprendra que c’est la promotion des personnes handicapées qui est mis en avant par ce Festival. Nous sommes contre l’immigration clandestine. Et, nous répétons, chaque jour, à toutes ces personnes que nous encadrons qu’il est possible de vivre décemment, tout en restant dans son pays et de développer, par la même occasion, celui-ci.


Est-ce que vous envisagez un jour de faire passer aux adultes qui suivent les cours d’alphabétisation au Centre Arafat l’examen national ?


L’année dernière, il y en a eu deux (02) qui ont été présentés, mais malheureusement, ils ont échoué. Mais, nous sommes prêts à essayer de nouveau. Ils savent que les cours du soir sont différents de ceux que suivent les élèves dans un cursus normal et qu’ils doivent travailler énormément. Et, nous avons pour ambition de les présenter, au fil de leur évolution, aux autres examens nationaux, après celui du certificat d’études. Et, l’exemple de Sembène Ousmane est là. C’est un autodidacte, qui a eu la renommée qu’on connaît, et dont les œuvres sont aujourd’hui au programme dans les collèges et lycées. C’est cet exemple que nous leur donnons.


Quelles sont les actions au programme du Centre dans les prochaines années ?


Nous sommes en train de mettre en place le site web d’Arafat Excellence, afin de démultiplier notre exemple et pour avoir plus d’échanges avec des personnes vivant partout dans le monde. Nous voulons aussi créer un centre hôtelier dans un quartier plus aisé que celui du Grand Yoff où se situe notre Centre. Nous voulons par ce biais, faire un bénéfice qui nous servira à financer certaines de nos activités. Nous souhaitons aussi créer un centre polyvalent qui sera chargé de la formation dans divers domaines des femmes, tels que la couture, le commerce. Dans la mesure de nos moyens, nous pensons avoir notre propre local car, comme je l’ai dit, nous sommes en location. Une éventuelle aide des autorités locales sera déterminante pour l’aboutissement d’une telle chose, car le mode actuel de financement de nos activités ne le permet pas. En tant que lauréat Harubuntu, nous souhaitons renforcer la synergie avec les autres lauréats et renforcer nos liens avec Echos Communication. Et, comme nous avons été cooptés pour devenir membre du conseil scientifique de la municipalité dans laquelle se situe notre quartier, c’est une opportunité pour mobiliser les autorités autour des problèmes de développement qui se posent dans le Grand Yoff.



Propos recueillis par Bernado Houènoussi

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